Adoption de la révision des directives "marchés publics" et "concessions", avancées et interrogations
Le Parlement européen a révisé le 15 janvier 2014 les règles relatives aux marchés publics et aux concessions. La directive sur les marchés publics représente une avancée majeure puisqu’elle offre « la possibilité de sélectionner une offre en prenant mieux en compte son impact social et environnemental ou ses caractéristiques innovantes ». Quelques éléments d’analyse de cette révision.
Les avancées :
- "L'offre économiquement la plus avantageuse"
Selon les données officielles, les autorités publiques dépensent en moyenne 18 % du PIB dans des travaux de toutes sortes ainsi que dans des achats de biens et de services. Jusqu'à ce jour, l'objectif principal était de rechercher l'offre la moins chère. Mais le Parlement européen a affirmé dans un communiqué, le 15 janvier dernier, que les nouvelles lois en question ouvrent une nouvelle ère.
Pour Bernadette Vergnaud, vice-présidente de la commission du marché intérieur au parlement européen : "Le choix du pouvoir adjudicateur pourra se porter sur l’offre économiquement la plus avantageuse, et non plus sur la seule base du prix le plus bas. La différence est fondamentale : les critères sociaux et environnementaux seront donc pris en compte, tout comme ceux de durabilité."
Il sera possible d’intégrer des exigences qui ne relèvent pas uniquement des caractéristiques intrinsèques du produit à 3 niveaux des appels d’offres publics : dans les spécifications techniques du marché public, dans ses critères d’attribution et dans les conditions d’exécution du contrat.
Ces dispositions sont également étendues à la chaîne de sous-traitance, dont la réglementation se trouve pour la première fois incluse dans un texte européen, afin notamment de lutter contre le dumping social.
- L’introduction du critère du commerce équitable au titre des aspects sociaux et environnementaux.
La directive confirme l’orientation de la Cour de Justice de l’Union européenne sur le cas de la province de Hollande du Nord qui pour la première fois avait précisé que des marchés publics pouvaient favoriser des produits du commerce équitable. La directive permet de se référer explicitement à des labels privés comme une preuve de conformité avec les exigences de durabilité énoncés dans l’appel d’offres.
Le commissaire européen Michel Barnier a salué ces avancées majeures pour les achats responsables.
- L’ouverture de marchés réservés - déjà destinés aux ateliers protégés employant en majorité des personnes handicapées - aux opérateurs économiques dont le but est l’intégration sociale et professionnelle de personnes défavorisées, à condition qu’au moins 30% de leurs employés soient des travailleurs défavorisés.
- la simplification des démarches et des procédures et un accès plus facile pour les PME (notamment par l’encouragement de la division des contrats en lots)
- Plus de solutions innovantes
Par ailleurs, les députés ont introduit une nouvelle procédure pour encourager les soumissionnaires à proposer des solutions innovantes. Les projets de directives prévoient des "partenariats d'innovation" qui permettent aux autorités d'avoir recours aux appels d'offre pour résoudre un problème spécifique sans préjuger de la solution. Les autorités et les entreprises pourraient ensuite négocier la proposition la plus adéquate.
- Pas d'appel à privatiser les services publics
L'accord sur les contrats de concession souligne qu'il appartient aux États membres de décider ou non de l'externalisation de travaux ou services publics. _ La directive ne "requiert pas de privatisation d'entreprises publiques fournissant des services au public", ajoute le texte. Les députés reconnaissent l'importance spécifique de l'eau comme bien public et ont, par conséquent, exclu le secteur de l'eau du champ d'application de la directive sur les concessions.
Pour Thierry Repentin, “très clairement, le paquet de textes voté par le Parlement européen est très marqué par une inspiration française. C’est une bonne chose, et ce d’autant que les directives permettront que ces critères sociaux et environnementaux soient pris en compte dans le cadre de la sous-traitance. Car auparavant, une entreprise pouvait se voir attribuer un marché avec des objectifs sociaux et environnementaux, mais avec un risque de « perte en ligne » en cas de sous-traitance.”
Les interrogations et impacts :
De nombreux acteurs français s’interrogent sur la portée réelle de ces évolutions, et notamment sur leur transposition :
-L’introduction des marchés réservés pourrait avoir des effets pervers, notamment sur les clauses d’insertion (recours plus simple aux marchés réservés et abandon des clauses d’insertion, entente sur les prix,…) .
-Jusque là, la puissance publique (en France) ne pouvait accorder de droit de préférence à une catégorie déterminée de candidats que dans certaines conditions (pour un montant limité et avec des objectifs d'intérêt général démontrés). L’ouverture de la directive européenne sur d’autres critères que le prix pourrait faciliter une interprétation plus souple de cet article.
Les entreprises de l’ESS devraient donc pouvoir davantage s’appuyer sur la nouvelle directive. Après la promulgation des textes, prévue pour début mars, la France disposera de 24 mois pour transposer les textes en droit français.
A noter que l’Avise a produit un nouveau REPERES « accès des entreprises sociales d’insertion à la commande publique en Europe, contexte, enjeux et bonnes pratiques » dans le cadre de l’animation du site socialement-responsable.org.
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