Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Cycles Pierre & Simon Rouen
Publié le 6 mars 2018 - mis à jour le 20 février 2019

Cycles Pierre & Simon : une coopérative au montage inédit pour développer l’usage du vélo en ville

La coopérative Cycles Pierre & Simon est une boutique et atelier de réparation de vélo installée à Rouen. Étroitement liée à l'association « Guidoline », elle s'inscrit aussi dans un large réseau d'acteurs. Entretien avec son co-fondateur Simon Larchevêque, également directeur de Guidoline.

Pouvez-vous nous présenter l'origine et les activités de la SCOP Cycles Pierre & Simon ?

La SCOP Cycles Pierre & Simon est née de l'association rouennaise Guidoline créée en 2010 avec pour vocation de développer l'usage du vélo au quotidien en ville, autour d'un atelier d'autoréparation, où l'on apprend aux gens à réparer eux-mêmes leur vélo, et des activités annexes avec un espace café convivial, des animations (ateliers mobiles, balades à vélo, bourses aux vélos,...), la récupération de pièces détachées, des prestations aux entreprises

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Il y a trois ans, en phase de développement de l'association, qui fédère aujourd'hui plus de 5000 adhérents, s'est posé la question de la viabilité économique du projet, de sa gestion et de sa fiscalité, tandis que nous avions besoin d'un accès à du matériel neuf pour des raisons de sécurité, même si nous valorisons la récupération au sein de l'atelier. Nous avons donc créé la coopérative en 2015 pour séparer les activités, avec d'un côté l'activité associative de Guidoline et de l'autre une SCOP à caractère professionnel et commercial, avec une boutique de vente de pièces détachées et les services de réparation directe par un mécanicien professionnel.

Ce montage permet d'assurer la pérennité de l'activité associative de Guidoline, sans avoir recours à des subventions de fonctionnement. Il n'y a pas de lien financier direct entre la SCOP et l'association mais des liens de fonctionnement au quotidien, car la coopérative loue le local et le met à disposition de l'association (c'était l'inverse à l'origine) ; le mécanicien professionnel partage son savoir-faire de manière informelle avec les bénévoles de l'association ; les pièces changées dans le cadre de la coopérative sont récupérées et valorisées par l'association ; et les deux structures proposent conjointement une offre de service élargie de prestations aux entreprises, avec par exemple la coopérative qui va aller entretenir le parc de vélos d'une entreprise et proposer des animations réalisées par l'association.

Quels sont vos liens avec les collectivités territoriales et les entreprises ?

Nous travaillons beaucoup en lien avec la Métropole Rouen Normandie sur des projets communs qui permettent de péreniser notre activité, mais sans passer par des demandes de subventions qui seraient trop aléatoires dans le temps. (voir notre entretien avec Cyrille Moreau). Nous intervenons par exemple comme régisseur de la « fête du vélo », la déclinaison locale de cet évènement national, en apportant notre connaissance des réseaux liés au vélo tandis que la métropole finance, assure la logistique et la sécurité de l'évènement. Nous accompagnons également la métropole dans ses réflexions sur les aménagements cyclables, sur du mobilier urbain dédié avec par exemple des pompes à vélo en libre service, mais aussi sur des problématiques telles que le vol de vélos. Nous sensibilisons nos adhérents et nous accompagnons la métropole dans l'expérimentation sur 6 mois d'un box vélo, une sorte de parking sécurisé en ville, en recensant les fabricants et en aidant la métropole à construire son futur appel à projets si un développement des boxs est décidé.

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Nous travaillons également avec le service des sports de la ville de Rouen, en construisant avec eux sur le long terme des animations pour démocratiser la pratique du vélo dans une logique « sport pour tous ».

Mais notre priorité cette année est de développer notre volet « offre aux entreprises », car les Plans de Déplacements d'Entreprise (PDE) deviennent obligatoires pour les grandes entreprises et il y a un vrai enjeu et de gros progrès à faire pour développer l'usage du vélo sur les trajets domicile-travail des salariés. Sur le lien avec les entreprises, nous avons également un bureau partagé dans nos locaux, avec une société indépendante de coursiers, et on avait aussi hébergé une société de livraison qui depuis s'est développé et a ses propres locaux.

Comment vous inscrivez-vous dans les réseaux d'acteurs locaux et nationaux et avec quelle logique de développement ?

Du côté de l'association Guidoline, nous faisons partie du réseau normand des acteurs du vélo regroupant des associations, des maisons du vélo, des loueurs, etc. Nous réflechissons avec eux aux partenariats et mutualisations possibles, à voir comment nos activités peuvent être complémentaires plutôt que concurrentes sur le territoire. Les membres de Guidoline sont également présents dans les réunions sur les aménagements et la politique cyclables, où nous ne donnons pas notre avis en tant qu'association mais juste comme utilisateurs individuels au quotidien. Ce n'est pas notre rôle et on ne nous attend pas là-dessus, on renvoit plutôt vers l'association militante « Sabine » qui a la compétence technique et l'historique à long terme des aménagements passés, mais chacun est libre individuellement de s'y investir. Nous sommes par ailleurs présents dans les réseaux locaux d'entrepreneurs de l'ESS et de l'économie circulaire, j'ai moi-même été administrateur de l'ADRESS.

Au niveau national, Guidoline est membre du réseau Heureux-Cyclage qui rassemblent 200 ateliers d'autoréparation, au sein duquel nous pouvons apporter l'expérience de notre montage association/coopérative qui reste unique en France. Nous réflechissons actuellement à ce que la coopérative rejoigne un réseau national de boutiques de vélos. Cela nous permettrait de profiter de certains outils mutualisés de formation, de logiciels de gestion des stocks, d'avantages sur les fournisseurs, etc, tout en leur apportant notre vision différente de fonctionner, de montrer à des acteurs de l'économie classique qu'on peut faire autrement dans le cadre de l'ESS.

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Nous n'avons pas l'objectif de vendre un maximum de vélos, mais de trouver un équilibre économique qui permette de créer des emplois autour de l'objectif initial de développer l'usage du vélo en ville. Notre coopérative est viable économiquement, on finance 2 salaires et demi et les charges externes et nous réflechissons à un changement de lieu car nous avons besoin de plus d'espace pour nous développer. Pour autant, nous avons un schéma de vente très différent d'un magasin classique, avec une relation de conseil avec les clients, plutôt que simplement d'acheteur/vendeur, qui n'est pas limitée au seul responsable de la boutique mais aussi aux adhérents de Guidoline. Notre montage et nos activités communes permettent d'avoir une solution pour tous, ceux qui n'ont pas le budget peuvent passer par l'atelier d'autoréparation. Mais l'association peut aussi être un premier pas dans la culture vélo, qui va amener progressivement à considérer le vélo comme un vrai moyen de transport au quotidien qui mérite d'investir du budget et alors de s'orienter vers les services de la coopérative.

Concernant le développement de l'association, c'est actuellement un peu plus compliqué, avec l'arrêt des contrats aidés qui nous a un peu impacté, mais surtout vu la temporalité différente entre notre activité et les projets avec les collectivités qui prennent du temps à se mettre en place, la transition peut être difficile à absorber sans creuser notre trésorerie. Mais nous nous lançons dans des projets nouveaux, dans une mutation de nos services pour nous permettre de rester autonomes. Nous développons par exemple de nouvelles expériences en R&D puisque nous avons été retenus dans le cadre d'un appel d'offres de la communauté d'agglomération Seine Eure pour le montage d'une politique de développement du vélo et la création d'une maison du vélo. J'accompagne les services au quotidien dans le cadre d'une Assistance à Maitrise d'Ouvrage pour réflechir aux services à développer, aux acteurs locaux à mobiliser.

Plus d'informations sur : www.cyclespierreetsimon.com.