Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Publié le 15 février 2014

Entreprendre au pluri’elles : femmes actrices de l’ESS

Un colloque « Entreprendre au pluri’elles, femmes et actrices de l’ESS » se tenait le 4 février à Paris, à l’appel du Labo de l’ESS, du MES, de l‘association ADEL et du centre d’étude universitaire CIRTES. Malgré l’importante présence des femmes dans l’ESS, l’égalité professionnelle et la parité ne vont pas de soi. Patricia Andriot est intervenue au titre du RTES, lors d’une table ronde sur le rôle des collectivités pour faciliter la mise en réseau et en conclusion.

Résumé de la problématique, telle que posée par les organisateurs: « Alors que de nombreuses femmes se mobilisent pour entreprendre de manière plus humaine et socialement plus juste, la place et le rôle qu’elles occupent dans l’économie sociale et solidaire restent peu visibles et peu reconnus dans les pays du Nord, compte-tenu des rares débats et études sur le sujet. Au contraire, dans les pays du Sud, les initiatives animées par des femmes mêlant actions économiques et solidarités donnent lieu à de nombreuses recherches(…)”. En France, si le nombre de femmes entrepreneures dans l’ESS n’est actuellement pas documenté, les chiffres concernant les effectifs salariés dans l’ESS indiquent qu’elles sont majoritaires : leur proportion est de 66% contre seulement 40% dans le secteur privé (Braley, 2011, Observatoire national de l’ESS-CNCRES).

Retrouvez l’article de Jacques Dughéra, sur la question de la place et du rôle des femmes dans l’ESS.

Synthèse personnelle de Patricia Andriot

Les femmes occupent une place très importante dans l’ESS mais cela n’en pose pas moins une question de la signification de cette place. Plusieurs interprétations ont été avancées, que l’on pourrait résumer de manière sans doute trop simpliste "entre relégation et émancipation". Relégation si l'on considère que l'importante féminisation de l'ESS s'explique parce que l’on est dans une économie vitrine et de second rang avec des métiers plutôt occupés par des femmes; émancipation parce que les cadres de l’ESS sont plus favorables à l’émancipation et à répondre aux problématiques spécifiques aux femmes. La réalité est sans doute un mélange des deux mais les différents témoignages, tant sur l’accompagnement que sur la mise en réseau ou le financement, mettent en évidence qu’il faut évidemment lutter contre une place de relégation, renforcer l'égalité de traitement au sein de l'ESS car "plafond de verre, parois de verre "existent réellement dans ce secteur, et s'appuyer sur la place d'émancipation pour diffuser les vertus de l'ESS plus largement.

En tant qu’élue qui a écouté les témoignages de cette journée avec la préoccupation de voir le rôle potentiel des politiques publiques sur le sujet, on peut voir d'abord dans l'ESS un enjeu de dépassement de la dialectique "un modèle contre un autre".

Un enjeu de diversité Il faut avoir en tête l’importance de la mutation économique en cours, les bouleversements auxquels nous sommes confrontés, pour se dire qu’en matière de développement économique, entre globalisation, assèchement des ressources et numérisation, les modes économiques connaissent de profonds changements. La question économique qui est celle de s’organiser pour répondre à des besoins qui permettent à chacun de trouver sa place et de vivre correctement s’en trouve totalement modifiée: on parle beaucoup d’offre et de demande, l’enjeu est de reconstruire une économie qui part du besoin. C’est aussi celui de la pluralité des modèles économiques, c’est la reconnexion des problématiques sociales, environnementales, de production.

L’ESS répond à tout cela. En disant que l’enjeu c’est la pluralité des modèles, la question de la place des femmes présente un intérêt majeur parce qu'elles contribuent à la reconnaissance de cette diversité d'approche.

Si on s'accorde sur cet enjeu, la journée met en évidence 2 défis clefs autour de la question posée : -la crédibilité -la pérennité Pour ces défis, on voit que les témoignages de la journée autour de projets portés par des femmes y contribuent.

Pour répondre au premier enjeu, les politiques publiques ont plusieurs leviers d'actions : -le message politique, le sens : le message délivré par la collectivité, l'inscription de ce message dans différents schémas organisateurs prescriptifs est important. -l'animation, la mise en réseau : l'élu doit se voir d'abord en animateur de territoire, en médiateur, plus qu'en organisateur ou initiateur. Il y a un réel rôle des collectivités pour permettre la rencontre d'acteurs divers. -le dépassement du tuyau d'orgue : cela passe par la transversalité des politiques publiques : il faut dépasser les cases habituelles, c'est un enjeu essentiel pour les projets ESS qui se confrontent au problème de la bonne case dans laquelle il ne rentre pas. Obliger les services à se décloisonner, favoriser des approches plus systémiques, partir de la réalité des bassins de vie, et des projets proposés pour s'adapter et pas l'inverse ... tout cela relève du rôle de l'élu. -la formation : point dont on a peu parlé dans la journée et qui est très important: la crédibilité vient de la compétence.

Pour répondre au second enjeu (pérennité), les politiques publiques doivent assumer des choix de financements et ne peuvent pas se retrancher derrière le seul discours du modèle économique. Elles doivent aussi contribuer à l'installation de l'ESS avec des femmes dans le paysage institutionnel : l'ESS ne doit pas être un secteur à part, mais doit être reconnue comme un vecteur économique à part entière.