Entretien avec Pascal Duforestel : « On a dépassé l’âge des précurseurs et des déclarations d’intentions. Aujourd’hui, malgré quelques inquiétudes, il y a une vraie présence opérationnelle de l’ESS dans les territoires ».
Suite des entretiens avec les nouveaux administrateurs du RTES : ce mois-ci, rencontre avec Pascal Duforestel, conseiller régional délégué à l'ESS en région Nouvelle-Aquitaine. Il revient pour nous sur la démarche de concertation en cours en Nouvelle-Aquitaine pour l'élaboration de la stratégie régionale de développement de l'ESS, ainsi que sur la mise en œuvre de la future politique régionale et son articulation avec les politiques départementales.
Vous êtes depuis longtemps impliqué comme élu dans l'ESS. Quel regard portez-vous sur l'évolution de l'ESS depuis une décennie ? Quels sont selon vous les impacts de la loi ESS et de la loi NOTRe ?
On a dépassé l'âge des précurseurs et des déclarations d'intentions sur les valeurs, qui n'étaient pas toujours suivi d'effets. Aujourd'hui, malgré quelques inquiétudes, il y a une vraie présence opérationnelle de l'ESS dans les territoires.
La loi ESS a permis de passer un cap, en toilettant nos grands principes historiques et en les mettant en phase avec le visage actuel de l'ESS. Très concrètement, certains dispositifs ont permis de ne plus oublier ou marginaliser l'ESS, avec notamment pour les Conseils régionaux, l'inscription d'un volet ESS dans les Schémas Régionaux de Développement Economique d'Innovation et d'Internationalisation (SRDEII). On a passé une période où certains exécutifs se sentaient obligés de créer une délégation à l'ESS et d'y mettre un peu de budget mais sans que ce soit pro-actif. La loi ESS amène de nombreuses collectivités à aller au-delà.
Je porte donc un regard plutôt positif sur l'évolution de l'ESS, malgré quelques inquiétudes dernièrement, des signaux faibles, que ce soit au niveau idéologique mais aussi avec la nouvelle répartition des compétences amenée par la loi NOTRe. On sent bien qu'il y a une grande incertitude dans les Départements, fragilisés sur leur volonté de maintenir leurs politiques en matière d'ESS. Pourtant, certains départements veulent renforcer leur démarche de soutien.
Comment comptez vous articuler la future politique régionale de Nouvelle Aquitaine avec les politiques des Conseils départementaux en matière d'ESS ?
Tout d'abord, les Conseils départementaux ont pu participer aux ateliers de concertation pour l'élaboration du SRDEII, notamment ceux sur l'économie de proximité et l'ESS. Ils ont également pu participer à notre conférence régionale de l'ESS du 4 Juillet.
C'est après ces discussions que nous avons décidé d'organiser cette semaine une rencontre avec les vice-présidents et les équipes techniques en charge de l'ESS dans les 12 Conseils départementaux de notre nouvelle région. L'idée est de faire un tour d'horizon des politiques, dans une discussion qui n'est pas fermée, car si le Conseil régional avance sur le SRDEII, rien n'est pour autant arrêté sur les dispositifs qui seront adoptés et mis en place à partir de janvier 2017. Le but de ces discussions est bien d'une part de les encourager à ne pas abandonner leurs politiques de soutien à l'ESS et d'autre part de voir comment articuler nos différentes politiques de manière cohérente et efficace. Ça ne sera pas évident avec 12 Départements aux histoires et aux orientations politiques diverses.
La démarche de concertation pour l'élaboration de la nouvelle stratégie de développement de l'ESS en Nouvelle Aquitaine est en cours. Pouvez-vous nous présenter cette démarche et ses objectifs ?
En premier lieu, nous avons mandaté, en coordination avec les services de l’État, les trois CRESS, d'Aquitaine, du Limousin et de Poitou-Charentes pour qu'elles organisent une phase de concertation avec plus d'une centaine d'acteurs de l'ESS durant les mois de mai et juin 2016, avec des réunions et questionnaires. Il en est ressorti un grand cahier d'idées, d'interrogations et de préconisations qui a été remis en débat lors de notre conférence régionale de l'ESS organisée le 4 Juillet dernier. Nous voulions organiser cette conférence assez tôt pour ne pas se retrouver dans un entonnoir pour la rédaction et l'adoption du schéma d'ici la fin de l'année. Cette conférence était structurée autour de 3 tables-rondes correspondant aux 3 grands enjeux que nous avions cernés : l'innovation, la coopération et l'entrepreneuriat. L'idée était aussi d'éviter de faire une grande messe solennelle à Bordeaux, en nous rapprochant des acteurs grâce à une transmission simultanée participative avec le site de la région à Poitiers et sur le site de Tarnos (au sein du PTCE du Seignanx). Nous avons rassemblé entre 400 et 500 personnes sur l'ensemble de la journée. On a pu mettre en avant des initiatives qui seront peut-être adaptables à d'autres territoires de notre nouvelle région. Suite à cette conférence régionale de l'ESS, les acteurs se sont aussi investis la semaine suivante dans les consultations du SRDEII, pas tant par un lobbying classique mais par une vraie volonté de rappeler les particularités de l'ESS et son apport au développement économique global de la région.
Toujours dans le cadre de cette démarche de concertation, nous allons donc également rencontrer les 12 départements de la région cette semaine, ainsi que des intercommunalités. Et à partir de la mi-septembre, nous allons travailler par itération avec les représentants d'acteurs pour finaliser la rédaction du volet ESS du SRDEII qui sera adopté le 19 décembre.
En parallèle, nous allons devoir réinventer de nouveaux dispositifs qui seront mis en place sur l'ensemble de la nouvelle région à partir du 1er janvier 2017.
Les trois anciennes régions Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes développaient des politiques spécifiques de soutien à l'ESS. Comment va se construire la politique de la grande région Nouvelle Aquitaine ?
Ces trois régions avaient des politiques volontaristes mais assez différentes entre elles, donc il serait très difficile de trouver une synthèse entre les dispositifs existants. Nous sommes plus partis sur l'idée de reprendre et de généraliser ce qui était déjà très opérationnel dans chacune des anciennes régions ou des dispositifs assez proches entre eux dans les trois ex-régions.
En Aquitaine, il y a notamment un ensemble d'aides à l'insertion par l'activité économique très volontaristes qui ont fait leur preuves. Dans le Limousin, ils avaient fait le choix de bonifier des dispositifs de droit commun, avec environ 20 % des aides économiques existantes dédiées à l'ESS. De plus, la Région a soutenu un dispositif d'aide aux ressourceries qui a permis un maillage qui n'existe pas ailleurs. En Poitou-Charentes, nous avions un déploiement sur tout le spectre de l'ESS mais avec surtout l' aide à la création ou à la reprise d'activité en SCOP (assez proche du dispositif aquitain). Nous nous étions aussi intéressés aux fonds participatifs avec notamment jadopteunprojet.com et nous soutenions les groupements d'employeurs (voir à ce titre notre article "zoom sur" consacré au groupement local d'employeurs de Marennes d'Oléron ).
La nouvelle politique régionale ira donc sûrement vers une logique mixte de bonnification et de dispositifs dédiés.
Vous êtes nouvel administrateur du RTES depuis notre dernière AG du 16 juin 2016. Quelles sont vos attentes vis-à-vis du réseau ?
J'en vois deux principales :
-que le réseau continue à contribuer modestement mais sûrement à la prise en compte de l'ESS dans les politiques publiques, en pesant sur les décideurs.
-que le RTES poursuive sa mission de « plaque tournante » d'échange d'informations entre collectivités, qui permet de s'inspirer des expériences existantes dans d'autres territoires. Je vois bien l'intérêt du RTES actuellement alors que nous sommes en pleine élaboration des nouveaux dispositifs régionaux.