« L’ESS n’apporte pas seulement un supplément d’âme mais porte un vrai modèle économique »
Impliquée depuis de nombreuses années dans les mouvements d'éducation populaire et dans le développement de la vie associative, Corinne Bord, conseillère régionale en Ile-de-France, suit les politiques franciliennes de soutien à l'ESS. Elle nous fait part de sa vision du secteur et des projets de la région.
Quelle image avez-vous de l'économie sociale et solidaire ?
L' ESS dispose de nombreux atouts qui devraient en faire une source d'inspiration pour réformer l'économie. Avec par exemple la RSE et la norme ISO 26 000, des entreprises « classiques » essayent d'intégrer une partie des objectifs d’utilité sociétale portés notamment par l'ESS. Il s'agit d'une forme de moralisation du capitalisme. Mais ces évolutions ne remettent pas en question un système économique aujourd'hui en bout de course. Rares sont les entreprises qui vont jusqu'à sortir d'un modèle classique où la priorité est la rémunération du capital. Et les nouveaux critères de l'entrepreneuriat social ne me semblent pas suffisants. Ils ne sont pas assez forts et reposent trop sur la volonté individuelle, la « générosité » du porteur de projet. De plus je crains que cette nouvelle « appellation »n'aide pas à une meilleure lisibilité de ce qu'est l'ESS. Cette clarification est indispensable pour que le secteur soit compréhensible pour le grand public. Il s'agit de montrer que l'ESS n'apporte pas seulement un supplément d'âme mais porte un vrai modèle économique, capable de répondre à tous les besoins de la vie quotidienne, du tourisme au logement, de l'alimentation à la culture. L'ESS doit être un point d'appui de la conversion écologique et sociale que souhaite la région Ile-de-France.
Expliquez nous ce qu'est ce projet de transformation de l'économie régionale ?
A partir de 2011, la région va organiser des Etats généraux de la conversion écologique et sociale, où les acteurs de l'ESS auront toute leur place. Le développement cohésif de la région ne peut être que le résultat d'une cohésion économique et sociale renforcée du territoire. Dans cette perspective le rôle de l'ESS est primordial. Le soutien au secteur sera donc intégré dans la Stratégie régionale de développement économique et de l'innovation (SRDEI) en cours d'élaboration. Nous conserverons des dispositifs spécifiques à l'ESS mais nous souhaitons aussi que les programmes de développement économique régionaux intègrent une entrée ESS. Par exemple, dans le programme PM'up de soutien aux PME, 25 % du budget est dédié à l'ESS.
Quelles devraient en être les conséquences pour l'ESS régionale ?
Concrètement le soutien à l'ESS se traduit déjà par toute une série de mesures : des politiques de soutien à l'IAE et à l'emploi ESS en général avec les emplois tremplins, des aides à la création de coopératives en partenariat avec l'Urscop, un soutien aux coopératives d'activités et d'emplois, véritable alternative au statut d'auto-entrepreneur, des appels à projets avec Crearif (Entreprendre autrement et Quartiers) pour accompagner l'émergence de nouvelles activités, l'appui au développement des acteurs existants avec le fond de capital risque coopératif Equisol, la structuration du secteur avec l'Atelier... Nous devons encore progresser sur le volet de la formation où nous soutenons déjà une chaire ESS à l'université de Marne-la-Vallée. Enfin nous devons être vigilants à ne pas trop subventionner mais plutôt à travailler à la création de conditions favorables au développement du secteur par des politiques d'achats et d'investissements publics. Nous avons déjà mis en place un « small business act régional » : à prix égal et prestations équivalentes, nous pouvons, dans le choix de nos prestataires, actionner un droit de préférence pour des artisans, des coopératives ou des entreprises adaptées.
En janvier, vous avez participé au séminaire ARF/Rtes sur la place de l'ESS dans les politiques publiques. Quel bilan en faites vous ?
Ce type de journée est toujours intéressant car il permet d'échanger avec d'autres acteurs institutionnels impliqués dans le développement de l'ESS. Nous devons tous travailler à la structuration et à la complémentarité de nos actions, entre régions, mais aussi évidemment avec les autres collectivités locales de nos territoires. C'est précisément le rôle du Rtes ou de la commission ESS de l' Association des Régions de France, où je siège. J'éprouve néanmoins souvent une frustration : il manque parfois une prise de recul européenne. Je serais par exemple très intéressée par un premier bilan de la loi sur l'ESS adoptée par le gouvernement espagnol en 2010.
Pour en savoir plus sur l'ESS en Ile-de-France, visitez le site du Conseil régional et celui de l'Atelier.
Crédits photos : © Séb! Godefroy / L'Atelier