L’auto-réhabilitation accompagnée : mieux vivre son logement
Depuis 1996, la Régie de Quartier d'Angers déploie son action sur les cinq quartiers d'habitat social de la ville. Au-delà de ses missions traditionnelles autour de la citoyenneté et de l'emploi, la Régie a lancé un programme d'auto-réhabilitation accompagnée de logements pour agir sur une problématique centrale dans les parcours de vie des habitants. Rencontre avec Philippe Bliguet, directeur de la Régie, et Messaouda Boufenghour, coordinatrice du programme d'auto-réhabilitation.
Quelles sont les missions de la Régie de Quartier d'Angers ?
Conformément à la charte de la fédération nationale, la Régie poursuit deux objectifs principaux : développer la citoyenneté et favoriser le retour à l'emploi des habitants des quartiers.
Nous proposons pour cela de nombreux services aux habitants pour améliorer leur cadre de vie et renforcer le lien social : entretien des parties communes et des espaces verts, propreté publique, service de coursier, petits travaux à des tarifs aménagés, évacuation des encombrants, médiation sociale de nuit, éducation canine, jardins partagés en pied d'immeubles …. Nous menons également depuis quelques mois un travail autour du développement durable notamment sur les questions d'économies d'énergie, de gestion des déchets, de recyclage. Toutes ces actions se font via notre entreprise, notre chantier d'insertion ou directement par la Régie, en embauchant principalement des habitants des quartiers. Cela représente tous les mois entre 130 et 140 personnes salariées par la Régie pour un budget annuel de 3,5 millions d'euros [126].
D'où vient l'idée de mettre en place un programme d'auto-réhabilitation accompagnée ?
L'idée nous a été soufflée par le comité d'usagers du CCAS. Ce dernier faisait le constat, comme les bailleurs et les travailleurs sociaux, que de nombreux habitants rencontraient des difficultés pour changer de logement. Faute d'entretien régulier, ils n'arrivaient pas à respecter l'obligation de remise en état du logement occupé, condition posée par les bailleurs sociaux avant tout relogement. Les travaux, souvent mal faits, étaient repris par le bailleur qui refacturait ensuite au locataire. Ce dernier se tournait alors vers les travailleurs sociaux pour obtenir des aides dont on mesurait mal l'usage. En partenariat avec l'un des bailleurs, Angers Loire Habitat, la Régie a donc lancé en 2008 une expérimentation autour de l'auto-réhabilitation. Pendant 3 ans, sur nos fonds propres et avec l'aide d'un petit financement annuel de 12 000 euros, nous avons pu réhabiliter sept logements par an. Nous étions alors dans la gestion de l'urgence, avec peu d'exigences sur la participation du locataire aux travaux. En 2011, cette expérimentation, nommée Renov'Espoir, a fait l'objet d'une étude par l'association des Compagnons Bâtisseurs, spécialisée dans ce type d'opérations. L'objectif était de dégager des pistes pour faire des 2 expérimentations [127] un dispositif cohérent. Depuis janvier 2012, nous sommes donc sortis de la phase expérimentale Renov'Espoir pour lancer un dispositif de plus grande ampleur intitulé Rénov'Appart.
Quelles sont les conséquences pour l'usager de ce nouveau programme ?
L'objectif général ne change pas. Il s'agit toujours de faciliter la réappropriation de son logement par le locataire ou de faciliter son déménagement en lui permettant de quitter un appartement en le laissant dans un état correct. Mais nous disposons maintenant de moyens supplémentaires qui nous permettent de faire face à un plus grand nombre de demandes puisque 25 à 30 logements peuvent être réhabilités tous les ans [128]. Le changement majeur réside dans l'obligation faite au locataire de réellement s'impliquer dans les travaux : on ne fait pas à sa place. Si cette participation directe n'est pas possible, on lui demande de mobiliser son entourage. Et pour faciliter cette implication, créer une dynamique collective et renforcer la solidarité entre habitants, nous avons mis en place des ateliers collectifs dans un appartement témoin mis à disposition par les bailleurs. Ces ateliers, ouverts à tous, permettent d'apprendre à bricoler mais aussi de rompre l'isolement, de constituer un petit groupe d'habitants solidaires prêts à aider des personnes isolées. Ce sont des passerelles entre des habitants en « apprentissage » et d'autres en « transmission de savoirs ». Le passage par ces ateliers est maintenant obligatoire pour toute personne qui souhaite être accompagnée dans le cadre de Renov'Appart. Et cela n'allonge pas le délai d'intervention, puisqu'entre le premier contact et l'arrivée de l'animateur chantier dans l'appartement s'écoulent toujours 3 mois en moyenne.
Quels partenaires avez-vous pu mobiliser autour de cette action ?
Ce projet est aussi une réussite sur le plan partenarial puisque nous avons pu mobiliser l'ensemble des acteurs du logement social d'Angers. Notre tour de table réunit toutes les collectivités locales, l'Etat, le CCAS, la CAF et les cinq bailleurs sociaux présents sur le territoire. Et tous ces acteurs reconnaissent au projet sa capacité à mettre l'habitant au centre en lui permettant, par une entrée logement, de se relancer dans un nouveau projet de vie. Nous sommes au cœur de la mission d'une Régie de Quartier.