Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

CJS Bretagne
Publié le 15 mars 2014 - mis à jour le 20 février 2019

Les coopératives jeunesse de services : s’initier au plus tôt à l’entrepreneuriat collectif

Nées au Québec il y a 25 ans, les coopératives jeunesse de services (CJS) permettent chaque année à 2000 jeunes québécois d'organiser collectivement leurs jobs d’été. Au delà du versement d'un petit salaire, les CJS sont pour ces jeunes, l'occasion de goûter aux joies et aux difficultés de la coopération au travail. Basée sur le modèle québécois, une expérimentation du dispositif CJS a été initiée en 2013 sur trois sites en Bretagne. Rencontre avec Emmanuelle Rousset, directrice de Réso Solidaires [89] en charge du projet CJS.

Comment avez-vous importé et adapté le concept des CJS du Québec à la Bretagne ? En 2011, une délégation bretonne s’est rendue à Montréal pour le FIES, l'occasion de découvrir les nombreux projets coopératifs dont le Québec est riche. Projet Coopérative Jeunesse de Services - Rennes 2013.pngLes CJS sont alors apparues comme une expérience particulièrement intéressante et adaptable au contexte français. Au retour, un travail de réflexion et de mobilisation sur cette idée d'expérimenter des CJS en Bretagne a débuté et grâce à la coopération de Katerine Roy (référente CJS au Québec), nous avons organisé fin 2012 le premier comité de pilotage. Tous les acteurs susceptibles de s'impliquer dans un projet équivalent en France ont été invités : collectivités locales, mouvements jeunesse , pôles de développement de l'ESS, coopératives d'activités et d'emploi... Le projet a été validé par l’ensemble des acteurs et inscrit dans le cadre de la Stratégie régionale de développement de l'ESS. Six mois plus tard, à l'été 2013, trois Coopératives Jeunesse de Services se lançaient en Bretagne : à Quintin en zone rurale, dans un quartier populaire de Rennes et à Quimper en zone péri-urbaine. La duplication du modèle québécois, a cependant dû être adaptée au contexte réglementaire français. Par exemple au Québec les jeunes qui rejoignent une CJS ont de 12 à 17 ans et relèvent du statut de travailleur autonome. En France, dans le cadre de l'expérimentation, nous avons restreint l'accès à des jeunes de plus de 16 ans qui en rejoignant une CJS vont adopter le statut d'entrepreneur salarié porté par une coopérative d'activités et d'emplois du territoire. Projet Coopérative Jeunesse de Services - Rennes 2013.pngConcrètement comment fonctionnent les CJS ? Une coopérative jeunesse de service a pour objectif premier de sensibiliser à l'entrepreneuriat collectif ; elle s'inscrit dans une communauté, sur un territoire bien défini. Chaque coopérative rassemble 12 à 15 jeunes informés via différents prescripteurs selon les territoires : MJC, éducateurs de rue, clubs de sport, missions locales... Chaque groupe de jeunes est accompagné par deux animateurs eux-mêmes appuyés par un comité local. La CJS fonctionne en général de fin juin à fin août et ce sont les jeunes qui prennent en charge l'ensemble des tâches de l' « entreprise CJS » : organisation de la gouvernance et du travail, conditions de rémunération, communication, gestion des devis et factures, comptabilité, réalisation des chantiers, suivi des règlements des clients... Les jeunes sont donc confrontés à la réalité de la vie d'une entreprise où le temps facturable des prestations réalisées ne correspond qu'à une partie de l'ensemble du travail à fournir pour faire vivre la coopérative. Les activités supports sont organisées en groupe de travail et le temps bénévole des jeunes représente en moyenne plus de 50 % du temps passé dans la CJS. L'investissement temporel des jeunes est donc conséquent compte tenu de la rémunération - entre 100 et 300 € - perçue en fin d'été. Projet Coopérative Jeunesse de Services - Rennes 2013.pngQuel est le rôle du comité local ? Il rassemble les « bonnes fées » locales du projet. On y trouve systématiquement un pôle de développement de l'ESS en charge de l'animation du projet, une CAE pour le « parrainage économique » et un acteur jeunesse pour la dimension « type de public accompagné ». A ces trois types d'acteurs peuvent s'ajouter toutes les personnes de bonne volonté intéressées par la démarche. Le comité doit être le plus possible en prise avec le territoire d'implantation de la coopérative. Son rôle premier est d'apporter un soutien aux animateurs qui suivent les jeunes au quotidien [90]. Il a également la charge de trouver les financements [91] qui permettront la prise en charge du salaire des animateurs et l'indemnisation du travail de la CAE [92] et de l'acteur jeunesse au titre leurs missions de parrains. Quel bilan tirez-vous de cette première année d'expérimentation ? Le résultat de l'expérimentation est différent selon les territoires mais reste très largement positif. Pour les jeunes, au delà de l'initiation à la vie coopérative et du versement d'un petit salaire, les vertus de ce projet sont multiples. Leur regard sur le travail et l'entreprise change : le versement des salaires est par exemple l'occasion d'expliquer les notions de salaire brut et net, ce que sont les cotisation sociales et à quoi elles servent. La perception de leur territoire est également différente : ils découvrent les entreprises, les associations, les institutions et les élus du territoire et les solidarités qui se créent. Ils s'aperçoivent également que des personnes adultes leur font confiance, leur confient des chantiers, les conseillent bénévolement en toute bienveillance. Projet Coopérative Jeunesse de Services - Rennes 2013.pngMais c'est aussi le regard sur les jeunes qui changent : les habitants du quartier reconnaissent leur engagement, ils sont félicités par des élus qui les vouvoient, leurs parents sont fiers d'eux. Rien de tel pour les mettre en confiance ! Enfin le lancement d'une CJS est aussi l'occasion de créer ou renforcer les coopérations entre acteurs d'un territoire qui ne travaillent pas forcément ensemble. Les acteurs qui ont participé à la première année d'expérimentation se sont déjà tous positionnés pour participer au développement du projet en 2014. Cette année se sont en effet 12 à 13 CJS qui devraient voir le jour sur les 3 régions du Grand Ouest [93]. Une nouvelle étape avant un éventuel déploiement du projet à l'échelle nationale.  

Pour en savoir plus :

-Consulter le bilan 2013 de l'expérimentation des CJS en Bretagne. -Découvrir la CJS de Rennes par les 31 reportages audio de Radio Laser -Une brève du site www.ess-bretagne.org annonçant le lancement de l'expérimentation -Un reportage de Terristoire -Une brève "bilan" sur le site de Rennes Métropole

Vidéo promotionnelle CJS from reseau.coop on Vimeo.

Crédit photo : Réso solidaire - Projet Coopérative Jeunesse de Services - Rennes 2013