Les jardins collectifs ou la culture du bien-vivre ensemble
Projets concrets de développement durable et solidaire, les jardins partagés sont des initiatives citoyennes, issues "d’une démarche collective", et expérimentant "des actions sociales, environnementales, sanitaires, artistiques, culturelles, économiques...". Des valeurs affichées dans la charte des jardins partagés, signée le 4 octobre dernier entre les jardins lyonnais et la Ville de Lyon. Ces jardins participent à faire avancer la ville sur les thématiques d’alimentation durable, et sont des acteurs importants dans les quartiers. Rencontre avec Françoise Bordet, présidente de l'association Réseau Santé, qui a participé aux réflexions autour de la charte et qui est à l'origine notamment de la création d'un jardin collectif à la Croix Rousse.
Née en 1981 à Lyon, l'association Réseau Santé mène depuis plus de 30 ans des actions sur les thèmes de la santé et du pouvoir d'agir sur son bien-être. Dans ce contexte, elle a créé en 2003, un jardin collectif à la Croix-Rousse favorisant le partage de connaissances intergénérationnelles et la pratique du bien vivre à travers les activités de jardinage. Depuis, l'association s'implique dans la structuration et l'échanges d'expériences entre les différents jardins partagés lyonnais et a notamment participé aux travaux pilotés par la ville de Lyon autour de la rédaction d'une charte des jardins collectifs.
Quel est le projet associatif de Réseau Santé ?
Notre association est née de l'idée forte que la santé est l'affaire de tous et pas seulement des médecins. Nous voulions faire passer le message que chacun doit être acteur de sa santé. Pour les adhérents du Réseau Santé la respiration, le mouvement, l'alimentation, la pensée et le rythme sont les piliers de la vie. Au début des années 80, commençaient à se développer des pratiques (relaxation, psychologie, expression corporelle, phytothérapie...) qui participaient à la prévention et pouvaient être appliquées en tant qu'hygiène de vie. En 1995, afin d'améliorer les relations soignants soignés, Réseau Santé a participé à l'élaboration de la charte du patient hospitalisé. Depuis elle a rejoint le Collectif Inter Associatif sur la Santé de Rhône-Alpes (CISS-RA) qui regroupe les associations d'usagers de la santé et coordonne leur représentation auprès des institutionnels. Au niveau local, nous participons également aux travaux et réflexions coordonnés par les mairies d'arrondissement (Commissions santé, CICA, comité local de développement,...).
Comment se décline cette ambition ?
Nos activités se regroupent sous 3 grands pôles thématiques - nutrition, environnement et culture - avec comme fils conducteurs le partage et le faire ensemble. Concrètement nous organisons par exemple des ateliers de préparation de repas avec une diététicienne pour réapprendre à cuisiner à partir de légumes frais et de saison. Ces ateliers sont suivis de repas partagés avec l'ensemble des adhérents qui souhaitent y participer.
Nous animons également une chorale de 40 personnes qui intervient régulièrement dans l'espace public, dans les maisons de retraite. Cela peut sembler éloigné des questions de santé mais chanter ensemble pour d'autres, c'est respirer, rencontrer du monde, donner et recevoir. On entretient son moral comme son corps !
Enfin, depuis 2003, nous nous occupons d'un jardin collectif. C'est la porte d'entrée d'une démarche « du jardin à l'assiette » qui permet de travailler sur les questions de nutrition, d'activités physiques, de respect de l'environnement, de lutte contre l'isolement… Entretenir un jardin et s'occuper de plantes c'est aussi prendre soin de soi. C'est la philosophie de notre association : toutes ces activités contribuent au mieux-vivre ensemble dans sa ville et son quartier.
Comment fonctionne votre jardin ?
Le jardin est à la fois un agrégateur de projets collectifs et un catalyseur pour les projets personnels. C'est un lieu où tout est collectif : les 23 jardiniers bénévoles ne disposent pas de parcelles individuelles ; travaux, outils et récoltes sont partagés et le jardin est ouvert à tous. Quand un jardinier est présent, il accueille les personnes qui souhaitent visiter, poser des questions, s'installer sous l'auvent. C'est une manière de sensibiliser la population du quartier aux thématiques qui nous sont chères mais aussi d'échanger sur les techniques de jardinage ou de partager des plants et des graines. Nous redonnons ainsi à la collectivité une partie de ce que nous recevons via la mise à disposition de ce terrain.
Le fonctionnement du jardin est défini à travers une charte qui rappelle les principes d'usage énoncés ci-dessus et qui précise également les règles générales comme l'interdiction des produits chimiques de synthèse.
Comment s'organisent vos relations avec la ville de Lyon ?
Le terrain où se trouve le jardin est au coeur d'un parc municipal. Nous avons donc signé avec la ville de Lyon une convention triennale pour l'occupation de cet espace public. Celle-ci précise que la mise à disposition est gracieuse et fixe un certain nombre de règles de fonctionnement comme le fait de ne pas planter ou couper des arbres sans autorisation. Par ailleurs, la ville nous verse régulièrement de petites subventions (2000 € en 2013) pour soutenir la mise en place de projets autour du jardin (fabrication, avec la participation des adhérents, d'un récupérateur d'eau de pluie, d'une cabane pour le matériel, de composteurs, de bacs surélevés pour les enfants, les personnes handicapées et âgées…). Enfin, au cours des 12 derniers mois, nous nous sommes impliqués dans la rédaction collective d'une charte des jardins partagés lyonnais, charte qui a été signée le 4 octobre dernier, jour de la fête des jardins partagés.
Quel regard portez-vous sur cette charte ?
Elle est l'aboutissement d'un beau travail collectif d'un an qui a vu l'implication de la collectivité, des jardins lyonnais et du Passe-jardins, animateur du réseau des jardins de Rhône-alpes. C'est un outil qui donne un cadre aux échanges et à la mutualisation entre les jardins collectifs lyonnais. Il nous servira également à mieux former et informer les jardiniers. La Charte n'est pas faite pour donner des ordres ou s'ingérer dans la vie des jardins, mais elle permet de poser des principes partagés de fonctionnement et d'énoncer des exemples de bonnes pratiques. Les jardins sont sur l'espace public, il est donc normal qu'ils respectent des règles pour s'insérer au mieux à leur environnement et à la vie de leur quartier.
Que peuvent faire les collectivités locales pour favoriser le développement des jardins collectifs ?
Les interventions possibles d'une collectivité sont nombreuses : favoriser la coopération avec les services « espaces verts », créer ou soutenir la mise en place d'aménagements favorisant l'accessibilité des personnes handicapées, prévoir l'accès à des points d'eau pour compléter la récupération des eaux de pluies… Enfin nous défendons l'idée que de nombreux espaces en friches pourraient accueillir des jardins partagés, même de manière temporaire. Ce sont des projets impliquants pour les citoyens : ils favorisent la participation, l'entretien et le respect de l'espace public. Planter des fleurs c'est laisser son empreinte sur le quartier, le faire sien.
Pour en savoir plus sur Réseau Santé: http://reseausante.free.fr
Pour en savoir plus sur la charte des jardins partagés
Photos fournies par Réseau Santé