Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Publié le 8 juin 2018

Logements durables et abordables - Retour sur la conférence du projet européen SHICC

Le projet européen SHICC «  Logements Durables et Abordables Pour des Villes Inclusives et Cohérentes  » cherche à soutenir le développement des Community Land Trusts (CLTs), dans les villes de la région de l’Europe du Nord-Ouest. Les CLT ont vocation à promouvoir du logement durablement abordable grâce à une dissociation entre le foncier et le bâti, et en s’appuyant sur la participation des habitants. Le RTES, partenaire associé du projet, était présent lors de sa conférence de lancement.

Audrey Linkenheld, élue à la mixité et à l’innovation de la ville de Lille ouvre la journée en présentant la démarche ayant amené la ville de Lille à développer l’OFSL (Organisme Foncier Solidaire de Lille), CLT à la française. Face à l’augmentation du prix du foncier et ses conséquences en matière d’étalement urbain, la ville de Lille a mis en place des politiques pour agir sur l’accessibilité du foncier : développement de logements sociaux (25%) et politique d’accession à la propriété. Mais la Ville a vite constaté qu’ils aidaient les premiers acquéreurs et pas les suivants, du fait des plus-values à la revente. Une délégation s’est rendue à Bruxelles pour étudier le modèle du CLT bruxellois qui sépare le foncier du bâti afin de sortir le coût du foncier du coût du logement. Pour pouvoir transposer le modèle en France, il a fallu agir sur la loi et inscrire dans le droit ce qui va devenir le CLT à la française : les Organismes de Foncier Solidaire ainsi qu'un modèle de bail spécifique : le bail réel solidaire. L’innovation est donc née du territoire, elle a pu être traduite dans la loi et peut se répercuter sur d’autres territoires.

Il y a aujourd’hui entre 20 et 30 projets d’OFS partout en France. Si les projets concernent pour l'instant uniquement du logement neuf, Maitre Roussel, qui a travaillé sur la traduction du modèle du CLT dans le droit français, indique qu’il sera désormais possible d’agir sur du logement existant (en intervenant sur des lots de propriété).

John Davis présente ensuite le modèle des CLT tel qu'il a été développé aux États-Unis, dont l’histoire est plus ancienne. On compte aujourd'hui 280 CLT aux EU. Ce développement s’est appuyé sur quelques points forts : le travail avec les villes ; la dissémination et la sensibilisation du modèle par la réalisation de vidéos (storytelling) ; la définition des CLT dans la loi fédérale et le développement de réseaux de CLT. Quelques points faibles tirés de l’expérience américaine qui représentent autant de points d’attention pour les CLT en développement : les CLT aux États-Unis se sont essentiellement concentrés sur le logement au détriment d’autres problématiques sociales ; l’engagement et la capacité de mobilisation des personnes ont été délaissés si bien qu’on constate aujourd’hui une certaine érosion du modèle avec de plus en plus de séparation entre les 3 piliers C L T, alors même que cette interaction constitue la spécificité des CLT.

Une table-ronde présente ensuite la diversité des modèles des CLT : en Angleterre, pas de séparation légale entre achat du foncier et du bâti, il s’agit donc davantage d’un partage de la propriété et d’un système de part de capital. Côté français, il est beaucoup question de logement et peu d’habitant. Et bien que le modèle de l’OFS soit au départ né dans le réseau français de l’habitat participatif, c’est aujourd’hui sa faiblesse : la place de l’usager n’est pas obligatoire dans la législation française. Côté bruxellois, la place de l’habitant et de la communauté est au contraire au cœur du modèle dont l’émancipation des habitants est un axe essentiel. La gouvernance démocratique est partagée : 1/3 collectivités territoriales, 1/3 habitants, 1/3 riverains et société civile. Deux entités juridiques gèrent le CLT : une fondation qui garde les terrains à perpétuité et une ASBL qui se préoccupe des aspects participatifs et communautaires.

On observe une certaine tension entre l’enjeu communautaire et la question quantitative de la production de logements. Mais plusieurs intervenants insistent sur la dimension communautaire comme dimension clé des CLT : c’est aux membres de la communauté de définir ce à quoi le trust/l'organisation doit servir. Il y a donc un enjeu à ce que la société civile se saisisse de cet outil.

Retrouvez le compte-rendu de la conférence de lancement du projet SHICC.

Plus d'infos sur le projet SHICC.