Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Publié le 19 février 2018

Mission "Entreprise et intérêt général" : opportunité ou risque pour l’ESS ?

Le projet de loi Pacte, qui sera présenté au printemps 2018, devra notamment permettre aux entreprises qui le souhaitent d'améliorer leur responsabilité sociale et environnementale. Il s'appuiera sur la réflexion menée actuellement par Nicole Notat et Jean-Dominique Sénard dans le cadre de leur mission « entreprise et intérêt général ». Dans cette perspective, le gouvernement envisage de créer un nouveau statut d'entreprise à mission.

Cette mission doit rendre son rapport le 9 mars aux quatre ministres concernés: le ministre de l’Economie, le ministre de la Transition écologique et solidaire, la ministre du Travail, ainsi que la ministre de la Justice.

"Les citoyens manifestent des attentes croissantes vis-à-vis des entreprises. (...) Il est donc nécessaire de faire évoluer le droit pour permettre aux entreprises qui le souhaitent de formaliser voire amplifier leur contribution" aux enjeux sociétaux et environnementaux, avait expliqué Muriel Pénicaud. Le gouvernement ouvre ainsi une réflexion "sur l'utilité sociale de l'entreprise, mais aussi plus largement de l'économie", avait pour sa part insisté Nicolas Hulot. Le ministre d'Etat avait notamment déclaré lors du Climate Finance Day le 11 décembre dernier que la fonction des entreprises "ne peut plus être le simple profit, sans considération aucune pour les femmes et les hommes qui travaillent, sans regard sur les désordres environnementaux". La mission s'inscrit dans le cadre du projet de loi PACTE (Plan d’actions pour la croissance et la transformation de l’entreprise) qui doit être présenté en Conseil des Ministres en avril.

Les consultations de la mission "Entreprise et intérêt général" sont quasiment achevées. Plusieurs acteurs de l'ESS ont été reçus (UDES, Labo de l'ESS, Mouvement associatif, Centre français des fondations).

Si les acteurs de l'ESS accueillent favorablement la réflexion sur le rôle des entreprises dans l'intérêt général, plusieurs craignent en effet qu'elle ne débouche sur des solutions venant affaiblir l’ESS. Les collectivités territoriales restent pour leur part à priori peu concernées par le champ de cette mission.

Une des options envisagées par la mission serait d'élargir le rôle de l’entreprise tel qu’il est entendu dans le Code civil à des objectifs sociétaux. Actuellement, l'article 1832 du Code civil stipule que l'entreprise est faite pour générer du profit, tandis que l'article 1833 encadre le caractère licite de l’objet social de l’entreprise. La responsabilité sociétale deviendrait alors un élément constitutif de l’entreprise à côté de la maximisation des profits. Le MEDEF a fait part de son opposition à cette proposition et promeut des démarches volontaires en matière de RSE. Une autre option envisagée par la mission consiste en la création d'un nouveau statut d'entreprise à missions ou société à objet social élargi (Sose). Cette idée est défendue par certains grands patrons comme Emmanuel Faber (Danone) ou Antoine Frérot (Véolia), et un récent sondage indique que 7 dirigeants d'entreprises sur 10 souhaitent un cadre juridique dédié. Mais elle rencontre plus de méfiance de la part des acteurs de l'ESS qui y voient un risque d'affadissement de l'ESS et notamment des entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS) dont le cadre a été fixé par la loi ESS du 31 juillet 2014.

Dans une récente tribune dans Les Echos, les présidents du Mouves, de l'Udes, du Labo de l'ESS et de l'Ares témoignent ainsi qu'il est "positif d'encourager les entreprises qui mènent des actions autres que la recherche du seul profit à pouvoir le faire dans un cadre juridique sécurisé. C'est une avancée de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises", en rappelant néanmoins que cette responsabilité "ne doit ni être confondue ni perturber le cadre juridique et financier du coeur de l'entrepreneuriat d'intérêt général que sont les entreprises sociales et solidaires".

Pour plus d'informations, retrouvez la position de l'UDES, ainsi qu'une tribune dans la Croix, deux générations dans le débat sur l'entreprise, cosignée par Bastien Sibille et Hugues Sibille. Retrouvez également le communiqué de presse d'ESS France, et l'article de Chorum du 8 mars, "L'ESS au défi de l'entreprise à mission".

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