"Nous avons fait le choix de ne pas faire de l’ESS un domaine marginal de l’économie."
La Région Limousin défend une économie sociale et solidaire, pleinement intégrée à l'économie, et créatrice d'emplois, à travers notamment deux axes forts : le soutien à l'entrepreneuriat social et le maillage territorial. Entretien avec Ghislaine Jeannot-Pagès, vice-présidente en charge de l’économie résidentielle, numérique, sociale et solidaire, des politiques territoriales de proximité et à l’innovation sociale et économique.
La Région limousin soutient depuis plusieurs années l'entrepreneuriat social sur son territoire, et notamment la création d'emplois pour et par les jeunes. Comment cela se traduit-il ?
Le conseil régional a en effet engagé un gros travail sur l'emploi des jeunes et le soutien aux porteurs de projets de son territoire. C'est notamment l'objectif du dispositif « 110 projets pour les jeunes » et de son appel à projets éponyme, qui, chaque année, accompagne les 18-30 ans dans leur création d'activité ainsi que les entreprises souhaitant développer une nouvelle activité en faisant appel à un jeune. Nous avons pleinement intégré l'économie sociale et solidaire dans ce dispositif avec des critères de sélection [76] favorisant les projets associatifs, coopératifs ou relevant de l'ESS. D'ici quelques semaines, pour le prochain appel à projets, nous irons encore plus loin en marquant fortement son aspect coopératif et en lui donnant une coloration ESS plus affichée.
La politique de soutien à l'entrepreneuriat social est donc intégrée à la politique de soutien économique de la Région ?
En fait, c'est l'une des particularités de notre politique ESS. En encourageant l'accès aux aides et aux dispositifs de soutien de la région aux acteurs de l'ESS, nous avons fait le choix de ne pas faire de l'économie sociale et solidaire un champ hors économie. Nous partons du principe que nous accompagnons toutes les formes économiques, quels que soient leurs statuts. Pour monter une SCOP, un porteur de projet ESS pourra bénéficier de financements dits « solidaires » (de France Active par exemple) mais aura aussi les mêmes chances de mobiliser le fonds d'investissement régional qu'un acteur issu de l'économie classique. La région Limousin investit ainsi 2 % de son budget dans l'ESS, et près de 8 millions d'euros dans les programmes de soutien à l'entrepreneuriat social !
Autre travail symbolique : celui réalisé par « Objectif Création », qui est le service régional d'accompagnement des créateurs du territoire. Les 110 personnes qui le composent et qui sont dédiées à l’accueil et à l’accompagnement des porteurs de projet sur le terrain, sont issues de l'économie « classique » (CCI, chambre des métiers...) mais aussi de l'ESS : CRESS, associations d'accompagnement... Chacun étant considéré au même niveau et soutenu de façon équitable par la Région. C'est là notre force : d'avoir réuni en une même instance l'ensemble des acteurs à l'accompagnement de projets. Ce n'était pas gagné au démarrage ; les acteurs étaient méfiants et ne se connaissaient pas. Le travail de rencontres, d'échanges et de mise en confiance a été long, mais aujourd'hui l'association locale qui travaille sur l'accompagnement de proximité est considérée de la même façon que la CCI. Et la plus belle réussite c'est que chacun se renvoie les porteurs de projets qu'il accueille, en fonction de l'interlocuteur qui lui semble le plus opportun.
D'autant que les relais de proximité sont importants sur un territoire à dominante rurale comme le Limousin...
Après cette démarche économique globalisée, c'est en effet la démarche territoriale qui nous tient à cœur. Une collectivité comme la région ne peut pas, seule, réaliser un travail de maillage de proximité. Nous avons donc mis en place des coopérations pour démultiplier le soutien aux porteurs de projets. Nous soutenons par exemple l'appel à projets « Entreprendre Autrement » lancé chaque année et depuis 3 ans par le Parc naturel régional de Millevaches en Limousin, nous travaillons avec le conseil général de Corrèze, avec l'ADIE, soutenons le réseau REPAS qui œuvre au compagnonnage alternatif... L'objectif est qu'un porteur de projet trouve toujours quelqu'un pour l'accompagner dans sa démarche, quelle que soit sa localisation.
Avez-vous d'autres réflexions en cours ou chantiers en prévision ?
Dans cet objectif de soutenir les politiques territoriales de proximité et de réfléchir à de nouveaux modèles de soutien aux initiatives économiques, nous nous penchons actuellement sur les SIEG [77]. Nous travaillons également sur l'évaluation quantitative de la création d'emplois par les entreprises de l'ESS. Nous sommes tous convaincus que l'ESS crée plus d'emplois durables et ancrés sur les territoires que l'économie classique. Mais il nous faut le démontrer. Enfin, à la demande de la CRESS qui est l'un de nos partenaires historiques, nous allons lancer une maison de l'ESS. Maison qui sera à la fois virtuelle et « en dur », et qui aura pour objectifs de mutualiser les connaissances et compétences et de soutenir la créativité et l'innovation.
Qu'attendez-vous du RTES ?
Nous sommes friands des journées d'échanges et des formations organisées ou co-organisées par le réseau ; pour enrichir la politique que nous menons à destination des jeunes, nous participerons par exemple à la rencontre sur les initiatives économiques solidaires portées par les jeunes [78]. Ce qui est intéressant, c'est de pouvoir prendre appui sur les expériences des uns et des autres pour renforcer nos pratiques dans les territoires. Même si elles ne prennent pas les mêmes formes, nous sommes confrontés à des questions et interrogations communes. Surtout dans des territoires à dominante rurale comme les nôtres.
En savoir plus :
-sur la politique ESS de la Région,
-sur le dispositif "110 projets pour les jeunes"