Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Publié le 15 février 2014

« Pour construire une politique d’ESS, il faut y aller par étape ! »

Après une dizaine d'années de militantisme associatif, Christophe Boulanger se lance en politique. Dix ans plus tard, en 2011, il est élu conseiller général d'Indre-et-Loire et se voit confier la vice-présidence à l'ESS. Pour ce nouvel élu, la tâche est complexe : il faut défricher (le secteur est méconnu de la collectivité), animer (les acteurs de l'ESS sont nombreux mais peu coordonnés sur le territoire) et construire une politique, en interne comme en externe.

En tant que nouvel élu, comment avez-vous réussi à « implanter » la nouvelle politique d'ESS au sein de la collectivité ?
J'y suis allé par étape ! Il a d’abord fallu mener un travail pédagogique pour faire découvrir et reconnaitre l’ESS en tant que telle, à l’interne (collègues élus et services) et à l’externe. Pendant un an, nous avons créé des espaces de rencontre, de dialogue, des moments de prises de parole... Quand je suis arrivé, le service “économie sociale”, qui dépendait de l'insertion, était centré sur l'IAE. Il n'y avait pas de vision globale de l'ESS. Nous avons intégré l'économie sociale et solidaire dans le service économique, en maintenant des liens forts avec le service insertion et celui des associations. Et nous nous sommes aperçus qu'il n'y avait pas de freins a priori du service économique, juste une méconnaissance du secteur. Depuis, et c'est une belle surprise, il y a un vrai engagement de la part des techniciens.

Quels ont été ensuite les axes développés par le Conseil général en faveur de l'ESS ?
L'étape suivante a été de balayer les dispositifs économiques pour les ouvrir aux acteurs de l'ESS. Nous avons ainsi voté la modification de nos règlements pour les rendre « non discriminants ». Par exemple, le soutien à l’immobilier n’était pas accessible aux associations ou aux coopératives. Nous avons également complété un dispositif régional existant de soutien à la création et à la reprise de Scop par un apport financier complémentaire et substantiel du Conseil général au capital social.
Une grande partie de nos politiques, dans l'insertion en particulier, sont portées par des partenaires que nous subventionnons de façon « classique » et ponctuelle (même si nous avons pu mettre en place des conventions triennales avec des structures de l’IAE). Nous cherchons d'autres modalités d’accompagnement pour permettre une plus grande pérennité des structures mais n'avons pas de réponses satisfaisantes pour le moment. La piste des DLA peut être une piste intéressante : lors des rencontres inter-territoriales à Rennes [97], nous avons longuement échangé sur ces dispositifs avec le Conseil général d'Ille-et-Vilaine. Sur notre territoire, les DLA fonctionnent très « réglementairement » en soutenant les associations quand elles ont déjà rencontré les difficultés. Il faudrait passer d'un DLA qui panse à un DLA pro-actif qui conforte en amont et pérennise.
Enfin, depuis deux ans, tous nos marchés importants sont des marchés clausés. Et nous avons également quelques marchés réservés à l'IAE, comme l'entretien des Espaces Naturels Sensibles. Mais s'il est important d'avoir des marchés réservés pour des secteurs qui s'y prêtent, c'est en immergeant l'ESS dans le secteur économique « traditionnel » qu'on la renforcera.

Comment articulez-vous la politique ESS du département avec celle des autres collectivités ?
La difficulté d'un Conseil général est que la politique économique ne relève pas de sa compétence première. Je m'attache à ne pas prendre la main plus que nécessaire dans un cadre qui n'est pas le nôtre : le Conseil régional doit jouer son rôle, tout comme les EPCI. Mais sur notre territoire, nous avons un vrai problème d'animation de réseaux dans laquelle le département pourrait jouer un rôle. J'aimerais par exemple mettre en place une conférence départementale de l'ESS et animer cet espace de rencontres avec les acteurs économiques au sens large.
Nous ne sommes pas un acteur avec une grande capacité d’intervention, mais un échelon intermédiaire qui doit accompagner, promouvoir, animer... - D'autant que nous n'avons pas une ligne de financement sur l'ESS très importante. Par exemple, nous suivons financièrement modestement le PTCE CoopAxis [98], mais nous sommes très mobilisés pour en faciliter l’émergence, accompagner la structuration de leur projet et sa promotion.

Comment voyez-vous le rôle du RTES ?
En y réfléchissant, dans les faits, la véritable première action que nous avons entreprise est d'adhérer au RTES. Il me semblait évident d'intégrer un réseau pour nous mettre en relation avec d'autres territoires actifs et innovants, échanger sur nos difficultés et favoriser l’essaimage des bonnes pratiques. Par ailleurs, le travail que réalise le RTES sur les évolutions règlementaires et législatives me semble essentiel : nous n'avons pas le temps et l'énergie en tant qu'élu de nous informer sur ces sujets là et encore moins de faire un travail de lobbying qui est pourtant fondamental.

Après trois ans de mandat, quel regard portez-vous sur vos actions ?
Je suis arrivé il y a 3 ans sur un territoire extrêmement riche où la place et les atouts du secteur de l'ESS n'étaient ni connus, ni reconnus. Lorsque j'entends aujourd'hui le président du Conseil général parler de l'ESS, je sens qu'il y a une vraie prise de conscience de la force, de la dynamique, et des valeurs des acteurs de l'économie sociale et solidaire : c'est un premier combat qui est en passe d'être gagné.