Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Publié le 11 septembre 2015

Retour du colloque « Tiers secteur : vers un service public collaboratif »

Dans le cadre des 14èmes rencontres internationales de la gestion publique le 17 juin 2015, l’institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE, bureau de la recherche du ministère des finances [14]) et l’OCDE ont organisé un colloque intitulé "Tiers secteur : vers un service public collaboratif ". Il a permis de remettre au cœur des débats, et dans une perspective internationale, ce concept moins évoqué aujourd'hui.

Jacques Dughéra, chargé de mission au RTES, y participait et fait un retour sur cette journée. En introduction, Philippe Frémeaux, intervenant au nom du journal Alternatives Economiques, a souligné qu’"au vu de la comptabilité nationale, il ne fallait pas compter sur le tiers secteur, souvent confondu avec l’ESS, pour prendre en charge la santé ou la protection sociale où l’Etat providence doit demeurer". Le témoignage de Caroline Slocock, présidente du Think tank civil "Exchange et fonctionnaire" au Royaume-Uni, a ensuite permis de lever tous les espoirs que d’aucuns pourraient encore mettre dans « la Big Society » : au terme des 3 premières années de fonctionnement, la "Big society" n’a pas réellement avancé dans l’autonomisation des communautés locales ou dans l’ouverture du service public. Le Gouvernement est beaucoup plus centralisé que par le passé ; les contrats publics qui devaient être repris par le tiers secteur ont plutôt été conclus avec des quasi monopoles privés « Too big to fail ». En revanche, et c’est un point positif, la promotion de l’action sociale, du bénévolat, des dons a été forte, même si les résultats obtenus sont en deçà des ambitions. Ainsi les donateurs ont apporté davantage aux associations mais pas assez pour compenser les pertes financières dues aux retraits de la puissance publique. Financièrement, la « Big Society » se traduit par une perte sèche pour les associations et les fondations. Ce n’est donc pas dans cette direction du remplacement du service public par le tiers secteur qu’il faut aller mais bien dans la coproduction de l’action publique entre tiers secteur et pouvoir public. C’est le sens de l’intervention de Françoise Waintrop, chef de la mission au Secrétariat général à la modernisation de l’action publique (SGMAP). Cette coproduction suppose que l’on ait en face des partenaires et que la puissance publique, nationale ou locale, prenne bien en compte le projet politique de ses partenaires, notamment par la voie de la subvention. Ce n’est pas forcément ce que l’on a entendu lors de colloque où la politique de subventions, d’un montant évalué à 1,2 milliards au niveau de l’Etat, a pu être catégorisée de « saupoudrage » du fait du nombre de subventions (21 168). À coté, le SGMAP met en place des innovations coproduites avec des acteurs du tiers secteur et des usagers notamment dans le service rendu aux personnes âgées en perte de capacité qui ne peuvent qu’intéresser les acteurs publics impliqués dans l’ESS. L’ingénierie financière s’avère être un enjeu essentiel pour cette relation entre tiers secteur et puissance publique, dans un contexte de restrictions budgétaires. Jean Claude Barbier, directeur de recherche au CNRS a posé les termes de la difficile voire impossible évaluation du social et surtout de l’investissement social. Thomas Dermine, associé à MacKinsey and company, a présenté une expérience de Social Impact Bond en Belgique, qu’il a préféré appeler "garantie financière". Cette expérience appelée « duo for a job » est une agence de coaching à l’emploi intergénérationnel et solidaire. L’hypothèse de départ est qu’un primo arrivant aura d’autant plus de chance d’accéder à l’emploi qu’il va disposer d’un capital de relations sociales et d’un accompagnement pour son intégration. Ce capital et cet accompagnement lui seront fournis par un belge de souche, retraité, disposant à la fois de temps et de relations. L’entreprise sociale est alors créée pour mettre en relation ce primo arrivant et ce retraité et accompagner la mise en place de ces binômes. Il faut forcément du financement de fonctionnement pour ce type de mise en relation et cette innovation sociale. C’est là qu’interviennent non pas une banque comme dans d’autres SIB nés aux Etats unis mais des citoyens et des fondations qui investissent dans cette entreprise sociale, tout en pensant pouvoir être rémunérés sur la base d’un taux d’intérêt décidé avec l’équivalent de Pôle emploi en Belgique, Actiris. Cette organisation a, en effet, un intérêt direct financier à ce que ces intégrations et insertions dans le marché du travail se réalisent au plus vite. L’évaluation des résultats (qui détermine si les investisseurs sociaux peuvent être rémunérés) est la partie la plus difficile, comme le souligne le professeur Barbier ; elle est assurée par un tiers qualifié d’indépendant. En l’occurrence, c’est un observatoire public et non un cabinet d’audit comme cela arrive souvent dans les premiers SIB. Le projet a aussi comme objectif d’être ensuite repris sur d’autres territoires analogues  mais cette fois-ci, avec des financements publics. Thomas Dermine soulignera que ce type de financement et d’ingénierie ne peut pas concerner tous les secteurs de l’action sociale, peut être 5%, dans les cas où l’évaluation des résultats est possible. La journée s'est enfin terminée par un exposé du professeur en science politique, chercheur à l’Institut d’études sur la société civile de l’université Ersta Skondal de Stockholm, Victor Pestoff, sur la coproduction du service de crèche parentale. Les gestionnaires de la fonction publique d’Etat mais aussi de la fonction publique territoriale cherchent de nouvelles manières de faire. L’idée que l’intérêt général est partagé avec des organisations privées, appelées indifféremment tiers secteur ou économie sociale et solidaire progresse. Dès lors qu’il ne s’agit pas uniquement de répondre aux contraintes budgétaires de la puissance publique et qu’il y a une culture de la co construction en marche, il est intéressant de réfléchir, peut être plus que par le passé, aux alliances systémiques et aux outils communs qui pourraient naitre sur le terrain de ces rapprochements et réflexions.

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