Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

"La co-construction des politiques publiques" - conférence en ligne 4 décembre 2018

jeu 27/12/2018 - 11:02

Cette visio-conférence était l’occasion de présenter et mettre en discussion les analyses et réflexions de l’étude « Co-construire les politiques publiques : éléments de définition, discours et pratiques » réalisée par Laurent Fraisse et d’illustrer celle-ci avec des retours d’expériences de collectivités et d’acteurs engagés dans des démarches de co-construction de politiques publiques aux échelles nationale et européenne.

Convaincu de l’importance des démarches de co-construction qui renouvellent les modes d’action publique, le RTES s’est engagé dans une démarche partenariale de recherche-action de deux ans sur la co-construction des politiques publiques.

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-Laurent Fraisse, socio-économiste, coordinateur de l’étude « Co-construire les politiques publiques : éléments de définition, discours et pratiques », chercheur associé au LISE a présenté les principaux résultats de la recherche action coordonnée par le Collège d’études mondiales et soutenue par l’Institut de la Caisse des Dépôts pour la Recherche en partenariat avec le Mouvement associatif, le Collectif des Associations Citoyennes, le Réseau National des Maisons des Associations, le Réseau des collectivités Territoriales pour une Economie Solidaire et l’Union Fédérale d'Intervention des Structures Culturelles. Cette recherche-action propose une définition de la co-construction des politiques publiques : un processus institué de participation ouverte et organisée d’une pluralité d’acteurs à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de l’action publique et a permis de mettre en exergue les contextes favorables, les conditions à réunir, les étapes à suivre et les obstacles à surmonter dans les processus de co-construction.

Les principaux enjeux et objectifs poursuivis dans les démarches de co-construction : Ouvrir la participation à l’élaboration et au suivi d’une politique publique aux acteurs non institutionnels ; Proposer d’autres visions d’un secteur ou d’un territoire ; Faire émerger ou consolider un réseau/collectif d’acteurs, interlocuteur des pouvoirs publics ; Constituer des instances de dialogue.

Si la co-construction n'est jamais un processus linéaire, certaines étapes sont récurrentes : Etape 1 : État des lieux, diagnostic partagé, expertise citoyenne et observatoire participatif : vers une co-production des savoirs. Etape 2 : Débattre publiquement des enjeux, dégager des thématiques prioritaires et préciser les modalités de la co-construction. Etape 3 : Valider des objectifs et les propositions, décider d’un plan d’actions et en déterminer les moyens. Etape 4 : Les enjeux du suivi et de la mise en œuvre. Etape 5 : Bilan commun et évaluation partenariale.

Cette recherche-action a également permis de mettre en évidence un certain nombre de conditions favorables à la co-construction des politiques publiques : Volonté, profils et positionnements des élus, mais aussi ouverture et acculturation des agents ; Stratégie de légitimité et intérêt bien compris ; Interlocuteurs légitimes, collectifs hybrides et contre-pouvoirs ; Définition préalable des attendus et accord sur le processus de co-construction ; Articulation des espaces de délibération institutionnels et non institutionnels ; Co-pilotage du calendrier, de l’animation et de la formulation des recommandations ; Anticiper les ressources et les coûts (temps et financement) de la participation ; Relations de confiance, identification des désaccords et acceptation des conflits.

- Véra Bezsonoff de la Fédélima (fédération des lieux de musiques actuelles), a présenté l'historique des démarches de co-construction mises en place dans le cadre des SOLIMA (Schéma d’orientation pour le développement territorial des musiques actuelles). Issus de la structuration des acteurs et politiques publiques des musiques actuelles aux échelles locales et nationales, et de la mise en place d'espaces de concertation permanente au niveau du Ministère de la Culture, les SOLIMA sont inscrits dans la Loi Liberté de Création, Architecture et Patrimoine de 2015. Le SOLIMA est défini comme une méthode de coopération qui pose le principe de co-construction des politiques entre l’Etat, les collectivités et les acteurs portant sur le développement des musiques actuelles d’un territoire. Il a pour objectif de répondre aux enjeux du territoire et d’apporter des analyses qui permettent d’identifier des perspectives d’intérêt général et de service public. Des principes d’action ont été formalisés : réaliser un autodiagnostic de territoire ; développer une observation participative, partagée et permanente ; convier la pluralité des initiatives esthétiques, économiques, sociales ; éviter les aprioris sur les résultats et rester dans la bienveillance.

Au fil des années il est également apparu nécessaire de distinguer les enjeux de structuration des acteurs qui se fait sous un angle « filière » (mutualiser des moyens, partager des missions, développer ses projets de manière pérenne et complémentaire…), des enjeux de co-construction des projets de territoire et/ou d’une politique publique qui a nécessairement une dimension plus transversale (définir les complémentarités entre acteurs privés et publics, coopérer pour une meilleure réponse aux besoins et envies du territoire, préserver la diversité des projets et des acteurs,…).

A partir d’un état des lieux des SOLIMA, la FEDELIMA formule quelques préconisations pour les processus de co-construction : •S’agissant de processus fragiles et longs à mettre en place, l’accompagnement et les ressources extérieures sont importantes (des moyens financiers sont nécessaires à la mise en œuvre de l’accompagnement) •Travailler à l’échelle de bassins de vie pour une réelle co-construction d’un projet de territoire •Dépasser le sectoriel pour aller sur des enjeux territoriaux plus larges et construire un véritable projet de territoire •Formaliser les enjeux réels du processus et définir si l’objectif est davantage de la consultation, de la co-construction, de la codécision. •Construire la concertation sur du long terme • Travailler les complémentarités entre les contrats de filière, les SOLIMA, et les autres démarches territoriales

- Bénédicte Le Pennec, chargée d’accompagnement au FAR, agence musicale régionale de Normandie a ensuite présenté la démarche de co-construction des politiques publiques de Musiques actuelles en Région Normandie. Elle réunit les acteurs, des collectivités territoriales (Région, départements, communes) et l’État (DRAC). Celle-ci, initiée par la Région, a été lancée dans un contexte précis : celui de la fusion de deux régions et d'une nouvelle mandature politique. Côté Région, il y avait la volonté d'avoir une meilleure lecture des acteurs musiques actuelles, de favoriser l'interconnaissance et de valoriser la diversité des acteurs ainsi que la volonté d'identifier les manques potentiels (en matière d'accompagnement, de métiers sur la filière...). Côté acteurs, une volonté de mieux se connaitre également. La démarche de co-construction a été mise en place avec l'appui de la FEDELIMA. Une concertation permanente est coordonnée par le réseau RMAN et animée par une personne extérieure. L'objectif clair, posé par la Région, était d'alimenter le contrat de filière 2018/2021. 3 dispositifs ont été créés sur la base des échanges et ceux-ci sont évalués et réajustés chaque année. Au delà du contrat de filière, la démarche a permis de rentrer dans une dynamique plus globale (formations, actions culturelles, ...). L'élue à la culture, Emmanuelle Dormoy, a joué un rôle très important de moteur pour la dynamique de dialogue. Bénédicte Le Pennec partage quelques points d'attention : anticiper le temps et les moyens que supposent ces démarches ; accepter de se mettre en danger et de sortir de ses zones de confort. Enfin elle souligne que la confiance acquise entre participants a rendu possible la prise de risque et des expérimentations, et souhaite à l'avenir poursuivre la transversalité : dépasser le cadre des musiques actuelles et travailler sur des enjeux globaux avec les services ESS et aménagement du territoire par exemple.

-Solène Falk de l’ALDA, Association européenne pour la démocratie locale a ensuite présenté les actions de l'ALDA. Initialement créée par le Conseil de l'Europe et aujourd'hui indépendante, cette association coordonne les agences de démocratie locale (ADL). Pour l'ALDA, favoriser l'exercice démocratique au niveau local suppose une implication citoyenne et une volonté politique des pouvoirs publics. Les ADL, au niveau local ou régional, œuvrent pour des partenariats permanents et de long terme entre citoyens, associations et pouvoirs publics locaux. Solène Falk présente ainsi le projet "Nos citoyens pour notre municipalité" porté par une ADL serbe et ayant bénéficié de financements européens du programme PROGRESS pour une meilleure gouvernance et coopération entre citoyens et administration publique. Celui-ci a abouti à l'organisation de formations, à la création de documents légaux sur l'usage des fonds publics et leur diffusion, ainsi qu'à l'organisation de débats publics. Solène Falk présente également le projet européen Co-Created (cf. présentation p. 55 du RepèrESS Europe&ESS), au sein duquel la ville de Sceaux est impliquée. Ce projet Erasmus+ rassemble des collectivités locales d'Espagne, Italie, Bulgarie et France autour de l'échange de bonnes pratiques sur la co-création des politiques publiques. Il ressort de ce projet de fortes différences culturelles entre les participants qui peuvent être un frein au départ mais qui s'avèrent être une richesse et une source d'inspiration forte. L'échange de bonnes pratiques au niveau européen permet ainsi d’accélérer les processus de co-creation et leur amélioration grâce aux expériences d'échecs et de réussites.

Ressources :

Retrouvez également notre retour sur la journée "Co-construire l’action publique : des discours aux pratiques ?" du 13 novembre à Paris à laquelle le RTES était associé.