Retours sur l’AG du RTES et le débat du 4 juillet
L'Assemblée Générale du RTES s'est tenue le 4 juillet, accueillie par le conseil régional d'Île-de-France. L'Assemblée statutaire a été l'occasion de présenter l'action menée par le RTES et ses perspectives, dans un contexte politique national favorable, et de renouveler le conseil d'administration. L'assistance était particulièrement fournie pour ce temps fort, avec la présence de 80 personnes, représentant 55 collectivités différentes. Elle a été suivie d'un débat avec la participation de Benoît Hamon, autour de l'articulation entre une politique nationale et des politiques locales d'ESS.
_ Christiane Bouchart, présidente du RTES, a notamment invité à se réjouir collectivement de la place et de la reconnaissance de l'ESS aujourd'hui, avec la nomination d'un ministre en la personne de Benoît Hamon, et la création de groupes de travail sur l'ESS au Sénat et à l'Assemblée Nationale.
Elle a appelé à poursuivre et renforcer le travail mené par le RTES de maillage du territoire, de capitalisation, de communication, de confrontation des pratiques des collectivités au travers de journées d'échanges et de débat et de formation, et de lobbying, tant au niveau national qu'européen pour une meilleure prise en compte de cette économie à sa juste valeur. Parmi les éléments importants de ce travail de lobbying :
-l'implication du RTES au sein du Labo de l'ESS et du Conseil Supérieur de l'ESS,
-le travail partenarial mené avec les autres réseaux de collectivités. Ce travail, engagé en 2011, s'est concrétisé en 2012 par la co-organisation d'une 1ère Rencontre Nationale des Collectivités locales autour de l'ESS, organisée le 30 mars 2012 à Paris. Une déclaration commune de ces réseaux, élaborée avec l'ARF et l'ADF, devrait être signée officiellement en septembre.
L'année 2011 et les premiers mois de 2012 sont marqués par le développement du réseau, avec l'arrivée de 12 adhérents en 2011, et de 12 nouveaux adhérents depuis le début de l'année 2012 (à noter l'arrivée de 7 conseils généraux depuis un an). L'objectif de la centaine d'adhérents devrait pouvoir être atteint à l'occasion des 10 ans du RTES. Le RTES fête en effet ses 10 ans cette année, et un grand événement est prévu en fin d'année.
Le Conseil d'administration a été renouvelé, avec l'arrivée de nouveaux administrateurs:
-Morad Bachir-Chérif, Grenoble Alpes Métropole
-Corinne Bord, Région Île de France
-Michel Dinet, Conseil Général de Meurthe et Moselle
-Bity Dieng, Ville de Grenoble
-François Lafourcade, Ville de Tours
-Frédéric Léveillé, Ville d'Argentan
Retrouvez le conseil d'administration actuel.
A la suite de l'Assemblée Générale, le RTES avait décidé d'organiser une table ronde autour de la question de l'articulation entre politique nationale et politiques territoriales en matière d’ESS. Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional d’Île-de-France qui accueillait la rencontre dans ses locaux, ainsi que Benoît Hamon, ministre délégué à l’ESS et à la consommation, ont conclu cette table ronde. Les débats ont été introduits par des administrateurs du RTES, au travers de différents prismes: ESS et articulation entre différents échelons territoriaux; ESS, emplois et politique de la Ville; jeunesse et innovation sociale.
Après l’accueil et l’ouverture du débat par Jean-Paul Planchou, vice-président du Conseil régional d’Île-de-France, Christiane Bouchart a rappelé que les politiques publiques locales de soutien à l'ESS sont relativement récentes, et ont été portées à l'origine par les villes. Les régions, à la suite des élections régionales de 2004 notamment, et les agglomérations ont ensuite été de plus en plus nombreuses à intégrer l'ESS dans leurs politiques publiques (aujourd'hui la quasi totalité des régions intègrent l'ESS dans leurs schémas de développement économique). Plus récemment, les départements témoignent de leur intérêt pour cette approche.
A cette transversalité territoriale des politiques publiques d'ESS, s'ajoute une logique de transversalité interne à la collectivité, en lien avec ses différentes compétences (transport, personnes âgées, restauration scolaire, énergie,..).
Jean-Philippe Magnen, vice-président du RTES, conseiller communautaire à Nantes Métropole et vice-président à la Formation et aux métiers de demain de la Région Pays de la Loire, a expliqué qu’on assistait, avec la nomination d’un ministère en charge de ce secteur, à l’aboutissement d’un virage pris depuis plus de 15 ans pour faire reconnaître l'ESS comme un levier possible de développement d’une autre économie.
L’enjeu est de « permettre à l'ESS de passer d’un statut de secteur alternatif, résistant, à un secteur d’impulsion d’une autre dynamique économique globale non exclusivement sectorielle et de circuits-courts au sens de relocalisation de la valeur ajoutée produite sur les territoires ».
L'arrivée d'une politique nationale d'ESS est un signe du changement d'échelle possible, qui doit s'appuyer sur une réelle articulation des différents niveaux de territoires, avec des collectivités qui auront des compétences pleines et entières, clarifiées. Et en intégrant l'échelon européen, avec les enjeux notamment autour des Services d'Intérêt Général, « pour faire évoluer la commande publique et le soutien à certains secteurs de l'ESS, notamment dans le champ des services à la personne, autour de la dépendance, aide à domicile, personnes âgées, petite enfance, handicap, où sont présents de vrais enjeux de développement économique ».
Grenoble Alpes Métropole a été une des 1ères agglomérations à mettre en place un plan de développement de l'ESS, co-construit avec l'ensemble des acteurs, avec la Région, le Département et la Ville, présentant un ensemble de stratégies pour améliorer la situation des citoyens. Morad Bachir-Chérif, vice-président de Grenoble Alpes Métropole, a, au travers de la présentation de quelques exemples d'initiatives soutenues sur le territoire de l'agglomération, insisté sur la connexion nécessaire entre politique ESS et politique de la ville, pour amplifier le rôle de celle-ci comme vecteur d’emploi et d’insertion par l’activité économique.
« L'hôtel d'activités Artis (Artisanat et Innovation sociale), 1000 m² de locaux dédiés aux activités économiques du secteur de l’ESS et de l’artisanat, représentant 250 emplois, permet à un territoire en rénovation urbaine de créer des dynamiques fortes, et contribue à son attractivité ». L'installation d'une ressourcerie dans une importante déchetterie de l'agglomération, permet de revaloriser des déchets, de proposer des produits à bas prix, et de créer de l'emploi pour favoriser l'insertion par l'économie.
Patricia Andriot, vice-présidente de la Région Champagne-Ardenne, administratrice du RTES, a rappelé que l’ESS doit à la fois être un vecteur plein et entier de développement économique, mais aussi vecteur d’aménagement du territoire, deux compétences clés du conseil régional.
Les enjeux sont ceux de la légitimité de l'ESS, de sa crédibilité comme modèle économique à part entière, et du décloisonnement et de la transversalité entre politiques publiques.
A ce titre, l’innovation sociale est au cœur de l’ESS, comme l’illustrent la dynamique et la réalité des PTCE (pôles territoriaux de coopération économiques) naissants ou encore les structures de l’insertion par l’activité économique. Ils sont essentiels à l’invention de nouveaux métiers, et donc de nouveaux emplois, pour répondre à des besoins de services non pourvus. Il y a un enjeu à ce que l’innovation sociale soit reconnue pour sa valeur ajoutée sociétale, mais aussi comme un levier de gain de productivité et donc de compétitivité dans l’évolution des processus de production, au même titre que l’innovation technologique. « La seule évolution des critères d’accès aux dispositifs régionaux, en Champagne-Ardenne comme dans d’autres régions, ne suffira pas si les cadres de financements nationaux, comme la réglementation nationale, n’évoluent pas. »
« La légitimité de l’ESS relève bien de nouvelles pratiques, mais aussi de nouvelles représentations économiques, dont l’avancée se fera avant tout par la jeunesse ». La conception de l’économie dans les programmes scolaires doit évoluer, ce qui pose la question de l’articulation avec l’éducation nationale. L’ESS est aussi une source de création des métiers de demain et peut être une voie originale pour répondre à la - souvent difficile - entrée dans la vie active des jeunes, par la voie de l’entrepreneuriat et du montage de son propre projet. Pour cela, les dispositifs d’aide à la création d’activité doivent être consolidés par des statuts, des accès au financement, qui facilitent la prise en compte de ce secteur. « Les emplois d’avenir, comme la Banque Publique d’Investissement seront d’autant plus des outils au service de la consolidation de l’ESS qu’ils seront pensés en articulation avec les dispositifs régionaux qui pourront aussi être amenés à évoluer ».
Benoît Hamon a présenté les grandes lignes de la feuille de route de son ministère, résultant notamment des engagements pris par le président de la République au cours de la campagne. Il a affirmé sa volonté de s'appuyer pour sa mise en œuvre sur « le dialogue, la contractualisation et le partenariat entre l'Etat, les acteurs de l'ESS, et les collectivités territoriales », et sa conviction « du rôle capital et décisif des territoires ».
Il a souligné que l'ambition de son ministère est de promouvoir un modèle économique, promotion « qui s'appuiera sur un travail de légitimation des acteurs du secteur, d'amélioration de la représentation des acteurs de l'ESS. Un travail sur le plan éducatif, tant au travers des programmes scolaires que des manuels scolaires, afin d'agir dans l'ensemble des domaines, pour que ce modèle économique tant vanté par les structures de l'ESS - et qu'il s'agira à un moment donné de rassembler, de labelliser, et de mieux définir (la loi sera l'occasion de mieux définir) - fasse l'objet d'une vraie reconnaissance ».
« Cela est de plus en plus urgent à l'heure où le social revient bizarrement à la mode à la faveur ou à la défaveur de la crise, et où il conviendra sans doute de se méfier du green-washing mais aussi du social-washing, comme j'ai eu l'occasion de le dire à Rio. Il y a, aujourd'hui, un besoin urgent de mieux définir le périmètre de ce qui relève de l'ESS, sans rentrer dans les arbitrages entre historiques, … . Ceux qui sont dans l'ESS par leurs statuts, par leurs finalités, les entrepreneurs sociaux, toutes ces familles contribuent à l'essor de l'ESS ».
« Ce n'est pas à moi d'arbitrer, de dire ceux qui sont 100% chimiquement ESS. Mais il s'agit de tout mettre en œuvre, par des politiques publiques bien articulées entre les acteurs, les territoires et l'Etat, pour contribuer à ce que l'activité économique de ce secteur rende un service de mieux en mieux reconnu et de plus en plus efficace, et à ce que l'impact social de l'ESS ne cesse de progresser, y compris avec la coopération du secteur classique quand il veut s'impliquer dans ce secteur ».
Benoît Hamon a souligné l'importance d'être logé à Bercy, et de pouvoir s'appuyer sur les grandes administrations du ministère de l'Economie et des Finances, en plus de la DGCS, sur laquelle il exerce une autorité conjointe avec Marisol Touraine.
Une circulaire va être envoyée aux Préfets de Région pour leur rappeler les priorités du ministère, et demander que dans tous les départements soit nommé un correspondant (sous-préfet, directeur départemental de la cohésion sociale, ...).
Les principales orientations sont les suivantes:
- un compartiment ESS au sein de la Banque Publique d'Investissement, qui s'instruira des lacunes du Programme d'Investissement d'Avenir et des besoins des structures. Benoît Hamon a indiqué que « la leçon qu'on peut tirer du PIA, c'est le manque de connexion à la réalité des territoires, aux besoins du territoire, aux orientations économiques des régions », et qu'il militera pour une reconnaissance du rôle des régions dans la gouvernance de la BPI. Environ 500 millions d'euros pourraient être dédiés à l'ESS, en veillant à ce qu'ils soient bien utilisés et accessibles (aujourd'hui, pour le PIA, seuls 20 des 100 millions dédiés à l'ESS sont consommés). Dans le cadre de l'étude de préfiguration de la BPI, une quinzaine d'acteurs de l'ESS seront rencontrés. Le montage de la BPI devrait être bouclé fin 2012.
- Emplois d'avenir: il s'agit de favoriser la création d'emplois structurants, autour de la « création d'activités nouvelles, qui répondent à des besoins sociaux non satisfaits, ou qui consolident des activités répondant à des besoins sociaux auxquels il est indispensable de répondre et auxquels la puissance publique seule ne peut répondre ». « La logique est une logique de projets, qui s'apparente à la philosophie Nouveaux Services Nouveaux Emplois, en voyant ce qui avait mieux marché et moins bien marché ». Benoît Hamon a souhaité que « l'instruction des projets se fasse au plus près des bassins d'emplois (mais ce n'est pas encore tranché), et que les DLA soient impliqués dans l'accompagnement des projets, car « sans ingénierie, sans accompagnement, il n'y aura pas de pérennisation ». Le programme sera finalisé fin 2012, avec une montée en puissance en 2013 (100 000 emplois d'avenir prévus).
- Une augmentation du nombre de contrats d'insertion et la volonté de mieux soutenir le secteur de l'insertion par l'activité économique: une inspection commune IGF et IGAS, demandée en lien avec le ministre de l'Emploi, est en cours afin d'analyser l'ensemble des fonds publics qui contribuent à financer ce secteur, et mieux identifier les besoins. Une étude a également été demandée au CREDOC sur les besoins en main-d'œuvre et en développement de l'ESS.
- La mise en place d'une politique d'accès à la commande publique plus favorable aux acteurs de l'ESS. S’agira-t-il de simplifier ou de modifier le Code des Marchés Publics ? La question n'est pas encore tranchée.
- L'amélioration de la représentation des acteurs de l'ESS, dans le cadre des institutions existantes (Conseil Supérieur de l'Economie Sociale et Solidaire), et au-delà - avec pour la 1ère fois une implication des acteurs de l'ESS au sein de la Conférence Sociale, directement ou par questionnaire. L'Usgeres, qui s'est associée au Syneas, est représentée dans 2 des 7 tables rondes.
- La loi-cadre sur l'ESS (finalisée fin 2012 et votée en 2013) qui comprendra 5 grands chapitres:
Un 1er chapitre de définition de l'ESS, « ne serait-ce que pour construire l'ensemble des autres lois, loi de Finances …, qui traiteront de l'ESS. Sinon, nous aurons des difficultés de contribuer, par exemple par la fiscalité, à ce changement d'échelle auquel nous aspirons tous »
Un 2ème chapitre abordera les mesures pour permettre aux acteurs de l'ESS de se battre à armes égales avec les autres acteurs économiques avec lesquels ils sont en concurrence.
Le 3ème chapitre devra conforter les organismes qui assurent une mission d''intérêt général, les associations en 1er lieu, mais aussi les coopératives (titres participatifs, titres associatifs, ...), pour donner les moyens aux structures de se constituer des fonds propres indispensables.
Le 4ème chapitre renforcera les moyens donnés aux créateurs et repreneurs d'entreprises. 200 000 emplois disparaissent faute de repreneurs, avec des entreprises parfaitement saines, même si elles n'apportent pas des retours sur investissement très importants. Il s'agira notamment de permettre aux salariés de bénéficier d'un droit préférentiel de rachat à offre identique. La création d'un nouveau statut intermédiaire, est prévue. Ce statut pourrait permettre la reprise sous forme d'actionnariat ouvrier minoritaire, avant de passer progressivement en SCOP.
Enfin, est prévu un nouveau dispositif de contractualisation entre l'Etat et les territoires, en s'inspirant par exemple des 1ères expérimentations PTCE, pour que la loi inscrive une sorte de mode d'emploi pour une contractualisation solide Etat-Territoires pour le développement de l'ESS.
Benoît Hamon conclut son intervention en invitant à « contribuer au travail de ce ministère qui, je l'espère, jouera un rôle important à vos côtés pour permettre un vrai changement d'échelle de l'ESS, pas seulement dans les discours, mais à travers les structures, les dispositifs règlementaires et législatifs et les dispositifs d'emploi ».