Scic Habitats Solidaires : l’auto-construction au service de l’insertion
Créée en 2003 par quatre associations [131], la Scic Habitats Solidaires s'est donné pour mission de débloquer les situations complexes autour du logement. Et pour cela, elle développe des actions qui impliquent directement les habitants, grâce notamment à l'auto-construction accompagnée ou à des projets d'habitat participatif. Rencontre avec François Taconet, son directeur général.
Quelles sont les principales actions menées par la Scic ?
Notre ligne directrice est l'amélioration de l'insertion par l'habitat de personnes et familles d’Île-de-France rencontrant des difficultés d'accès au logement. Outre sa maîtrise d’ouvrage très sociale, notre Scic intervient sur des actions que les associations fondatrices ne souhaitent - ou ne peuvent - porter en direct.
Il s'agit par exemple de maîtrises d'ouvrage sur projet associatif, d'interventions sur des copropriétés dégradées, ou encore de réalisations de logements locatifs sociaux dans des projets participatifs.
Habitats Solidaires mène également des projets d'auto-construction accompagnée. C'est ainsi qu'à la demande des collectivités locales (ville d'Orly et conseil général du Val-de-Marne), nous avons participé au relogement provisoire de populations Roms à l'aide d'un « village démontable ». Au-delà de l'opération de relogement, ce projet a permis une approche transversale avec par exemple un accompagnement social renforcé autour de la scolarisation des enfants et de l'insertion professionnelle des adultes ou avec la mobilisation de jeunes volontaires internationaux par l'association Concordia (voir ci-dessous la vidéo du Point sur le sujet).
Est-ce le projet d'Orly qui a inspiré le programme Guynemer à Saint-Denis ?
_ Tout à fait, et le chantier d'auto-construction devrait démarrer début 2013. Là aussi, nous sommes missionnés par les collectivités territoriales : la ville de Saint-Denis , l'agglomération de Plaine Commune et le conseil général de Seine-Saint-Denis. Il s'agit d'intervenir auprès de 7 familles de gens du voyage vivant depuis 35 ans sur un terrain départemental. Le conseil général souhaite déplacer le terrain pour effectuer des travaux de voirie et d'assainissement, tandis que l'agglomération de Plaine Commune tient à respecter le mode de vie de ces familles semi-sédentaires... Comme pour l'opération immobilière à Orly avec les familles Roms, nous allons utiliser les modules d'auto-construction [132], pour que sur le nouveau terrain les familles puissent à la fois conserver leur caravane et vivre dans de petites maisons individuelles. Et là encore, l'intervention immobilière devra permettre d'agir de manière transversale et partenariale sur l'insertion des familles, ainsi que sur le mieux-vivre ensemble des habitants du secteur.
Pourquoi avoir fait le choix d'une Scic plutôt que d'une SA coopérative d'HLM ?
Au début des années 2000, le projet initial était bien de créer une SA coopérative HLM, à la demande des autorités de l'époque. Mais les changements politiques et les orientations données pour inciter les organismes HLM à se regrouper ont compromis notre projet d'une petite structure HLM à taille humaine. Nous ne retrouvions pas dans cette politique... Les associations fondatrices ont donc réorienté le projet en Scic. Habitats solidaires voit officiellement le jour en 2003. Malgré des difficultés ponctuelles pour lever des fonds, ce statut correspond bien à notre façon de travailler en associant des partenaires divers issus de la société civile. Aujourd'hui la Scic compte 5 collèges, celui des salariés, des bénéficiaires/partenaires associatifs, des fondateurs, des investisseurs solidaires et des collectivités locales. Si les usagers ne sont pas impliqués dans la gouvernance, ils sont associés aux questions concrètes concernant leur logement. Notre capital s'élève à 2,4 millions d'euros, détenu au 2/3 par des particuliers investisseurs solidaires [133] Pour le moment une seule collectivité locale, la commune d'Aubervilliers, a rejoint le capital de la Scic. Avant d'ouvrir plus largement le capital aux collectivités, nous souhaitions étoffer les autres collèges. C'est maintenant chose faite et trois ou quatre collectivités locales devraient prochainement devenir sociétaires d'Habitats Solidaires.
Comment travaillez-vous avec les collectivités locales ?
Sauf exception, nous ne répondons jamais à des appels d'offres. Nous étudions plutôt les sollicitations directes des collectivités. Et si les projets qu'elles proposent nous intéressent, nous intervenons. De la même manière, nous mobilisons les financements publics au cas par cas. Par exemple pour le relogement des familles Roms d'Orly, le conseil général a pris en charge 70 % des coûts de la construction. Nos demandes financières aux collectivités portent souvent sur la garantie des prêts que nous mobilisons auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations. A noter également, les interventions décisives de la région Île-de-France : sans ses subventions sur l'achat du foncier, aucun projet ne pourrait aboutir. De manière générale, nous défendons l'idée d'une économie solidaire mixte où les pouvoirs publics accompagnent les initiatives des acteurs sans les phagocyter.
Pour en savoir plus: http://www.habitats-solidaires.fr/
Crédits photos: Habitats Solidaires
Les Roms atterrissent à Orly par LePoint