Interview d'Hélène Geoffroy (version longue - lettre papier n°32)
Version longue de l'entretien réalisé avec Hélène Geoffroy pour la lettre papier n°32 du RTES (Février 2019) consacrée à "Politique de la ville & ESS".
Vous avez été Secrétaire d’État auprès du ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville, vous êtes aujourd'hui maire de Vaulx-en-Velin, quels regards portez-vous sur les liens entre ESS et Politique de la Ville ?
La création d'activités en ESS a tendance à être plus importante dans les quartiers populaires, et c'est notamment le cas à Vaulx-en-Velin. Cela s'explique par une raison simple : les structures de l'ESS viennent répondre en proximité aux besoins quotidiens des habitants.
Des habitants qui se retrouvent plus souvent dans des situations de précarité, et qui du coup ont tendance à développer des activités solidaires. On ne compte plus les créations d'activités autour de la cuisine, du recyclage, des garages solidaires…
L’enjeu pour notre Ville est de pouvoir pérenniser ces activités, en permettant aux salariés de ces structures d’en vivre. L'ESS ne doit pas être une économie faite par les plus pauvres pour les plus pauvres, elle doit être reconnue dans sa contribution innovante au développement économique local.
Comment voyez-vous le rôle dans ce domaine d'une ville comme Vaulx en Velin, et quelles articulations avec la Métropole, la Région et l'Etat ?
L'ESS est déjà bien implantée sur notre ville, avec notamment l'immeuble à énergie positive « Woopa » dédié aux structures de l'ESS, implanté au sein du quartier du « Carré de Soie », une ancienne friche industrielle que nous réaménageons en mixant production de logements et développement d'activités économiques.
La Ville de Vaulx-en-Velin développe actuellement un projet de « Maison de la création » visant à structurer l'accompagnement à la création d'activités (en ante-création, en création et en suivi post-création), et notamment de structures d'ESS, sur notre territoire. Ce projet est mené en parternariat avec la Métropole de Lyon, en faisant appel au savoir-faire de ses développeurs économiques, mais aussi avec l'État, en mobilisant ses financements.
La Métropole de Lyon souhaite par ailleurs développer des « pôles entrepreneuriaux », en retravaillant la logique des pépinières d'entreprises historiques, pour développer des synergies entre les grands groupes implantés sur la métropole et les TPE et structures de l'ESS. La Ville de Vaulx-en-Velin est volontaire pour accueillir l'un de ces pôles, qui permettront également de servir de couveuses à de nouveaux projets.
La co-construction de la Politique de la Ville avec les habitants est un élément important, comment cela se traduit-il sur votre territoire ?
C'est un point essentiel à mes yeux. La loi de programmation pour la ville de février 2014 a instauré les conseils citoyens, comme des instances de consultation mais aussi de co-construction. En tant que députée, je me souviens de débats très vifs avec l'introduction du tirage au sort ou sur l'autonomie des conseils notamment, et j'avais déposé des amendements visant à donner un réel rôle aux citoyens dans le cadre de ces conseils.
J'ai été nommée Secrétaire d'État à la Politique de la ville en février 2016, au moment où les premiers conseils citoyens ont été créés. La nécessité d'une formation des citoyens présents dans ces conseils avait alors émergé, et nous avions débloqué des crédits budgétaires pour y faire face, notamment via l'école du renouvellement urbain. La rencontre de 1000 conseillers citoyens venus de toute la France en octobre 2016 a été l'une de mes plus belles expériences en tant que Secrétaire d'État. Cela a été l'occasion pour des habitants de quartiers populaires de tout le pays de se rencontrer et de se rendre compte qu'ils vivaient des réalités très similaires, des questionnements semblables et que des réponses communes pouvaient être apportées. Nous avions d'ailleurs créé une plateforme numérique, confiée à la Fédération des Centres Sociaux, pour faciliter la communication entre conseils citoyens.
Aujourd'hui, je pense qu'on ne peut plus continuer à faire la ville comme on l'a fait pendant 40 ans, sans les habitants. En tant que maire de Vaulx-en-Velin, j'associe régulièrement les conseillers citoyens dans la mise en œuvre du contrat de ville. Des conseillers citoyens m'ont accompagné à un comité d'engagement de l'ANRU en décembre 2018 concernant deux quartiers d'intérêt national présents sur notre commune. Ils m'ont accompagné à Paris pour prendre la parole devant les représentants institutionnels et défendre le projet de renouvellement urbain qu'ils ont co-construit avec la Ville.
Vous êtes également présidente d'Epareca, l'accès au foncier pour les structures de l'ESS est un élément important pour leur développement, quel rôle possible pour l'Epareca ?
Les commerces présents en quartiers Politique de la ville sont le plus souvent peu diversifiés et peu pérennes. Et ils sont parfois ammené à déménager dans le cadre des projets de renouvellement urbain. On retrouve d'ailleurs des problèmes similaires en milieu rural ou péri-urbain avec des coeurs de ville dévitalisés.
Les collectivités locales font appel à l'Epareca pour apporter de la diversité commerciale dans ces zones, en essayant d'attirer des locomotives de la grande distribution ou du secteur médical, mais aussi en mobilisant des structures de l'ESS, attirées par un coût du foncier accessible, et qui ont un réel rôle à jouer dans cette dynamique de revitalisation et de diversification.