Alimentation et entrepreneuriat coopératif - conférence en ligne janvier 2021
Dans le cadre de son cycle alimentation durable, le RTES propose chaque mois d’aborder une clé d’entrée spécifique sur le sujet de l’alimentation durable et des leviers dont disposent les collectivités pour agir et transformer notre modèle alimentaire vers plus de soutenabilité, de solidarité et d’ancrage territorial, en lien avec les acteurs de l’ESS. Retour sur les échanges du 22 janvier 2021 autour de l'entrepreneuriat coopératif dans l'alimentation qui ont rassemblé 55 participant.e.s.
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Emmanuelle Rousset, vice-présidente, en charge de l’économie sociale et solidaire et de la politique de la Ville, conseil départemental Ille-et-Vilaine, retour sur le projet le Bon Maurepas
Emmanuelle Rousset a accompagné l’émergence de la coopérative éphémère Le Bon Maurepas en tant qu’élue au conseil départemental mais également comme élue de quartier à la ville de Rennes. Le bon Maurepas est un projet initié dans le quartier rennais de Maurepas, quartier de 5000 habitants en politique de la ville sur lequel beaucoup de pratiques informelles culinaires étaient à l'œuvre. Il a été décidé, dans le cadre de la Fabrique à initiatives TAg35, de faire émerger sur le territoire un projet au croisement de l’alimentation et de l’insertion. Avec la mobilisation de nombreux habitants et acteurs, a émergé un restaurant sous forme de coopérative éphémère, le Bon Maurepas. Durant 4 mois, un restaurant était ouvert tous les midis aux habitants du quartier.
Cette expérience a réuni 18 personnes qui se sont engagées volontairement, sans prescription. Ces coopérateurs, accompagnés par un cuisinier, ont tout géré pendant 4 mois (choix des menus, fournitures, etc.) et se sont ainsi formés. Bien qu'elle ait rencontré quelques freins (problématique du statut des personnes, lieu peu adéquat à l’activité), l'expérience se poursuit vers un projet pérenne avec l’ouverture d’un restaurant coopératif à l’automne 2021 : le Bon Maurepas Bistrot.
Le projet a permis à des gens qui ne travaillaient pas ensemble de se réunir et de monter en compétences collectivement : collectivités, prescripteurs Pôle emploi, accompagnateurs RSA, monde de la restauration, etc. Il a également engagé une réflexion autour de l’alimentation durable sur le territoire. Au sein de la coopérative éphémère cette préoccupation est apparue progressivement, un travail important de référencement de fournisseurs durables a permis aux coopérateurs de découvrir des acteurs, via la visite d’exploitations par exemple, et de faire appel à des producteurs durables. Et plus globalement cette préoccupation est montée en puissance côté collectivités et acteurs, avec plusieurs initiatives autour de l’alimentation durable qui se développent (restaurant la Grenouille à grande bouche sous forme de SCIC, carte de l’alimentation durable accessible de la ville de Rennes, etc.) sur le territoire.
Emmanuelle Rousset précise que le soutien de la collectivité pour ce type d’initiative est essentiel mais qu’il doit être à sa juste place. La collectivité est là pour accompagner, rassurer, servir de caution, financer mais pas pour gérer en direct, il s’agit d’un projet porté par l’écosystème ESS. Ce type de projet entre dans un cadre où il y a beaucoup de contraintes, de normes et la collectivité peut rassurer, faciliter. Un comité de suivi de l'expérience a été mis en place, pour assurer écoute et co-construction.
Ce projet a au départ été soutenu par la ligne ESS du conseil départemental pour financer l’étude de préfiguration réalisée par le révélateur TAg35 (10 000€), puis par la ligne politique de la Ville en lien avec la ville de Rennes et Rennes Métropole (15 000€). Le restaurant coopératif définitif est à nouveau accompagné par la mission ESS du département à hauteur de 10 000€.
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Anna Mourlaque directrice de l'association Meltingcoop et Martine Ndiaye secrétaire de l'association Reveil qui co-portent Migracoop
Migracoop est un programme porté depuis 2019 par les deux associations Meltingcoop et Réveil en direction d’entrepreneurs migrants. Le programme s’organise autour de 3 axes : mettre en réseau des entrepreneurs par secteurs d’activité, expérimenter de nouvelles manières de faire et intégrer l’écosystème de l’ESS. Dans le cadre du programme Migracoop, une première coopérative éphémère, Sunucoop, est montée en 2019 autour du culinaire, puis une deuxième en 2020 autour de l’artisanat textile. La coopérative éphémère Sunucoop a réuni 9 coopérateurs (8 femmes et 1 homme) de mai à octobre 2019 et s’est appuyée sur un réseau de bénévoles investis. L’activité a pris place au sein du restaurant associatif La Nouvelle Rôtisserie dans le 10ème arrondissement à Paris qui est devenu le lieu de stockage et de production de Sunucoop. La coopérative éphémère Sunucoop était hébergée par la CAE Coopaname.
Reveil et Meltingcoop animent la coopérative : un temps de debrief est organisé chaque semaine et les 2 associations aident le collectif à la prise de décision, proposent des temps de formation en fonction des besoins exprimés, organisent des temps de visites et des temps d’accompagnement individuel. Elles ont également un rôle d’appui juridique et rédactionnel : la formalisation à l’écrit étant un frein très important. Suite à cette expérience, l’un.e des coopérateur.rice est traiteur en micro-entreprise, 3 sont traiteurs en association, 1 association a été créée autour d’un projet culinaire, 1 personne a retrouvé un emploi et 1 autre s’est réorientée vers un projet logistique. Le collectif Sunucoop continue de plus à servir 4 fois par semaine à la Nouvelle Rôtisserie et l’association Réveil poursuit l’accompagnement social et administratif des anciennes coopératrices.
Migracoop est soutenu par 3 directions de la ville de Paris : le service intégration, le service ESS et le service politique de la ville. Ce financement structurant représente près du tiers du budget. La ville de Paris a également joué le jeu de la commande publique pour des buffets traiteurs et pots conviviaux quand les montants permettaient de ne pas passer par un appel d’offre.
Le collectif Sunucoop travaille aussi avec la ville de Grigny. Face à de nombreux vendeurs de brochettes à la sauvette devant la gare, la ville de Grigny a mis en place une action pour accompagner la formalisation d’une offre. La ville de Grigny a mobilisé le GRDR qui a réuni un collectif autour d’une recherche-action. Ce collectif d’acteurs, auquel participe le collectif Sunucoop, accompagne la structuration d’un collectif de vendeuses de brochettes et la structuration d’une offre autour d’un lieu. La Ville de Grigny travaille sur le montage d’une cuisine professionnelle.
De l’avis d’Anna Mourlaque et Martine Ndiaye, la coopérative éphémère représente un outil intéressant pour expérimenter la formalisation : elle permet de tester son activité totalement formalisée sans prendre de risque. Cet outil permet aussi de tester la mutualisation qui à divers points de vues permet de diminuer les coûts de la formalisation. Toutefois pour beaucoup il reste difficile de formaliser tout en conservant un modèle économique tenable.
Ressources
- "Le Bon MauRepas" à Rennes : une coopérative de quartier pour tester une activité de restauration/traiteur
- Le livret de capitalisation du programme Migracoop
(Re)voir l'échange