Compte-rendu de la webconférence "l’innovation sociale" - lundi 26 mai 2014
Plus de quarante personnes ont suivi la 2ème webconférence organisée par le RTES et Idéal Connaissances, le 26 mai. Nicolas Chochoy, directeur de l'Institut Godin, est intervenu sur l’innovation sociale dans les territoires, à partir notamment du travail réalisé en Picardie avec le conseil régional et la CRESS.
L’innovation sociale, un concept à la mode mais de quoi parle t'on ?
A Bruxelles, la Commission européenne, dans sa stratégie Europe 2020 relative à la croissance intelligente, inclusive et durable, en appelle souvent à cette notion, sans vraiment la définir. Dès octobre 2010, elle souhaite une “Union pour l‘innovation” ; en 2011, elle facilite la mise en place d’une plateforme “social innovation Europe” ; et dans sa communication d’octobre 2011, relative à l’initiative pour l’entrepreneuriat social, la Commission fait le lien entre innovation sociale et entrepreneuriat social.
Un programme européen pour l’emploi et l’innovation sociale, sur 2014 /2020, est doté de 920 millions d’euros, à coté du 7ème programme de recherche et des fonds structurels qui doivent également s’intéresser à l’innovation sociale. La Commission a tenu, les 19 et 20 mai, deux jours sur le sujet de l’innovation sociale dans les politiques sociales, preuve de son intérêt [3]. Des réseaux européens d’incubateurs de l’innovation sociale se mettent désormais en place.
À Paris, suites aux travaux du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, le lien entre ESS et innovation sociale est réalisé par le projet de loi relatif à ESS dans son article 10 ter. Le projet définit l’innovation sociale soit comme réponse à “des besoins sociaux non ou mal satisfaits”, soit comme “une forme innovante d’entreprise, un processus innovant de production de biens ou de services ou encore un mode innovant d’organisation du travail, des procédures de consultation de bénéficiaires ou des modalités de financement de tels projets” [4].
À Amiens, au sein de l’Institut Godin, centre de transfert en pratiques solidaires et innovation sociale, on s’attelle depuis plusieurs années à définir ce concept en s’appuyant sur la littérature scientifique, notamment issue des travaux québécois [5].
Nicolas Chochoy, Directeur de l’institut, résume les travaux de définition dans la première partie de la conférence. Il insiste sur la notion d’innovation sociale institutionnaliste qui prend en compte les aspirations sociales (différentes de la notion de besoin social, faisant intervenir ce qu’il appelle le temps contrefactuel), le processus, le territoire et ses représentations, le résultat sous certaines modalités [6], les impacts directs sur les individus, les organisation et les territoires, la place des bénéficiaires dans le processus d’innovation. Cette place n’étant jamais assurée. Notre difficulté pratique à l’assumer est certainement l’un des principaux obstacles au développement de l’innovation sociale.
Ce travail de définition du concept est essentiel pour, qu’au niveau des territoires, les acteurs et notamment ceux de l’ESS partagent des orientations et des manières de faire.
L’innovation sociale, une pratique de terrain
En Picardie, avec le conseil régional, la CRESS, l’agence régionale de l’innovation, le SGAR et la BPI, un travail est effectivement engagé depuis plusieurs mois pour développer, sur le terrain, l’innovation sociale.
Ce travail débute avec la création de l’institut GODIN en 2007, se poursuit dans la dynamique des assises régionales de l’ESS en 2011 pour aboutir à la manifestation d’intérêt en innovation sociale lancée par le conseil régional en janvier 2013. Parallèlement, l’Etat réalise des travaux dans le cadre du programme PESIS.
Cette dynamique permet de réfléchir à un écosystème favorable à l’innovation sociale sur le territoire qui comprendrait :
-un comité de labellisation des projets, ouvert aux acteurs comme c’est le cas en Picardie, et permanent, permettant le dépôt de projet tout au long de l’année,
-un accompagnement des projets tant sur la question des pratiques solidaires et de l’innovation sociale que sur le projet lui même,
-un financement sur des fonds d’innovation sociale pérennes à travers la gestion de ce fonds par la BPI,
-la recherche de transfert en continu,
-la promotion et la diffusion qui est le rôle des collectivités territoriales mais aussi des réseaux,
-une gouvernance dans une dimension collective,
-la manifestation d’intérêt en innovation sociale serait alors un élément ponctuel venant de temps en temps pointer des sujets nouveaux, notamment à la demande de la collectivité territoriale.
-l’introduction de marqueurs de l’innovation sociale [7]
Les marqueurs de l’innovation sociale
Les partenaires territoriaux souhaitent, dans un processus d’évaluation de ces pratiques solidaires et d’innovation sociale, mettre en place des éléments de preuve qui servent à la décision. Nicolas Chochoy consacre la troisième partie de sa conférence à ces marqueurs [8]. Résultant d’une approche partagée, collective et territoriale, ils ne sont donc valables que pour un territoire donné et son contexte. 11 marqueurs ont ainsi été décidés pour la Picardie [9].
La question la plus importante à régler, une fois ces marqueurs décidés, n’est pas leur pondération (il ne s’agit pas d’indicateurs) mais leur échelle de grandeur. Par exemple, le parti pris en Picardie est de donner une échelle de grandeur de 1 à 3. Ainsi pour le marqueur « ancrage territorial », l’échelle 1 correspond à la proximité géographique d’acteurs, l’échelle 2 à la proximité organisationnelle, l’échelle 3 à la proximité institutionnelle. Cette échelle de grandeur est à gérer de manière collective en lui donnant du sens au regard des objectifs de changements de l’approche d’innovation sociale institutionnaliste.
Cette échelle de grandeur sera la seule « boite noire » durant cette conférence du directeur de l’Institut pour la bonne raison que marqueurs et échelle de grandeur dépendent des contextes et des territoires. Ces marqueurs donnent lieu à une représentation graphique sous forme de sociogramme, tout à fait parlante de l’innovation sociale institutionnaliste que représente chaque projet. En Picardie, 41 porteurs de projets ont répondu en 2013 à l’appel à manifestation d’intérêt, 13 ont été retenus par le comité de sélection. Les marqueurs 10 et 11, rupture avec l’existant et capacité de changement social, sont des marqueurs qui découlent des autres marqueurs. Ils sont essentiels dans la logique de l’innovation sociale institutionnaliste qui consiste à travailler sur les impacts directs sur les individus certes mais aussi sur les territoires et les organisations. Ils nous rapprochent de l’ESS dans son rôle de transformation de la société. C’est pourquoi cette approche de l’innovation sociale institutionnaliste sur les territoires peut être un très bon creuset pour de nouvelles avancées de l’ESS.
L’institut Godin, de plus en sollicité par des acteurs de l’ESS et des conseils régionaux [10], se pose la question de sa transformation, à terme, en SCIC, propriété collective de tous ces territoires en mouvement.
Pour aller plus loin: « l’innovation sociale, principes et fondements d’un concept. http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=42039. Nicolas CHOCHOY et Thibault GUYON, éditions l’Harmattan, 2013
Réservé aux adhérents au RTES
(Re)visionnez la Webconférence et retrouvez le powerpoint présenté par Nicolas Chochoy dans votre “espace adhérent”