"Dans 10 ans, je rêve d'une ESS transversale, imprégnée dans chaque service" - Interview de Nicole Miquel-Belaud, Toulouse Métropole
Nicole Miquel-Belaud est conseillère municipale déléguée et conseillère métropolitaine chargée notamment de l'économie sociale et solidaire à la Métropole et à la Ville de Toulouse. Responsable marketing dans un grand groupe pendant une dizaine d’années, elle quitte le monde du privé pour être professeur et responsable de programmes à la Toulouse Business School, dans différentes universités sur Toulouse et dans le monde. Présidente fondatrice d'Envie Occitanie, entreprise d’insertion par l’économie de 120 salarié.e.s pour laquelle elle est très fière de s'être investie, elle y est administratrice depuis 2014, date de son élection à la Métropole et à la mairie. Elle revient pour nous sur son action en matière d'ESS sur son territoire et dans les quartiers politique de la ville (QPV).
Quels sont les grands axes de votre action pour le développement de l’ESS à Toulouse ? Comment s'inscrit-elle au sein des différentes politiques locales ?
L’ESS fait partie intégrante du développement économique de Toulouse Métropole. C’est fondamental car on considère que c’est une économie comme une autre mais avec une finalité différente, qui replace les femmes et les hommes au cœur de notre réflexion.
Toutes les actions menées sont inscrites dans une démarche de co-construction permanente avec un ensemble d’acteur.rice.s, et une volonté de faire du partenariat entre le secteur public et privé. C’est une démarche relativement nouvelle, surtout à l’époque où elle a été lancée, qui marque une volonté de montrer qu’on peut travailler ensemble.
1. Nous avons bâti un PARCOURS D'ENTREPRISES qui propose des outils pour répondre aux besoins des acteur.rice.s de l’ESS aux différentes étapes de leur cycle de vie :
- l’Incubateur d’Innovation Sociale Première Brique au démarrage de l’idée,
- le Parcours Adress, équivalent d’une pépinière d’entreprises qui accompagne les projets au démarrage de leur phase de croissance, financé quasiment à 100% par la Métropole,
- le Dispositif Local d’Accompagnement (DLA) géré par le Mouvement Associatif et largement soutenu par la Métropole.
Aussi, nous finançons une multitude d'acteur.rice.s via par exemple les financeurs solidaires IéS (Initiative Économie et Sociale), et France Active MPA, Midi-Pyrénées Active, et d’autres également (Agence Intercalaire, les Scoop…), qui ensuite financent à leur tour les entreprises.
Tous ces parcours et dispositifs sont évolutifs, car le principe est de bien couvrir l’ensemble des besoins et attentes du territoire. Lorsque des besoins ne sont pas satisfaits ou que des attentes nouvelles apparaissent sur le territoire, nous faisons en sorte de répondre à ces “trous dans la raquette” par de nouveaux outils, comme par exemple notre accélérateur d’impact lancé en 2021. En effet, une fois que l’entreprise est lancée, elle peut se retrouver confrontée à des évolutions non prévues (dans l’environnement, dans les attentes, dans la concurrence,...) et beaucoup d’entreprises de l’ESS ne savent pas comment réagir face à ces changements. Cet accélérateur a justement été créé pour aider les entreprises en difficulté après quelques années d’existence et qui sont confrontés à ces évolutions. Cet accélérateur et l'incubateur Première Brique ont été co-construits avec France Active MPA. Enfin, dernièrement, on s’est aperçu qu’il y avait aussi besoin d’un outil d’aide à l’implantation. Des acteur.rice.s de l’ESS sont présent.e.s dans d’autres territoires et ont envie de se développer sur le nôtre. D’autres au contraire cherchent à s’implanter uniquement sur notre territoire. Élaboré avec l’agence d’attractivité Invest In Toulouse, cet outil viendra justement aider ces acteur.rice.s à s’implanter à Toulouse.
2. Dans le cadre de la crise sanitaire, nous sommes un des rares territoires à avoir eu un volet spécifique dans le plan de relance pour l’emploi, dédié à la relance de l’ESS.
Nous avons doté le dispositif de l'État Secours ESS, ainsi que le nouveau Prêt Relève Solidaire de France Active. Nous avons également accordé une exonération de loyer pour les “lieux totems” (lieux d’accueil et vitrines de l’ESS). Il fallait pouvoir répondre rapidement aux problèmes de trésorerie rencontrés par les entreprises de l’ESS pendant la crise.
Ensuite, il fallait accompagner les entreprises de l’ESS dans la relance. Pour cela, nous avons lancé l’appel à projets Prix Toulouse Impact, mis sur pied et lancé l’Accélérateur POLeN, et apporté une aide au financement solidaire avec l’outil J’agis pour demain qui accompagne les acteur.rice.s dans leur recherche de financement (financement participatif). Nous avons également soutenu Asso Consulte, une association qui propose des conseils juridiques et financiers aux acteur.rice.s de l’ESS, lancé des accompagnements aux groupements d’entreprises, et développé du mécénat et du mentorat. Au-delà du renforcement du DLA, nous avons aussi développé un appel à projets dédié à l’ESS et à l’innovation sociale.
3. Pour avoir été labellisé French Impact, nous avons créé un collectif composé de 21 partenaires, organisé et animé par Toulouse Métropole (chef de file) nommé Toulouse Impact.
4. Nous souhaitons développer la création de “lieux totems de l’ESS”, des territoires pour rendre l’ESS plus visible et créer une synergie, un écosystème avec d’autres acteur.rice.s dont les profils sont différents.
Ces lieux fédérateurs proposent un espace d’hébergement d'entreprises pour développer et favoriser les innovations, les coopérations entre acteur.rice.s. Enfin, ces lieux sont ouverts sur le quartier et font en sorte que les habitant.e.s soient de véritables parties prenantes. Voici quelques exemples de lieux totems sur le territoire :
- Les Imaginations Fertiles sur l’innovation sociale,
- Eden sur l’agro-économie, le maraîchage et apprendre à mieux manger,
- Les Herbes Folles à Lapujade, sur l’économie circulaire,
- L’Atelier des Bricoleurs, aux croisements de 3 QPV,
- Les Halles de la Cartoucherie dans un quartier présent sur l’innovation dans l'urbanisme, le vivre ensemble dans des bâtiments, avec la volonté de créer des synergies intergénérationnelles et inter sociales.
5. Enfin, nous sommes impliqués dans ERASMUS +, un dispositif financé par l’Europe pour l’éducation des adultes sur 2017/2021. Ce dispositif nous permettra de monter en compétences et d’échanger avec nos homologues européens, notamment sur la mobilité.
À travers son contrat de ville 2015/2022, la Métropole de Toulouse est engagée pour la réduction des inégalités dans les quartiers prioritaires. Plus d'informations sur notre article dédié.
En tant qu'administratrice du RTES, quelles sont vos attentes vis-à-vis du réseau ?
Je voudrais vraiment que le RTES fasse et soit à l’initiative d’un plaidoyer pour l’ESS. Nous avons besoin de réseaux qui se placent en tant que porte-parole, qui fassent connaître l’ESS dans les territoires. C’est essentiel pour moi car nous sommes malheureusement encore trop caricaturés dans certaines collectivités. Ce rôle de plaidoyer pourra nous permettre de changer les choses, de gagner en légitimité, en synergie et en compétence tous ensemble.
Ensuite, ce qui est extrêmement important quand on est dans un réseau, c’est le transfert d’expériences. Il y a des projets qui peuvent être superbement bien développés dans certains territoires que je ne connais pas forcément ou que j’aimerais développer sur le mien.
Et dans 10 ans, comment voyez-vous l'avenir de l'ESS dans les politiques publiques ?
Bien entendu pour moi dans 10 ans, l’ESS sera reconnue comme une économie à part entière, prise en compte dans la globalité de son impact réel sur les territoires. On ne peut pas la juger uniquement sur le nombre d'emplois créés ou sur le nombre de créations d’entreprises. Il faut qu’on soit capable d’évaluer les impacts réels de l’ESS sur notre territoire et pouvoir les mettre en avant.
Il faudrait peut-être songer à trouver une nouvelle appellation pour l’économie sociale et solidaire, peut-être trouver un nom mettant en évidence que l’ESS est une économie comme une autre. Moi je dis souvent que l’ESS c’est “entreprendre autrement”.
Il faut aussi qu’on arrive à faire en sorte que l’ESS soit transversale. Dans ma collectivité, je n’y suis pas encore arrivée. On n’est pas assez visible car on n’est pas une filière, alors que l’ESS est présente dans de nombreux domaines. Aujourd’hui, on a une équipe et un département ESS, mais on ne pense pas toujours à nous sur l’économie circulaire ou sur la silver économie par exemple.
Dans 10 ans, je rêve d'une ESS transversale, imprégnée dans chaque service.
Enfin, il faudrait pour l’ESS avoir une structure qui soit au niveau financier l'équivalent de l’ADEME, une structure financée par l’État qui ensuite met en œuvre les prérogatives de l’État et finance les acteur.rice.s de l’ESS, et de même au niveau de l’Europe.
Découvrez l'interview de Nicole Miquel-Belaud sur les axes prioritaires de Toulouse Métropole pour le développement de l'ESS :