Décloisonner économique et social, un enjeu, mais quel modèle à ré-inventer ?
Tel était le thème de la table ronde organisée en clôture du mois de l'ESS en Champagne-Ardenne. Patricia Andriot, vice-présidente du Conseil Régional Champagne-Ardenne, présente les principales idées discutées lors de cette soirée.
«Les structures de l’ESS, ancrées sur leur territoire, créatrices d’emplois non délocalisables et par ailleurs soucieuses de la qualité du poste de travail, constituent une réponse intéressante à l’enjeu crucial de l’emploi.
Alors même que les structures installées de l’ESS résistent plutôt mieux à la crise en termes de réduction d’emplois, paradoxalement, l’émergence de projets dans ce secteur est aujourd’hui malmenée et ce, pour de multiples raisons conjoncturelles :
-la difficulté d’accès aux circuits financiers classiques, due à la méconnaissance du secteur, est accentuée en temps de crise,
-les fonds publics se raréfient,
-les procédures d’appels d’offres se généralisent même pour ce qui relève de l’action sociale…
-La régulation par la norme et le prix engendre des réponses alors inadaptées au contexte local, sclérose les énergies collectives et tue dans l’œuf toute forme d’innovation sociale et territoriale.
Quelles sont les solutions possibles ? Comment la règlementation économique européenne influence-t-elle la régulation des services sociaux et le financement public des acteurs associatifs ? D’autres modèles économiques sont-ils envisageables ?
La table ronde organisée le 07 décembre dernier pour répondre à ces questionnements a réuni 3 intervenants proposant des éclairages différents de la problématique :
Viviane Tchernonog, chercheuse au CNRS, spécialiste du fait associatif a dressé une photographie de la situation dans ce milieu, et évoqué les principales questions qui se posent aujourd’hui aux acteurs associatifs et les pistes de réponse.
Carole Salers, de l’UNIOPSS, a expliqué comment les nouvelles logiques des politiques publiques : nouveaux règlements, marchés publics, impactait le secteur de l’ESS et en particulier les associations.
Enfin, Pierre Clouet de l’USGERES a quant à lui, évoqué les remises en cause en cours au sein de ce secteur, générées par les évolutions décrites par les deux intervenantes précédentes.
Ces différentes interventions ont permis de dresser un certain nombre de constats :
Une analyse statistique des données (d’ailleurs trop peu nombreuses) relatives aux associations met en évidence un développement du fait associatif continu, d’abord accompagné par les pouvoirs publics jusqu’en 2005, mais que ne s’est pas interrompu malgré la diminution de l’accompagnement de financements publics observé depuis cette date. Il n’y a pas de crise du bénévolat dans les chiffres, au contraire, par contre un sentiment justifié de raréfaction des sources de financements publics, d’appels aux financements privés, et un sentiment croissant de concurrence entre associations. Au-delà même de la question des financements, l’évolution des règlementations nationales et européennes (code des marchés publics, mandatement, logique d’appel à projet) accroissent une réalité de soumission progressive au modèle gestionnaire et de prestations de service au détriment du projet politique.
Dans ce contexte, la fonction employeur dans le monde associatif ou en respect des valeurs de l’économie sociale évolue profondément.
Cet ensemble de constat a permis de mettre en évidence les principaux enjeux et perspectives pour que ce secteur s’adapte, sans perdre son âme mais démontre au contraire toute sa pertinence face à un modèle classique à bout de souffle.
Ainsi Pierre Clouet, rappelle que parce que les employeurs de l’ESS sont des employeurs comme les autres mais ne sont pas des patrons comme les autres, il y a là un contexte à ne pas manquer pour se ré-interroger sur ses pratiques et pour ne pas remettre en cause ses valeurs.
Miser sur la professionnalisation des acteurs, accompagner une certaine forme de mutualisation, ré-interroger la gouvernance en refondant le modèle économique croisant financement publics et privé, sans perdre de vue le projet politique sont les principaux points qui ont été évoqués et qui ne doivent pas se contenter d’interroger les acteurs concernés mais également les politiques en charge de l’accompagnement de cette mutation »
Patricia Andriot
Vice-présidente Région Champagne Ardenne