Faire de l'ESS une économie à part entière, indispensable aux transitions - Gaëlle Le Stradic, Région Bretagne
Élue depuis juillet 2022 au conseil d’administration du RTES, Gaëlle Le Stradic est conseillère régionale déléguée à l'ESS et présidente des instances de commande publique à la Région Bretagne. Elle revient pour nous sur les principaux axes de développement de l’ESS sur son territoire, en lien avec les acteurs ESS du territoire et les autres niveaux de collectivités.
Quels sont les principaux axes de développement de l'ESS dans votre politique ?
La Région Bretagne s’est engagée dans une politique volontariste de soutien et de développement de l’ESS depuis 2012. La région bretonne est un territoire fertile pour l’ESS, avec une forte tradition de solidarité. De par sa position géographique enclavée, les habitant.e.s ont dû travailler main dans la main pour défendre leurs intérêts (axes routiers gratuits, coopérations agricoles…). Les breton.ne.s ont gardé cette façon de travailler, ensemble en mettant en commun, et cela se retranscrit dans les partenariats entre acteurs de l’ESS bretons, Etat, instances nationales, collectivités locales et acteurs privés.
Nous avons une Stratégie Régionale de l'ESS, feuille de route commune des acteurs de l’ESS et des pouvoirs publics. La SRESS 2021-2024 (intitulée “De nouvelles ambitions au service des transitions de la Bretagne”) a été élaborée sur la base des contributions des acteurs ESS et publics au moment de la conférence régionale de 2020, avec le support d’un comité de coordination de la SRESS.
L’axe principal de cette stratégie est l’accompagnement de l'écosystème ESS sur toute la région, grâce à un maillage au plus près des territoires pour faire émerger les projets ESS et les développer sur tout le territoire. Une des spécificités de notre action est la création de pôles territoriaux de l’ESS. La CRESS anime ce réseau de 19 pôles, qui sont la porte d’entrée de l’ESS sur les territoires, à la fois pour les porteurs de projets, et pour les collectivités. Nous avons également 4 TAg des “propulseurs d'entrepreneuriat collectif”, un par département, que la Région accompagne, commes les pôles de l’ESS, financièrement.
La Région contribue au financement des principales têtes de réseaux de l’ESS : la CRESS Bretagne sur des missions spécifiques, l’Union Régionale des SCOP, les coopératives d’activité et d’emploi et le Cric (Coopérative Régionale d’Education à l’Entrepreneuriat Collectif, structure à destination de la jeunesse avec pour mission le développement des Coopératives Jeunesse de Services (CJS), les Coopératives Jeunes Majeurs (CJM) et les Coopératives de Territoires). La Région soutient également les outils d'ingénierie financière opérés par France active Bretagne, couvrant les différents stades de développement d’une entreprise de l’ESS (de l’émergence au développement de nouvelles activités).
Le deuxième axe de notre stratégie ESS réside dans la coopération, et notamment dans le développement des coopérations entre le secteur ESS et le secteur de l’économie “plus conventionnelle”. Mon ambition politique est de faire reconnaître l’économie sociale et solidaire comme une économie à part entière. Pour cela, il faut créer de l'intérêt et aller sur des secteurs d'activités dit “traditionnels” où l’ESS a une valeur ajoutée à apporter. Ainsi, la Région a accompagné l’émergence du Gérontopôle lors de sa préfiguration Elle a aussi accompagné Trait d’union, un dispositif qui a pour objectif de créer des passerelles entre les entreprises de l’ESS et les entreprises “conventionnelles”. Les pôles de l’ESS impliqués dans ce dispositif sondent les besoins de chacun de ces acteurs sur le territoire et les mettent ensuite en relation.
La Région Bretagne intègre l’économie sociale et solidaire dans sa politique d’achats. Elle a notamment adopté un Schéma de Promotion des Achats Socialement et Écologiquement Responsable (SPASER) où des critères et des indicateurs ont été mis en place pour permettre aux entreprises de l’ESS de pouvoir accéder aux marchés publics. J’ai été nommée récemment Présidente des instances de Commande publique, une nouvelle mission qui complète mon portefeuille ESS et qui illustre bien la volonté régionale d’inscrire l’ESS dans nos marchés publics. On travaille également sur un sourcing des entreprises de l’ESS, travail entrepris avec nos partenaires, pour informer au mieux les acteurs, adapter nos lots et voir pour permettre des réponses collectives.
Nous sommes également en train de développer nos actions pour l’ESS sur certaines filières identifiées dans la stratégie régionale, notamment sur la maritimité (routes maritimes et transport à voile, développement de l’éducation à la maritimité, recul et gestion du trait de côte (d’autant plus avec ce qu’on vient de vivre suite aux tempêtes actuelles), une filière dans laquelle les acteurs de l'ESS s'emparent de ces questions et qui doit être structurée (interconnaissance, développement de solutions technologiques et innovantes). Il y a déjà eu une Journée Régionale en février 2023, organisée par la CRESS et le Labo de l’ESS sur cette thématique. Cette journée a permis la forte mobilisation de plus de 140 participant.e.s d’horizons très divers pour faire connaissance mais aussi décliner ensemble des axes de travail.
La Région travaille également sur le volet recherche participative. Nous finançons un programme de recherche avec les services de l’enseignement supérieur, programme où société civile et acteurs de la recherche se rencontrent, se questionnent et trouvent des solutions ensemble sur les problématiques rencontrées sur le territoire. Par exemple, une étude est en cours avec l’Université de Rennes sur l’appropriation citoyenne de 3 tiers-lieux.
Forcément, pour que l’économie sociale et solidaire prenne toute sa place, sa promotion reste nécessaire. On est justement en plein Mois de l’ESS, un événement qui a vocation à rendre plus visible l’ESS et son action au grand public grâce à plus de 1500 événements organisés dans les territoires. La Région n’a pas d’actions directes en la matière, ce sont nos acteurs de terrain qui en assurent la promotion. On peut noter la création d’un club des élu.e.s bretons pour l’ESS, qui s’est formé récemment, le Tour de Bretagne de la Finance solidaire, événement soutenu financièrement par la Région.
Enfin, la Région développe des outils pour permettre des aides directes à des projets ESS. Un dispositif d’aides directes a été mis en place en juin 2023, à destination des projets entrepreneuriaux dans le domaine de l’ESS, en complémentarité avec ceux existant déjà sur le territoire, notamment ceux opérés par France Active Bretagne et abondés par la Région et la Banque des Territoires. L’idée est d’être à l’émergence et d’impulser des projets ESS sur le territoire, sous forme de subventions (et non plus sous la forme d’avances remboursables) pour que les projets ne partent pas avec des dettes au démarrage, mais également pour faire effet levier auprès d’autres financeurs.
Comment cette stratégie régionale ESS est-elle co-construite avec les acteurs du territoire ?
Nous avons bien entendu comme partout l’organisation de Conférence Régionale de l’ESS tous les 2 ans. Spécificité régionale, nous avons également un comité régional de pilotage de la SRESS, qui réunit une quarantaine d’acteurs publics et ESS. Deux fois par an, cette instance se réunit et assure le suivi global de la SRESS et donne des impulsions relatives aux priorités. Nous avons également des espaces de pilotage et comités thématiques stratégiques de l’ESS (Accompagnement - Financement / Recherche - Développement - Innovation / Copil thématiques, sur l’économie circulaire, le bien vieillir,...).
L’objectif est de se passer les informations, les actualités et les envies des un.e.s et des autres, les missions, dans le but de pouvoir articuler les choses et travailler en complémentarité.
Je souhaiterais également que la Région ait une action directe envers les collectivités territoriales pour qu’elles puissent avoir accès à de l’ingénierie ESS pour développer des solutions aux besoins rencontrés sur leur territoire. Nous sommes en train de co-construire ce dispositif.
La Région travaille actuellement sur un projet de foncière ESS, en lien avec la Banque des Territoires, France Active Bretagne et l’URSCOP. Une étude de préfiguration de la foncière est en cours.
Comment l’ESS s'inscrit-elle en transversalité avec les autres politiques menées par la Région ?
Nous avons effectivement la volonté d’inscrire l’ESS en transversalité dans tous les secteurs et actions de la Région, ce qui ajoute aussi de la complexité. J’ai la chance en tant qu’élue régionale de faire partie du bureau de l'exécutif, ce qui me permet de voir les collègues toutes les semaines et d’en savoir ce qui va être fait dans chaque politique sectorielle. La transversalité se fait donc en interne, en poussant certaines initiatives et en sensibilisant les collègues à l’ESS. J’ai aussi un super service ESS, au sein du service économique, qui est très bien identifié dans la collectivité.
Comment travaillez-vous en collaboration avec les autres niveaux de collectivités pour soutenir l'ESS (départements / EPCI / communes...)
Au-delà du comité de pilotage de la SRESS, nous avons impulsé avec Emmanuelle Rousset, vice-présidente du Département d’Ille-et-Vilaine, et le soutien du RTES, la création d’un club des élu.e.s bretons engagés pour l’ESS. Cela a permis à des élu.e.s en charge de l’ESS de collectivités, aussi bien de communes que de départements, de se rencontrer et de faire de l’interconnaissance. Ça met de l’huile dans les rouages.
Nous travaillons par ailleurs en collaboration avec les autres niveaux de collectivités dans nos politiques d’aménagement du territoire et de développement économique: par exemple “Bien vivre partout en Bretagne”, dispositif de financement d’équipement, de services ou encore de logement à destination des collectivités territoriales dans lequel une partie de l'enveloppe budgétaire est “facilitée” aux acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Vous avez été élue au Conseil d'administration du RTES. Qu'est ce qui a motivé cette implication ? Quelles sont vos attentes vis-à-vis du réseau ?
Dans le cadre de mon mandat précédent au Département du Morbihan (dans l’opposition), j’ai eu l'occasion de travailler régulièrement avec Emmanuelle Rousset qui m’a vivement conseillé de faire partie du réseau.
Intégrer le conseil d’administration du RTES me permet de voir ce qui se passe et ce qu’il se fait ailleurs en matière d’économie sociale et solidaire. le réseau m’a permis de rencontrer d’autres élu.e.s régionaux que je retrouve dans d’autres réseaux. Les rencontres régulières du RTES nous permettent de nous conforter, de voir ce que nous faisons de bien et ce qu’il faut conserver, ou de trouver des pistes d'amélioration.
Le RTES m’a aussi permis d’aller à la rencontre d’élu.e.s ESS d’autres niveaux de collectivités, ce qui m’a permis d’entendre les préoccupations, de réinterroger nos dispositifs bretons, de prendre de la hauteur.
Cela m’a permis d’avoir accès à des ressources très précieuses, une base de données fiable et reconnue sur lesquelles je m’appuie régulièrement. Enfin, le RTES est un espace de réflexion et de propositions pour porter l’ESS plus loin.