Formation RTES du 7 juin 2010 : Commande publique responsable et circuits courts
Une large participation…
Etaient présentes 47 personnes représentant des collectivités locales, des regroupements d’agriculteurs ou des associations, désireuses de mieux connaître les rouages juridiques permettant de favoriser les circuits courts dans un cadre légal non contestable.
Accueillie par la Région Midi-Pyrénées, cette formation a permis de lancer des pistes communes de travail.
Au delà du cadrage juridique apporté par Guillaume Cantillon et du point de vue dynamique apporté par Pascal Lachaud de la Fédération Régionale de l’Agriculture Biologique, les échanges se sont organisés autour de la question de la structuration de l’offre locale de manière à ce qu’elle puisse répondre à des appels d’offres locaux et régionaux.
Les discussions ont aussi montré l'importance d'une connaissance fine de l’offre locale pour organiser une commande publique adaptée. Cette dernière nécessite au départ un travail de fond complexe, car elle amène bien souvent à constituer plusieurs lots mais une fois mise en place, elle s’avère un outil de développement des territoires très intéressant.
Sur quels critères peut-on s’appuyer ? Au-delà de la référence à des labels existants, pour Guillaume Cantillon comme pour Pascal Lachaud, de nouvelles approches sont possibles, induisant des critères qualitatifs, par exemple sur le traitement des sols et de l’alimentation du bétail qui de fait peuvent privilégier les circuits courts et l’agriculture biologique. Il est aussi possible d’intégrer dans le cahier des charges des interventions de sensibilisation du public (habitants, enfants, lycéens…).
L’ensemble des participants souhaiterait qu’une réflexion régionale soit menée, et pourquoi pas pilotée par la Région Midi-Pyrénées en lien avec d’autres territoires limitrophes ?....
Un groupe de travail possible se profile à l’issue de cette formation auquel pourraient participer diverses collectivités locales (communes, intercommunalités, et département), et diverses associations: Croquez Local en Pays des Nestes, CIVAM 31, ARDIE47, le Groupement des Bios de Midi Pyrénées , Nature et Progrès, Terre de liens Midi-Pyrénées, le Comité de Bassin d’Emploi de Comminges, le lycée Gaston Monnerville de Cahors, Les Jardins de Saint Jacques…
Marie-Christine Pons, Présidente de la Commission Economie Sociale et solidaire a fait part de toute son écoute à ce sujet, qui mérite effectivement une attention particulière. D’après Pascal Lachaud, « il serait judicieux de mettre en place des chantiers exemplaires ».
Des contenus juridiques précis
Guillaume Cantillon a rappelé l'énoncé de l’article 6 de la charte pour l’environnement : « Les politiques publiques doivent promouvoir le développement durable ». L’observatoire économique de l’achat public (développement durable 2005) a entamé une actualisation du guide de la clause sociale au sein de la direction des affaires juridiques de l’économie dans le cadre de la directive Etat exemplaire (Plan administration exemplaire : François Fillon) dans laquelle l'amendement N° 651 relatif à la loi Grenelle 1 du 3 août 2009 fixe l’objectif d’introduire 20 % de produits issus de l’AB dans la restauration collective d’ici 2012. Les circuits courts sont reconnus comme présentant des atouts a exploiter. De même la volonté de réduire la consommation annuelle de viande de 92.5 kg/an à 88 kg/an s’inscrit dans le Plan national d’actions pour des achats publics durables. Le Service des achats publics durables de l’Etat visant une mutualisation des efforts ainsi qu’un système bonus / malus par rapport au développement durable a été créé.
L’article 53 du code des marchés publics voté à l’unanimité stipule le droit de préférence en fonction de critères liés au développement durable.
Toutefois l’article 1 impose le respect de certains principes fondamentaux :
- liberté d’accès
- égalité de traitement
- efficacité
Ceci formule de fait une obligation de résultats en parallèle à l’article 5 qui introduit l’importance de favoriser le développement durable et constitue une obligation de moyens, cela traduit une demande d’effectivité des commandes. En outre un besoin d’efficience des commandes est exprimé en vue de la bonne utilisation des deniers de l’Etat. Enfin la bonne mise en concurrence constitue une garantie d’efficacité.
Une démarche proactive permet de susciter au mieux les réponses aux commandes ce qui semble, compte tenu des témoignages lors de la journée, ne pas être réellement intégré puisque nombre d’appels d’offres réalisés par les personnes présentes sont restés sans réponse.
L’article 6 apporte des spécifications techniques par la référence à des normes ou des exigences de performances environnementales ce qui nécessite l’emploi de référentiels (code de la consommation) apportant des documents techniques ainsi que des moyens de contrôle. A l’heure actuelle ces référentiels peuvent être soit certifiés par la COmmission FRançaise d’ACcréditation (respect de caractéristiques) soit issus d’une autodéclaration, c’est pourquoi une réflexion est menée pour que tous les acteurs soient demain obligatoirement certifiés par la COFRAC. De plus Guillaume Cantillon propose une clause type r pour que tous les acteurs respectent l’article L641-13 du code rural qui définit comme incontournable le cahier des charges européen pour la garantie des produits biologiques.
Certains éco-labels tels que NF Environnement ou des labels européens ont introduit un outil d’analyse de cycle de vie (ACV) qui permet l’évaluation des impacts environnementaux depuis la production des matières premières jusqu’au recyclage d’un produit fini ou de ses emballages en passant par les éventuelles étapes de sa fabrication. Il est très important de ne pas s’enfermer dans un label, notamment le label AB, qui n’est pas le seul utilisable. D'autres sont parfois plus ambitieux (par exemple les labels Bio Cohérence ou Nature et Progrès...).
Une notion d’équivalence des offres établies par le décret N° 2009-193 du 18/02/09 permet d’obtenir un marché avec un écart de prix de 10 % par rapport à la meilleure offre.
Il est important de souligner que des projets organisés autour de l’approvisionnement des restaurations collectives et bénéficiant du soutien de collectivités, y compris sous forme de subventions directes, peuvent répondre à des appels d'offres sans restriction.
La gestion de la commande publique n’est pas un simple acte administratif
Pour Pascal Lachaud, de la FRAB Midi-Pyrénées, l’acheteur public définit ses besoins. La commande publique représente une force économique énorme (10% du PIB en Europe). Elle impacte l’organisation des marchés de production, les entreprises, l’environnement, le transport, les conditions de travail. C’est pourquoi la gestion de la commande publique n’est pas un simple acte administratif. Elle confère aux décideurs publics une responsabilité particulière et exige une vision de l’impact économique et social produit. L’évolution de la législation permet aujourd’hui aux acheteurs et maîtres d’ouvrages publics de prendre en compte la dimension du développement durable et d’agir sur l’impact produit en matière social et environnemental. Pascal Lachaud a présenté différentes approches méthodologiques pour permettre aux collectivités d’aller vers du plus durable. Il a également rappelé l'existence de l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 qui vise à la souveraineté alimentaire.
Label Bio Cohérence, vers une démarche de progrès
Aujourd’hui, la FNAB et les paysans bio de France vont plus loin en créant une marque privée Bio Cohérence . Il s’agit d’une démarche de progrès incluant une évolution du ou des systèmes, la signature d’une charte entre les adhérents et la marque, un auto diagnostic de l’exploitation allant vers des évolutions, un cahier des charges de la marque très qualitatif, aucune contamination OGM. Plusieurs collèges ont été créés afin de permettre de partager les problématiques : les producteurs, les transformateurs, les distributeurs. Les collectivités peuvent adhérer comme membre bienfaiteur.
Expériences et témoignages
-Communauté de Commune du Séronnais (Ariège) : en partenariat avec le CIVAM régional est organisé la livraison de 300 repas / j, dont 2 repas bio / semaine, ce qui a entraîné l’embauche d’un cuisinier gestionnaire. Les achats sont réalisés sur le modèle des marchés à procédure adaptée (MAPA).
-Mairie de Labège (31): 230 repas bio / semaine, la démarche s’inscrit dans un plan communale de développement durable (PCDD). A cet effet un groupe de pilotage s’est constitué.
-Mairie de Pamiers (09) : 700 rationnaires / j (62 lots). La mairie dispose d’un conseil municipal dynamique ainsi que d’un cuisinier motivé pour que chaque repas contienne des produits biologiques. Un cahier des clauses administratives particulières (CCAP) fixe des objectifs supérieurs (association des enfants, réflexion sur les emballages et sur les distances de livraison). Le choix d’allotir les commandes (par produit) et d'augmenter le délai de réponses (légalement 40 j) a permis de faciliter la réponse au appels d’offre (62 lots). La Chambre d’agriculture de l’Ariège participe au cours des appels d’offre, une aide à la préparation des dossiers de candidature est fournie.
-Catherine Valverde (Conseil Régional):
- Prise en charge de la tarification des repas
- Recrutement / formation des agents
- Réglementation (Plan de maîtrise sanitaire)
- Qualité nutritionnelle
La Région gère 110 établissements (services allant de 160 à 2500 repas midi), la cuisine centrale régionale livre 14.500 repas midi. 1100 personnes sont employées à cet effet.
Une réflexion est menée sur la demande des bénéficiaires des repas à pouvoir vivre ce temps de coupure dans des conditions favorables au repos. De plus 49 établissements privés sont associés pour un total donc de 159 établissements, ce qui engendre 20 millions d’euros de dépenses pour 115.000 repas par jour.
La volonté de développer l’offre de proximité est clairement exprimée au sein des instances décisionnaires sachant tout de même que la Région ne passe pas de commande publique pour les lycées mais que ce sont ces derniers qui traitent directement avec les fournisseurs. Toutefois IRQUALIM propose une plateforme de fournisseurs consultable sur internet.
-Communauté d’agglomération de Pau :
En 2003 a été créée la mission de développement durable qui possède une charte et s’inscrit dans un Agenda 21 local (sept 09). En découle le Service Achats qui propose un guide.
Sont livrés 7000 repas / jour, 80 lots sont préparés par une cuisine centrale à destination des écoles, maisons de retraite et crèches. Les producteurs ont refusé jusqu’à présent de se structurer. La cuisine ne dispose pas de légumerie ce qui a amené à mettre en place une subvention pour la création d’une légumerie directement sur le lieu de production.
La Chambre d’Agriculture d’Ariège et le CIVAM prodiguent une aide pour la mise en relation avec les producteurs bio ou conventionnels (Annuaire du commerce équitable). Des parcelles solidaires ont été mises en place par la Communauté d’Agglomération à destination des citoyens, des écoles (éducation à l’environnement) et de la cuisine centrale.
Une ferme est en cours de rénovation avec le soutien de l’association Slow Food en vue de dispenser une formation d’éducation à l’hygiène alimentaire.
Enfin il existe aussi une couveuse agricole pour l’accompagnement à l’installation de nouveaux producteurs en partenariat avec l’association Terre de Liens.
-Association Terre de Liens (Fabrice Ruffier):
Fabrice Ruffier a rappelé le contexte qui invite à une mobilisation de l’ensemble des parties prenantes :
- L’équivalent en terres arables d’un département disparaît tous les dix ans.
- Dans les années 1980, la Ville de Toulouse comptait 1200 maraîchers contre 120 aujourd’hui.
- 870.000 emplois agricoles en 2009 contre 6.2 millions en 1955.
L’association fonctionne en vendant des parts de 100 euros à qui veut soutenir des projets agricoles durables, ce qui représente 13 millions d’euros et soixante fermes aidées en 4 ans.
Il est important de :
- veiller à ce que la rédaction des documents conditionne les projets de telle sorte que leur impact sur le foncier soit le plus faible possible,
- s’impliquer en tant que collectivité locale dans les SAFER (en charge officielle de l’aménagement et du développement de l’espace rural),
- soutenir la dizaine de communes se situant dans l’agglomération de Toulouse qui se disent prêtes à mettre des terres à disposition de projets durables (ex : couveuse),
- prendre davantage en compte la problématique de l’habitat dans le soutien aux projets d’installation.