Jeunes et initiatives économiques solidaires : une journée vivifiante
La journée du 21 janvier 2010 a permis de présenter un point d'étape de l'étude menée par le RTES "Jeunes et initiatives économiques solidaires" et confiée à Développements et Humanisme. Ce fut aussi l'occasion de belles rencontres avec de jeunes entrepreneurs, femmes et hommes porteurs de réalisations à dimension économique qui contribuent, concrètement et sur le plan des idées, à faire vivre une société un peu plus responsable et un peu plus solidaire. Retour sur une journée passionnante associant témoignages et mises en perspective.
Des résultats significatifs
Jean-François Draperi, Directeur du CNAM-CESTES, a souligné en introduction la convergence entre les valeurs portées par les jeunes et celles de l'ESS: solidarité, droits des personnes, hypersensibilité aux inégalités et aux injustices, quête de sens. Mais comment se placer dans une logique de développement global, et pas seulement de développement économique ou personnel? Ces problématiques sont mieux connues aujourd'hui dans les pays du Sud: avant la mise en place d'initiatives économiques, il y a d'abord des groupes de réflexion collectifs. Ou, comme le soulignait Charles Gide, avant les coopératives, il y avait les Universités Populaires.
Car le risque aujourd'hui est que les bénéficiaires des actions deviennent les objets d'un "business", fut-il "social".
La seule solution: que les pauvres aient aussi un pouvoir politique sur l'action. Sinon, la thématique de l'émancipation ne concernera que quelques uns. Car il faut rappeler que la finalité de l'ESS, c'est bien celle de l'émancipation collective.
Vincent Berthet, de Développements et Humanisme, quelques caractéristiques et points forts des initiatives peuvent déjà être relevés: la diversité des domaines d'activité, et le croisement sur plusieurs de ces domaines (ex. alimentation / culture; productions / éducation,..) avec des montages qui peuvent être tout à fait innovants; des "déclics de départ" des initiatives différents, mais une attention portée dès le départ autant sur le "quoi" (ce que l'on veut produire comme bien ou service, ainsi que le processus de production) que sur le "comment" (tout ce qui concerne une organisation innovante de la répartition du travail et du pouvoir dans l'activité créée). Le profil des porteurs peut être qualifié de "mutants assez libres". D’une manière générale, la façon dont les porteurs définissent leurs projets, les statuts et modes de régulation adoptés, leurs pratiques de relations avec des organisations partenaires et leur positionnement personnel, sont en convergence étroite. Ces initiatives se veulent en mouvement. Cette mobilité, cette flexibilité assumée des projets, pratiques et identités ne tiennent pas, dans l’ensemble, à une absence de maturité liée à la jeunesse des porteurs et à celle de leurs projets ; elles sont à mettre plutôt en rapport à la fois avec une conscience de la fragilité de leurs réalisations, de la complexité des enjeux sur lesquels ils veulent avoir prise, et d’une affirmation-revendication de liberté et d’autonomie.
Témoignages
Marie-Carmen Serrano de l’Atelier, a expliqué la démarche d’un groupe de néo-ruraux venus de Paris qui il y a 6 ans. Ils ont entrepris, au départ sans « lâcher leurs boulots », de créer un lieu vivant qui rassemble aujourd’hui des bénévoles, des artistes, des artisans. Quatorze salariés, représentant dix emplois équivalent temps plein, qui ont su apprendre différents métiers au fil des projets: un bar-boutique, des spectacles, des animations gratuites et même des formations aujourd’hui…
La Scop services 76, société de services de soins à domicile est née de la volonté d’une mère et d’une fille : « On a été employées avant d’employer ». Elise Atman, 27 ans raconte : la volonté de faire autrement, la reconnaissance difficile à obtenir au départ, le travail de proximité, la formation des 83 salariés actuels pour améliorer le quotidien des patients, le souci constant d’une bonne gouvernance, l’indépendance économique de la structure, les projets à venir.
Pour Manuel, Zim Zam, association de cirque adapté, répond à une problématique sociale, la question du handicap. L'association n'aurait pu voir le jour sans le soutien de la structure Intermaide à Marseille, qui a permis d'accompagner la gestation du projet. Le paradoxe du statut associatif est souligné: ceux qui ont créé l'association (statut choisi par nécessité, car l'activité dépend des financements publics) en sont aujourd'hui les salariés.
Guillaume Hermitte, fondateur de Choc Ethic et Puerto Cacao (une SARL et une entreprise d’insertion) a un parcours encore aujourd'hui un peu atypique: une grande école de commerce puis le choix délibéré d’une passion chocolatée qui s’exprime d'abord dans un bar parisien et il l’espère, bientôt en province. Avec un budget serré au départ, le projet rémunère sobrement son créateur. Puerto Caco, qui est aussi un lieu de rencontre des acteurs de l’ESS, a pour cette journée rédigé une lettre collective comportant onze propositions pour développer l’économie solidaire. Un acte qui montre la mobilisation réactive d’une jeune structure !
Quels outils pour quels projets ?
Madame Marseille, excuse Martin Hirsch, Haut Commissaire aux Solidarités Actives, retenu à Madrid par le lancement de l'année européenne de la lutte contre la pauvreté. Mme Marseille a souligné l’intérêt du gouvernement pour l’économie sociale et solidaire. Des propositions relatives à l’insertion par l’activité économique, aux achats socialement responsables, sont en cours d'étude. Un service civique sera proposé d'ici fin avril. L’Etat soutient et promeut l’entrepreunariat social (programme Envie d’Agir , chaire HEC "entreprises et pauvreté",..) notamment en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Le Club régional de partenaires lorrains représenté par Thierry Roos, Direction Régionale Jeunesse et Sport, Thomas Scuderi, adjoint au Maire de Metz et Jean-Michel Mathieu, Délégué de la Fondation Batigère ont témoigné de la force du partenariat. Leur réseau s’est engagé sur une charte de valeurs communes et a su mobiliser pour les initiatives solidaires portées par les jeunes des financements compris entre 15 et 20 000 €.
Cap Berriat est une pépinière de projets qui rassemble à Grenoble 125 associations dont 45 sur site. Un travail d’émancipation politique et d’intelligence territoriale, confirment Jean-François Miralles, praticien de terrain et Olivier Gratacap, sociologue ! Pour favoriser l’émergence de projets, ils défendent des approches alternatives, par exemple, le canapé TV, happening instantané au cœur des quartiers, un outil d’animation, de rencontres avec les jeunes. Comment susciter l’envie de faire, de créer et comment sortir du processus de victimisation ? Il faut savoir entrer dans les quartiers, connaître les pratiques des habitants pour traiter de la question de la création d’entreprise, là où l’emploi se fait rare. Cap Berriat , qui participe à une étude nationale menée par l’INJEP sur cette thématique, en appelle à un travail d’intuition, de veille.
Henri Arevalo et Christiane Bouchart, respectivement trésorier et présidente du RTES, ont conclu (provisoirement) les travaux en saluant notamment les capacités d'innovation démontrées par les témoignages, et la nécessité pour les politiques de renforcer leur soutien à la fois à l'ESS et aux jeunes.
Une journée qui a mis "du soleil dans la tête" pour reprendre l'expression d'Edith Lévy de la Fondation Macif, et dont le compte-rendu complet sera bientôt en ligne.
Retrouvez ici toutes les photos de la journée.