Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

L'entrepreneuriat informel en Europe et en France - conférence en ligne mars 2022

Cette rencontre, co-organisée par l'ANCT, l'ONPV, le RNCRPV et le RTES1 était l’occasion de partager et mettre en débat les résultats de la Synthèse sur l’entrepreneuriat informel en Europe (OCDE, 2015). Cette publication fournit des éléments clés de caractérisation des économies informelles et de l'entrepreneuriat informel en Europe et en France et porte un éclairage synthétique sur les différents types de mesures mises en œuvre dans différents pays européens. 

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Ampleur, facteurs explicatifs et effets de l’économie informelle en Europe et en France

Jon Potter, économiste, chef de l'unité Politiques de l'entrepreneuriat et analyse au sein du Centre pour l'entreprenariat, les PMEs, les régions et les villes (CFE) de l'OCDE, a fourni quelques repères pour saisir l’ampleur, les facteurs explicatifs et les effets de l’économie informelle en Europe et en France.

Ainsi, entre 2012 et 2021, on estime que les économies informelles représentent en moyenne 18% du PIB des pays de l'Union Européenne (11% en France). Malgré un léger accroissement pendant la crise sanitaire entre 2019 et 2021, la tendance est à la contraction. Les travailleurs indépendants qui ne déclarent pas leurs activités sont un peu plus de 13 millions, soit près de 3,5% de la population active des pays européens. 

Les pratiques entrepreneuriales informelles sont surreprésentées dans les pays de l’est et du sud de l’Europe, par rapport aux pays de l’ouest et du nord. Dans les pays de l’est et du sud, elles sont davantage le fait du travail salarié au sein de petites et moyennes entreprises, que d’activités indépendantes, contrairement aux pays du nord et de l’ouest. 

Plusieurs facteurs économiques et démographiques entrent en jeu (conditions macro-économiques, du marché du travail, structure de l’économie, dynamiques migratoires), ainsi que des facteurs institutionnels (taux d’imposition, réglementations commerciales, systèmes de sécurité sociale, politiques de dissuasion et morale fiscale de la population). 

Pour l’OCDE, l’entrepreneuriat informel porte plus de désavantages que d’avantages, que ce soit pour les entrepreneurs, pour les consommateurs et les gouvernements. Aussi, les stratégies publiques se donnent pour horizon la formalisation des activités, motivées par la recherche d’une amélioration des conditions d’exercice (sécurité sociale, accès au crédit et aux programmes d’aides publiques et privés, sécurité de l’emploi et du travail) et de la qualité des biens et services échangés.

Stratégies publiques d’intervention et d’accompagnement de l’entrepreneuriat informel

David Halabinsky, économiste, chargé de projet au sein de l'unité Politiques de l'entrepreneuriat et analyse au sein du Centre pour l'entreprenariat, les PMEs, les régions et les villes (CFE) de l'OCDE, a dressé un panorama des stratégies publiques d’intervention et d’accompagnement de l’entrepreneuriat informel à partir d’un recueil de mesures prises par différents pays européens. 

Les stratégies d'accompagnement à la formalisation recensées dans l'Union européenne prennent le plus souvent appui sur des mesures de dissuasion, d'incitation ou de persuasion. Les mesures de dissuasion et d'incitation supposent que les entrepreneurs sont des acteurs rationnels qui se tournent vers l’économie informelle lorsqu’ils estiment que ses avantages sont plus importants que les coûts qui y sont associés. Ces mesures, cherchent à modifier le ratio coûts-avantages en augmentant la probabilité d’être détecté et le coût des sanctions (dissuasion) ou en renforçant les avantages liés au travail dans le secteur formel (incitation). Les mesures de persuasion s’éloignent de cette logique de ratio coûts-avantages pour favoriser un changement des comportements par l’amélioration de la relation entre l’État et les entrepreneurs, elles cherchent à "gagner coeurs et esprits" en faisant la promotion d'une culture de "mise en conformité".

En prenant appui sur le recueil d’expériences dressé par l'OCDE en 2015, Chloé Sécher, chargée de mission au sein du RTES et responsable du chantier de travail sur l’ESS et les économies informelles, et David Mateos Escobar, chargé de mission au sein de Cité Ressources et membre du Club DévÉco du RNCRPV, ont dressé un panorama de différents types de mesures déployées en France pour accompagner les pratiques économiques de subsistance. Ce faisant, ils ont rappelé que des mesures de dissuasion (sanctions, lutte contre la fraude), d'incitation (réductions ciblées d'impôts, ponts sociaux et primes à l'immatriculation) et de persuasion (statut d'autoentrepreneur, loi d’expérimentation TZCLD, accompagnement à la formalisation, recherches-action) sont mises en œuvre en France. Alors que certaines de ces mesures existent depuis longtemps, d'autres sont plus récentes, voire expérimentales, et méritent d'être connues. Par ce travail de recensement sommaire et non-exhaustif, le RTES et le RNCRPV proposent une première version d'un référentiel d'action qui pourra être enrichi progressivement par vos contributions (voir plus bas).

Outils d'incitation et de persuasion à la formalisation de pratiques informelles par ou vers l'ESS et leviers d'action des collectivités locales

Dans son étude "L'entrepreneuriat informel en Europe" (2015), l'OCDE a établi une typologie des différentes mesures prises par les gouvernements face à l'entrepreneuriat informel. L'OCDE distingue les mesures de dissuasion, les mesures d’incitation et les mesures de persuasion à disposition des gouvernements (nationaux et locaux) de l’UE afin de formaliser l’entrepreneuriat informel.

En complément des mesures de dissuasion comme l'interdiction de la vente à la sauvette (avec exceptions à l'occasion de vides-greniers, le 1er mai, etc.) ou de persuasion telle la loi de 2009 instaurant le statut d'autoentrepreneur ou le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, le tableau ci-dessous recense quelques outils français d'incitation et de persuasion pour la formalisation de pratiques informelles par ou vers l'économie sociale et solidaire et met en évidence les leviers dont disposent les collectivités pour soutenir ces différents outils. 

Outils formalisation ESS

 

1 : En 2021 et 2022, l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) dont le secrétariat est assuré au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES) et le Réseau national des Centres de ressources politique de la ville (RNCRPV), s’associent pour contribuer aux réflexions et actions autour de l’accompagnement de pratiques économiques de subsistance en France et notamment dans les quartiers prioritaires.

Dans son rapport 2020, Vulnérabilités et ressources dans les quartiers prioritaires (juillet 2021), l’ONPV a mit en avant le continuum formé par le travail formel et informel dans les quartiers populaires à travers une revue de littérature (Romain Leclercq, 2021, p.96-113) qui présente différentes approches pour saisir les ressources informelles mobilisées par les habitants des quartiers populaires. Au printemps 2021 le RTES, avec le soutien de l’ANCT, a lancé un chantier de travail de deux ans consacré à l’économie sociale et solidaire et l'économie informelle qui rassemble une quinzaine de collectivités territoriales volontaires autour de ce sujet. Ces travaux, comme ceux du Club DévÉco du RNCRPV, explorent les enjeux de l’observation et de l’accompagnement des pratiques économiques de subsistance dans les quartiers politique de la ville en prenant appui sur des expériences locales. Il s’agit ainsi de situer l’action publique au bon niveau, de valoriser des expériences et de stabiliser progressivement un référentiel d’action publique.