L'ESS, une économie qui défriche les champs économiques nouveaux et innovants - Entretien avec Eric Oternaud, Région Bourgogne-Franche-Comté
Après avoir longtemps travaillé dans le domaine industriel (notamment dans l’automobile et l’horlogerie), Eric Oternaud est depuis 2021 élu au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. En tant que conseiller régional délégué à la conversion écologique de l’économie, aux emplois verts et à l'économie sociale et solidaire (ESS) et membre du conseil d'administration du RTES, il revient pour nous sur les principaux axes de développement de l’ESS dans la politique régionale.
Dans le cadre de mes attributions, j’ai aujourd’hui deux missions essentielles :
- promouvoir et développer l’économie sociale et solidaire en Bourgogne-Franche-Comté,
- engager la conversion écologique de l’économie, c’est-à-dire la transformation nécessaire des filières, en particulier des filières industrielles et notamment la filière automobile qui est une activité très présente dans le nord de la Franche-Comté.
Quels sont les principaux axes de développement de l'ESS dans votre politique ?
Notre région, comme beaucoup d’autres, est issue de la fusion de deux anciennes régions : la Bourgogne et la Franche-Comté. La politique ESS actuelle a poursuivi les dynamiques ESS de ces deux anciennes régions. En 2021, la Région a inscrit l’économie sociale et solidaire dans son Schéma Régional de Développement Economique, d'Innovation et d'Internationalisation (SRDEII), faisant de l’ESS un pilier de son action économique.
On ne fait pas une politique tout seul dans son coin. Pour cela, notre politique ESS se construit en lien avec les acteurs locaux, et notamment avec la Chambre Régionale de l’ESS (CRESS) Bourgogne-Franche-Comté et toutes les intercommunalités pour recenser avec elles les besoins non pourvus présents sur le territoire, pour soutenir l’insertion par l’activité économique (IAE) et le développement et l’innovation dans l’ESS. Concrètement, cela se caractérise par un soutien aux têtes de réseaux (CRESS, chantier école, pôles ressources, et fédération d’entreprises d’insertion) et une aide à l’accompagnement des porteurs de projets ESS.
Une particularité de la Bourgogne-Franche-Comté est d’avoir mis en place un Service d’Intérêt Économique Général (SIEG) pour développer et promouvoir l’ESS dans les départements. Générateur BFC est financé par ce SIEG, et se compose de 6 acteurs qui relaient l’action régionale dans les départements. Ce dispositif a pour mission d’aller auprès des Communautés de Communes pour identifier les besoins non pourvus et y répondre grâce à l'ESS, une économie qui défriche les champs économiques nouveaux et innovants, là où l'économie dite “classique” ne s’implique pas ou ne souhaite pas s’engager. Ce dispositif favorise la création d’une économie de proximité pérenne à partir de ressources à valoriser et de besoins non pourvus dans les territoires. Parmi ces 6 acteurs, on retrouve Active Pôle de l'Economie Solidaire, Clus’Ter Jura, Fédération Départementale des Foyers Ruraux de l’Yonne, France Active Franche-Comté, France Active Bourgogne et le Pôle d’Economie Solidaire 21. Le dispositif Générateur BFC est financé par la Région, l'ADEME et la Banque des Territoires, et soutenu par la Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL) et la Direction Régionale de l'Alimentation de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF).
La Région Bourgogne-Franche-Comté est une région très industrielle (17% de l’emploi), agricole et rurale. Elle a besoin de l’économie sociale et solidaire pour répondre aux besoins non pourvus sur le territoire. Pour cela, elle doit s'appuyer sur ces acteurs pour essaimer l’ESS et la développer.
Enfin, comme toutes les régions, on peut mobiliser plusieurs leviers financiers pour venir en soutien aux acteurs de l’ESS, avec notamment des subventions à l’investissement pour des projets ESS ou encore des avances remboursables. On peut aussi venir en soutien à certains projets ESS de manière un peu plus ponctuelle (c’est le cas par exemple pour Territoire Zéro Chômeur Longue Durée).
Comment cette stratégie régionale ESS est-elle co-construite avec les acteurs du territoire ?
Conformément à la loi ESS de 2014, la Région organise tous les deux ans une conférence régionale de l’ESS. L’objectif est de recueillir à travers les visites, les témoignages et les différents temps d’échanges, toutes les propositions des acteurs de l’ESS pour le développement de cette dernière. Ces propositions sont synthétisées sous la forme d’une journée de conférence co-organisée avec l’Etat (DREETS), la Banque des territoires et la CRESS BFC.
La stratégie régionale ESS s’incarne également à travers son dispositif Générateur BFC comme évoqué plus tôt.
Enfin, la Région peut s’appuyer sur le dispositif Tremplin SCOP/SCIC (en lien avec l’URSCOP), une aide au développement économique et à la vie des entreprises pour faciliter la création ou la reprise d’entreprise sous forme de Société coopérative et participative (SCOP) ou de Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) ou sous forme de SCOP d’amorçage. Ce dispositif permet d’apporter une réponse alternative et complémentaire à la création et reprise d’entreprise en soutenant les salarié.e.s coopérateurs, tout en maintenant et en développant l’emploi et l’activité localement.
Comment l’ESS s'inscrit-elle en transversalité avec les autres politiques menées par la Région ?
Les projets de l’économie sociale et solidaire sont souvent des projets hybrides. Par exemple, je reviens d’une visite ce matin d’une super structure qui s’appelle la Marmite solidaire, une association qui a reçu le Prix régional de l’ESS en 2023. Sa mission est de collecter tous les fruits et légumes non consommés par les banques alimentaires et les supermarchés, pour les transformer en repas (sous forme de bocaux), soit à destination des personnes les plus démunies, soit destinés à une activité traiteur ou pour une commercialisation en circuit-court. Ici, ce projet ESS s’intègre dans plusieurs politiques régionales sur la formation, l’économie circulaire et l’agriculture. On retrouve cette transversalité de l’ESS sur de nombreuses filières industrielles présentes sur notre territoire. L’ESS bouleverse la notion de “filière” et renverse les paradigmes traditionnels.
Comment travaillez-vous en collaboration avec les autres niveaux de collectivités pour soutenir l'ESS ?
Comme évoqué plus tôt, le dispositif Générateur BFC fait le lien entre la Région et les intercommunalités du territoire pour essaimer et développer l’économie sociale et solidaire. Aussi, la Région vient en soutien aux intercommunalités sollicités par les entreprises de l'ESS qui font une demande de subvention d'investissement pour un projet immobilier. La Région vient abonder la subvention allouée (1 € Communauté de communes pour 10 € Région, 1 € Communauté d’agglomération pour 5 € Région et 1 € Communauté urbaine et métropole pour 1 € Région). Plus d'informations sur cette aide en cliquant ici
Enfin, sur ses relations avec l’Europe autour de l’ESS, la Région souhaiterait initier plus de liens avec la Banque européenne d'investissement et notamment autour du fonds européen d’investissement car je pense qu’il y a des projets à co-construire sur l’ESS.
Vous avez été élu au Conseil d'administration du RTES en 2022. Qu'est ce qui a motivé cette implication et quelles sont vos attentes vis-à-vis du réseau ?
Je trouve que le RTES est une aide et un véritable support pour les élu.e.s en charge de l’ESS, un apport méthodologique pour les élu.e.s communaux, intercommunaux et régionaux qu’on ne retrouve pas ailleurs.
Aujourd’hui, si j’avais une demande vis-à-vis du RTES, ce serait d’avoir une publication sur l’Europe, et notamment sur la possibilité des Régions et des différents niveaux de collectivités de travailler avec l'Europe et bénéficier des fonds européens (NDLR : c’est tout l’objet de la prochaine publication du RTES sur la place de l’ESS et de l’innovation sociale dans les programmes FEDER / FTJ / FSE+ des Régions françaises).