"La réponse aux transitions écologiques et sociales réside dans l’ESS et les territoires" - Isabelle Hardy, VP au département de Haute-Garonne
Isabelle Hardy, vice-présidente au département de Haute-Garonne en charge du desserrement (le développement économique doit profiter à l'ensemble du territoire et non pas uniquement aux métropoles) et de la diversification économique, de l'ESS et de l'emploi local, revient pour nous sur les actions du département en matière de développement de l'ESS, sur son travail en lien avec les autres niveaux de collectivités et sur les rencontres départementales de l'ESS.
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Quel est le rôle selon vous d'un département en matière de soutien à l'ESS ?
Le département de la Haute-Garonne porte des ambitions fortes en matière d’économie sociale et solidaire, ce qui peut paraître paradoxal car depuis la loi NOTRe, les départements n’ont plus la compétence économique. Pour autant, on peut parfaitement agir pour le développement de l’ESS dans le cadre de la solidarité territoriale et de l'aménagement du territoire. C’est un enjeu majeur pour le département, dans un contexte de crise économique, sociale et écologique qui remet en cause le modèle de développement économique prédominant encore aujourd’hui. Les entreprises et acteurs de l'innovation sociale, ont dans leur ADN cette volonté de créer des activités plus vertueuses, respectueuses de l’environnement et avec des rapports au profit et des modes de gouvernance différents. Ici, le Département a la compétence mais aussi la responsabilité en termes d’aménagement du territoire de soutenir le développement de l’ESS, notamment dans les zones rurales et péri-urbaines. Car la réponse aux transitions écologiques et sociales réside dans l’ESS et dans les territoires.
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Comment travaillez-vous avec les autres niveaux de collectivités ?
Je crois que la coopération, la co-construction et la transversalité font partie de l’ADN de l’ESS. Cela oblige donc les collectivités, qui n’ont parfois pas l’habitude de travailler entre elles, d’avoir des liens particuliers sur ces thématiques. On le voit sur un territoire comme la Haute-Garonne : entre le Département, la Région, la Métropole mais aussi les différentes EPCI et communes, chaque collectivité a des compétences qui lui sont propres, et pourtant, chacune trouve sa place, en complémentarité. Mais nous sommes aussi dans la nécessité d’être dans une logique collective, avec la prise en compte des besoins exprimés par les habitant.e.s sur les territoires pour construire des dynamiques économiques et sociales avec les acteurs de terrain.
Pour illustrer cette coopération, on a en Haute-Garonne une Maison de l'innovation sociale, Atelier 31 à Ramonville, que nous sommes en train de faire évoluer en travaillant main dans la main avec l'intercommunalité concernée, le SICOVAL, pour trouver des complémentarités avec ses projets.
Le Département s’est également donné pour mission d’accompagner les communes et les EPCI qui souhaitent porter des projets ESS, dans le cadre des contrats de territoires. Car ce sont les territoires qui sont des lieux de création de valeur partagée et de solutions innovantes pour relever les grands défis sociétaux comme l’emploi mais aussi répondre à l’urgence climatique.
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Quels sont les axes prioritaires à développer pour soutenir l’ESS ?
Nous allons particulièrement développer la transversalité pour irriguer toutes les politiques publiques du Département. J’ai en charge la délégation ESS, mais d’autres élu.e.s portent également des projets liés à l’ESS. Je pense à la commande publique bien sûr, avec un travail particulier sur le SPASER (schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables), mais aussi à l'habitat, au social, au handicap ou encore à l’insertion. C’est essentiel d’avoir ces regards croisés et de porter de façon collective ces projets.
Le deuxième axe développé par le Département est le soutien à l’émergence de projets. Nous avons un fonds d’innovation sociale qui existe depuis 2021 et qui permet de soutenir des projets en création dans tous les secteurs d’activité. Ce fonds est abondé à hauteur de 200 000 euros par an, et permet à chaque projet d’être aidé à hauteur de 15 000 euros maximum. Parmi les projets soutenus, on peut citer « Café & co », un tiers lieu inclusif géré par des bénévoles en situation de handicap, « Bien Commun », une foncière solidaire au service des territoires péri-urbains et de leurs habitant.e.s, ou encore « La Rafistolerie », une ressourcerie implantée à Castanet Tolosan.
Aujourd’hui, nous soutenons de nombreux projets sur la métropole. L’objectif, c’est de soutenir des projets sur l’ensemble du territoire, des territoires où il y a de l’innovation sociale, de la créativité. Pour cela, on s’appuie sur les tiers-lieux. Une trentaine d’entre eux sont soutenus par le Département (hors-métropole), en investissement ou en fonctionnement. On travaille aujourd‘hui la mise en réseau de ces tiers-lieux, toujours dans cette optique de coopération, de fertilisation croisée, d’échanges d’expériences et de bonnes pratiques. Ce sont de véritables lieux de vie et d'innovation sociale sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour faire émerger des projets.
Nous sommes ainsi en train de revoir toutes nos conventions de partenariat avec les têtes de réseaux, notamment la CRESS, pour passer d'une logique de soutien à une logique de projet, de co-construction.
Le Département souhaite donner du sens de l’ESS à travers le développement local. Nous souhaitons soutenir une diversification des filières avec des activités répondant à la fois à l’urgence climatique, sociale et à la lutte contre les inégalités territoriales, en lien avec l’ESS, et dans un Département où l’aéronautique prend une très grande place.
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Le Département a récemment organisé la 2ème édition des Rencontres départementales de l'ESS en Haute-Garonne. Que retenez-vous de ces rencontres ?
L’objectif de cette 2ème édition était de donner à voir aux élu.e.s et aux agents des collectivités territoriales comment et pourquoi, concrètement, il est important d'engager des transitions sur les territoires, et notamment à destination des communes et EPCI. Des regards croisés entre élu.e.s et porteurs de projets ont permis de voir comment des projets d’initiatives solidaires répondent à des problématiques sociales, environnementales et territoriales, et comment les faire matcher avec nos politiques publiques. Cette rencontre a permis d’ouvrir et de faire dialoguer élu.e.s et porteurs de projets, avec notamment la présence de plusieurs structures, comme Café & co, La Rafistolerie ou encore Pousse aux abris qui travaille sur la revégétalisation et la création de jardins participatifs. Nous avons aussi montré les liens concrets avec la commande publique, un des principaux leviers pour notre département avec un budget de 1.8 milliard d’euros pour la Haute-Garonne. On a déjà une charte de la commande publique qui existe avec pour objectif de favoriser l’accès aux entreprises du département (72% du marché avec des acteurs locaux). On va bientôt passer un cap supplémentaire avec l’adoption d’un SPASER. Enfin, des élu.e.s de petites communes ont partagé leur projet de transition sur leur territoire. Rien de mieux que l'exemple pour illustrer les discours. Ces rencontres annuelles sont organisées dans le cadre du Mois de l’ESS, et nous sommes déjà en train d’organiser les prochaines, la 3ème édition des rencontres, peut-être en deux temps avec un temps délocalisé.
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Vous avez récemment intégré le conseil d’administration du RTES en tant que membre associé. Pourquoi ? Quelles sont vos attentes ?
Je souhaite participer à enrichir les problématiques qui sont travaillées par le réseau car je trouve important de s’engager. On profite toutes et tous de ce centre de ressources formidable qu’est le RTES. Quand on est élu.e, on est souvent “la tête dans le guidon”. C’est une chance de pouvoir accéder aux multiples rencontres proposées par le réseau, pour prendre du recul, s’enrichir et nourrir ses politiques. La richesse du RTES, c’est la diversité de ses membres, avec des collectivités de toute taille et élu.e.s de sensibilités politiques différentes, mais également la diversité des thématiques abordées. C’est pour cela que j'ai envie de donner de mon temps au réseau en m’investissant notamment dans le groupe de travail sur l’éco-conditionnalité des aides publiques.