« La Ville de Bordeaux entre dans une logique de co-porteur de projet » - Entretien avec Stéphane Pfeiffer
Stéphane Pfeiffer est adjoint au maire de Bordeaux, chargé de l’emploi, de l’ESS et des formes économiques innovantes. Il nous présente les grands axes de son action pour le développement de l’ESS à Bordeaux et souligne l’intérêt des SCIC. Il revient aussi pour nous sur le lancement du Club des collectivités pour l’ESS en Nouvelle-Aquitaine et sur ses attentes vis-à-vis du RTES.
Quels sont les grands axes de votre action pour le développement de l'ESS à Bordeaux ?
Nous développons notre action autour de trois grands axes principaux :
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Nous souhaitons remettre l’ESS au coeur du développement économique, et non pas seulement la cantonner au fait social et solidaire. Jusqu’à présent, l’ESS était pilotée au sein de la direction du développement social et urbain, et donc très orientée autour de la cohésion sociale et des quartiers en politique de la ville.
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Nous voulons renforcer la coopération et la structuration de filières économiques en lien avec les acteurs de l’ESS, par exemple dans la filière des déchets organiques ou de la cyclo-logistique. Nous avons actuellement beaucoup d’acteurs qui existent dans certaines filières mais qui ne se connaissent et ne coopérent pas assez.
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Nous faisons aussi en sorte que l’ESS ne soit pas portée que par des élus convaincus, mais que l’on arrive à infuser les valeurs et pratiques de l’ESS dans toutes les politiques publiques locales, en transversalité.
Le lancement du Club des collectivités pour l'ESS en Nouvelle-Aquitaine a eu lieu le 5 mars dernier. Pouvez-vous revenir sur le contexte de son lancement et les objectifs de ce Club ?
Ce Club a été pensé dès l’été 2020, suite à des échanges avec Timothée Duverger pour la Chaire Territoires de l’ESS (TerrESS) de Sciences Po Bordeaux, et la CRESS de Nouvelle Aquitaine.
Nous avions été contactés par de nombreux nouveaux élus ayant l’ESS au sein de leur délégation, et qui souhaitaient en savoir plus sur les politiques publiques de soutien à l’ESS. Afin de structurer nos réponses respectives, nous avons décidé de créer ce Club, dans l’idée d’avoir un cadre collectif d’échanges entre élus en charge de l’ESS, en ayant des temps d’échange pour sensibiliser et former les nouveaux élus, et pour partager des bonnes pratiques.
Ce Club est monté à l’échelle régionale avec le soutien du RTES, en lien avec Pascal Duforestel, conseiller régional délégué à l’ESS en Nouvelle Aquitaine (et vice-président du RTES), avec une déclinaison départementale, à l’échelle de la Gironde.
Ce matin Lancement des Clubs Collectivités et ESS par la @CRESS_NvlleAqui le @ReseauRTES et la @CTerress
— Chaire TerrESS (@CTerress) March 5, 2021
✅70 élu·es et agen·tes de collectivités
✅Enjeux partagés pour porter l'ESS sur les territoires
✅La suite : construire des clubs collectivités sur vos territoires! pic.twitter.com/szC7TgRE1E
La prochaine rencontre des collectivités girondines aura lieu le vendredi 30 avril, et le jeudi 8 juillet pour l’ensemble des collectivités de Nouvelle Aquitaine.
Vous avez été auditionné en tant qu'administrateur du RTES par la mission de l'IGAS et de l'IGF sur le développement des SCIC (voir notre article dédié). Quels sont selon vous les principaux intérêts de ce statut pour les collectivités ?
Ce qui est intéressant avec le statut SCIC, c’est qu’il permet l’implication de l’ensemble des parties prenantes d’une activité au sein de la gouvernance de la coopérative, et notamment les collectivités territoriales, qui peuvent elles-mêmes rentrer au capital d’une SCIC et ainsi participer à sa gouvernance.
Cela engendre un changement de posture pour les collectivités, les élus ne sont plus seuls décisionnaires, on dépasse la concertation pour être dans la coconstruction, et la collectivité devient co-porteur de projet. Par exemple, à Bordeaux, quand on pense à la structuration de la filière des déchets organiques et à ce qu’elle pourrait faire demain, on l’imagine au sein d’une SCIC car on considère que la Ville de Bordeaux a des idées à apporter au-delà des questions financières, et qu’elle entre donc dans cette logique de co-porteur de projet.
Cela permet également d’impliquer directement les citoyens, les habitants. Avec les SCIC on entre vraiment dans une logique de construction de communs.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis du RTES ?
Il me semble important de continuer à structurer le réseau d’élus, on se retrouve souvent seuls sur certains sujets. Nous avons donc besoin de nous inspirer de ce que font les autres élus, d’être aidés et d’aider les autres.
Il y a également un besoin de plaidoyer auprès des institutions nationales, sur des enjeux que l’on voit localement, mais qu’on a pas les moyens d’aller porter auprès de la Secrétaire d’Etat à l’économie sociale, solidaire et responsable, à Bercy ou même plus haut. Le RTES peut être un très bon relai pour porter ces enjeux.
Ce sont mes attentes en tant qu’élu qui connait déjà bien les enjeux de l’ESS, mais je pense qu’il est également important de continuer la sensibilisation des nouveaux élus qui connaissent moins l’ESS. Les fiches du kit MunicipalESS éditées l’an dernier et cette année les fiches des kits RégionalESS et DépartementalESS, sont de bons exemples que l’on transfère volontiers à d’autres élus pour les sensibiliser à l’ESS, notamment les fiches sur des thématiques spécifiques telles que la politique de la ville.
Il me semble enfin important que le RTES soit présent au niveau international et intégré au sein des réseaux internationaux. La Ville de Bordeaux a accueilli fin mars un colloque de l’Association Internationale des Maires Francophones autour de « la ville en économie circulaire », et cela a été l’occasion de constater qu’il y a beaucoup des projets à construire avec les élus d’autres pays, africains et asiatiques notamment, autour de la transition écologique.
Retrouvez à ce titre, notre RepèrESS « Coopération et solidarité internationales & ESS » (octobre 2019).
Découvrez l'interview de Stéphane Pfeiffer sur le travail de plaidoyer mené par le RTES :