Le secteur associatif face à la crise du Covid19 - Entretien avec Alain Forest
La crise actuelle du Covid19 impacte très fortement l'activité des associations. Le Mouvement associatif a réalisé une enquête auprès de 20 000 dirigeants associatifs pour connaître en détail les impacts de cette crise et les relations avec l’État et les collectivités territoriales. Entretien avec Alain Forest, vice-président du Mouvement associatif et président du Mouvement associatif régional des Pays de la Loire.
Suite à la première enquête, le Mouvement associatif et le RNMA relancent une enquête : Associations, où en êtes-vous à l’heure du déconfinement ?
Pouvez-vous nous présenter les résultats de votre enquête sur l'impact de la crise du Covid19 sur le secteur associatif ?
L'enquête a débuté le 20 mars et nous avions déjà reçu plus de 12 000 réponses après seulement 10 jours. Nous avons décidé d'arrêter cette enquête le 28 avril, ayant reçu plus de 20 000 retours !
Il en ressort :
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Un arrêt d'activités qui concerne environ 2/3 des associations, mais les résultats sont très variables selon les secteurs. Le secteur caritatif connaît un surcroît d'activités avec les distributions alimentaires. Tandis qu'environ un centre sur deux a été fermé, les centres restant ouverts doivent faire face à un afflux exponentiel de bénéficiaires de l'aide alimentaire, alors que le matériel de protection a manqué dans les premiers jours. À l'inverse, les secteurs de l'environnement, de la culture et du tourisme sont en arrêt complet, avec peu ou pas de télétravail possible, et ce pour encore longtemps au vu de la période de déconfinement qui s'allonge.
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Des problèmes de trésorerie impactant tous les secteurs. Pour les associations continuant leur activité, celle-ci est très souvent dégradée, avec peu d'entrée de recettes financières. La plupart des associations, mêmes les plus grandes associations employeuses qui ont un fond de roulement plus important, n'ont que 2 à 3 mois de trésorerie. Un niveau qui n'est pas suffisant pour assurer une reprise d'activité saine.
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Mais aussi des retours positifs, puisque l'on constate que la solidarité, grande valeur associative et plus largement de l'ESS, fonctionne en cette période de crise avec 250 000 personnes inscrites sur la Réserve civique et l'arrivée de nouveaux bénévoles dans les associations. De plus, le lien avec les adhérents est maintenu dans la plupart des associations.
Ces premiers résultats ont permis au Mouvement associatif d'affiner ses premières demandes auprès de l'État, que sont :
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la mise en place d'un pacte de sécurisation des subventions afin d'assurer le maintien d'un soutien financier durant ces 2 à 3 mois de crise aigüe, même si les actions prévues ne peuvent être réalisées,
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la continuité des mesures prises en matière de chômage partiel le plus longtemps possible,
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l’adaptation des dispositifs d’aides de droit commun au secteur associatif et la mise en place d’un fonds d’aide d’urgence dans le cadre du fonds de développement pour la vie associative
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dans le cadre d'une reprise d'activité pour cet été de certains secteurs, notamment dans l'éducation populaire, la jeunesse et le sport, prévoir des activités à destination des jeunes, notamment dans les quartiers populaires,
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la mise en place de fonds de solidarité aux associations employeuses dans les secteurs culturels et du tourisme, pour mieux se projeter pour une rentrée en septembre.
Nos demandes sont la plupart du temps entendues par l’État, mais il reste des éléments à clarifier sur l'éligibilité d'associations non employeuses à certaines aides.
Quelles relations avec les collectivités locales observez-vous ?
Les premiers chiffres de notre étude montraient que seulement 5 % des responsables associatifs avaient déposé des dossiers pour des aides d'urgence mises en place par les collectivités. Aujourd 'hui, on peut dire qu'environ 1/4 des responsables associatifs connaissent les mesures prises dans leur territoire.
Ces chiffres assez faibles peuvent s'expliquer par le fait que les dirigeants associatifs étaient d'abord occupé à gérer la mise en place des mesures sanitaires pour leurs publics, bénévoles et employés. Ils ont ensuite dû assurer le versement des salaires, et commencent aujourd'hui, dans la 2e phase de cette crise, à étudier les soutiens existants de collectivités locales.
Dans les Pays de la Loire, 40 dossiers ont été déposés par des associations pour bénéficier du fonds de solidarité de 2 millions d'euros mis en place par la Région. Ces dépôts de dossiers concernent trois secteurs : les associations caritatives fournissant de l'aide alimentaire ; les associations culturelles et les associations du tourisme. À présent, d'autres associations d'éducation populaire ou proposant des activités périscolaires font des demandes.
Les autres conseils régionaux ont mis en place des fonds d'urgence similaires, de 1 à 5 millions d'euros, notamment pour les secteurs culturels et du tourisme. La Région Sud – PACA, qui va être très impactée durant la période estivale, a mis en place un fonds de 5 millions d'euros pour la culture et de 3 millions d'euros pour le tourisme.
Je remarque par ailleurs que certaines collectivités ont anticipé le versement des subventions et l’État le versement des crédits du FDVA. J'observe que la complémentarité entre les mesures de l’État et celles des collectivités est en train de s'affiner pour qu'il n'y ait pas de « trous dans la raquette » et pour éviter les arrêts d'activité.
Plus généralement, on constate une collaboration plus étroite entre les administrations d'État, les responsables de collectivités territoriales et les responsables associatifs, avec moins de blocages politiques, une évolution des postures, un état d'esprit plus ouvert dans l'urgence de la réponse à la crise, et des relations plus directes et chaleureuses.
Quelles sont aujourd'hui les actions et projets du Mouvement associatif face à cette crise ?
Aujourd'hui, le rôle des têtes de réseaux associatifs est d'accompagner les dirigeants associatifs, notamment bénévoles, dans la gestion de crise, notamment dans les démarches de chômage partiel, et de répondre à leur inquiétude en matière de responsabilité juridique quant aux mesures sanitaires à mettre en œuvre. Nous relayons également l'information sur les mesures d'aides du gouvernement et des collectivités.
Nous allons lancer une deuxième enquête afin d'affiner nos connaissances sur les difficultés que rencontrent les associations, avec des éléments détaillés par secteur d'activité et des analyses par régions voire par départements pour faire émerger des tendances par territoire. L'idée est d'avoir une seule enquête nationale, en lien avec les réseaux de chaque secteur d'activité, pour permettre d'avoir un grand nombre de répondants et des résultats plus fiables.
L'objectif de cette nouvelle enquête sera aussi d'affiner les arguments de notre plaidoyer au niveau national comme dans les territoires, pour un soutien plus affirmé aux secteurs les plus en souffrance et pour construire le futur plan d’investissement nécessaire pour la vie associative d'ici la fin d'année. Nous avons d'ailleurs débuté des échanges avec le cabinet de Gabriel Attal pour préparer ce plan.
Retrouvez le communiqué de presse du Mouvement associatif, en date du 5 mai 2020, appellant le Gouvernement à tenir ses engagements. Retrouvez ICI les résultats détaillés de l'enquête ainsi que le détail des mesures défendues par le Mouvement associatif (pacte de sécurisation sur les subventions, fonds de soutien aux associations, exonération de taxe sur les salaires en 2020, mise en place d'un plan de relance post-crise...).
Retrouvez également le communiqué de presse de l'UDES revenant sur les difficultés économiques et sociales des acteurs de l'ESS en terme de préservation de l'emploi et de soutien à l'activité économique, mais aussi sur les difficultés sanitaires dans l'accès aux équipements de protection et leurs conséquences juridiques pour les employeurs.