Mécanique de rue : retour sur une recherche-action - conférence en ligne mars 2021
Dans le cadre du PIA, une recherche-action a été menée à Stains sur la mécanique de rue. Les diagnostics et préconisations de cette recherche-action ont entraîné une réflexion collective sur le territoire de Plaine-Commune. Abou Ndiaye, sociologue ayant mené cette recherche-action et Valentin Périnaux chargé de mission à Plaine Commune, sont revenus sur les principaux résultats et préconisations de la recherche-action et sur la façon dont celle-ci a questionné les collectivités locales. Cette conférence en ligne s'inscrit dans le cycle de travail sur économie informelle & ESS du RTES, elle a rassemblé 60 personnes.
Abou Ndiaye, sociologue, directeur de l’ARESS organisme de recherche rattaché à la fondation maison des sciences de l’homme, propose une définition de l’économie informelle dans les pays du nord : l’ensemble des pratiques qui créent de la valeur mais échappent au contrôle de l'État. Les habitants créent des réponses, dans la proximité, à des besoins qui ne sont pas pris en charge par l’économie marchande. La mécanique de rue, longtemps appelée mécanique sauvage, désigne toutes les réparations automobiles informelles, on parle aussi de mécanique de plein air ou de mécanique ambulante.
En 2015/2016, Stains et Plaine Commune ont été lauréats du PIA (programme d’investissement d’avenir) ville durable et solidaire. Dans ce cadre, Stains et Plaine Commune ont monté un partenariat de recherche avec l’Université Paris 8, le laboratoire LAVUE et l’ARESS, réunissant 7 chercheurs autour de la mécanique de rue sur 2 quartiers de Stains. La recherche-action comportait un axe quantitatif et un axe qualitatif : plusieurs mois d'observation de terrain, des questionnaires passés auprès de 50 mécaniciens de rue et 100 familles, une trentaine d'entretiens individuels et des entretiens collectifs. Tout cela a permis de mettre en évidence un certain nombre d’éléments sur la mobilité et sur l’activité de mécanique de rue dans ces quartiers.
Les plaintes sur les nuisances de la mécanique de rue sont nombreuses mais l’enquête a permis de mettre en évidence le fait que dans les 2 quartiers sur laquelle est menée la recherche-action, 6 familles sur 10 ont recours à la mécanique de rue pour réparer leur automobile. 70% des personnes interrogées répondent que la mécanique de rue ne les dérange pas. Il apparaît que la mécanique de rue répond à un réel besoin, certaines personnes font 200 kms pour faire appel à ces mécaniciens qui pratiquent une mécanique clinique : démontage du moteur et changement de la pièce défaillante (quand la plupart des garages changent le moteur), et comme la rémunération n’est pas horaire mais au forfait, cela coûte moins cher que dans un garage conventionnel. Il s’agit donc d’une réparation à moindre coût mais surtout d’une réparation qu’on ne trouve plus ailleurs.
Valentin Périnaux chargé de mission gestion urbaine de proximité à la direction de la Rénovation Urbaine et de la politique de la ville de Plaine Commune: la mécanique de rue est au croisement de plusieurs enjeux qui relèvent des intercommunalités : cadre de vie, emploi et insertion, ESS, mobilité, etc. A Plaine Commune la mécanique de rue a d’abord été abordée au prisme de ses nuisances : les élu.e.s des 9 villes du territoires recevaient régulièrement des plaintes à ce sujet. L’intercommunalité a donc souhaité travailler sur la mécanique de rue, pour comprendre et objectiver ce sujet avant de proposer des solutions. L’étude menée par Abou Ndiaye en 2016 à Stains a donné envie de poursuivre et plusieurs diagnostics flash, une étude commandée par l’APES, ainsi qu’une autre étude d’Abou Ndiaye récente sur Saint-Denis ont été menées. Ces études ont permis de changer la sémantique utilisée : de mécanique sauvage à mécanique de rue. Les études ont permis de déconstruire tout un ensemble de stéréotypes et de penser des solutions différemment : non plus des mesures de très court-terme pour interdire, empêcher ces pratiques, mais des mesures de moyen et long termes.
Ces études démontrent que l’activité de mécanique de rue n’est jamais criminelle, ce qui était un gros point de vigilance pour les élus qui craignaient que ces activités s’inscrivent dans des réseaux de recel. Malgré les nuisances : pollution des sols, pollution visuelle, occupation des places de parkings, etc. les habitants considèrent ces pratiques comme une ressource qui répond à une demande sociale de réparation de véhicule à moindre coût et permet d’augmenter le reste à vivre des personnes. Cette mécanique de rue réunit de grandes compétences et savoir-faire et propose une offre alternative, de proximité et complémentaire aux garages classiques comme le pointent certains garagistes eux-mêmes.
Les compétences de ces mécaniciens sont valorisables et formalisables. Cette formalisation permettrait d’éliminer les nuisances liées à ces activités et de sécuriser les parcours des mécaniciens. Les mécaniciens et les acteurs locaux sont plutôt favorables à cette formalisation qui pourrait prendre plusieurs formes. Les préconisations qui ressortent de la recherche-action, et qui ont été travaillées avec une cinquantaine de mécaniciens de rue évoquent plusieurs points : - un nécessaire travail sur les acquis de l'expérience et sur l'assainissement des situations administratives de certains - un souhait de maîtriser l’outil de travail : idée d’un garage solidaire sous forme coopérative ou de micro ateliers coopératifs, eux-mêmes réunis sous forme coopérative - un axe formation - un axe IAE - un axe self-garage- un axe écomobilité - un axe autopartage - un axe de conseils en mobilité.
Coralie Moigneau, chargée de mission ESS à la ville de Stains : l'étude menée par Abou Ndiaye a permis de déconstruire les préjugés, la mécanique de rue n’est pas seulement un problème pour le cadre de vie et l’environnement c’est aussi une solution pour les habitants. Stains réfléchit actuellement à développer une plateforme de mobilité multiservices, avec une offre de réparation clinique mais aussi des solutions de mobilité moins impactantes pour l'environnement, des conseils et orientations en matière de mobilité, etc. avec un axe inclusion des mécaniciens de rue qui le souhaitent.
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