"Mettre l’ESS au cœur de notre projet, en fil rouge de nos actions" - Entretien avec Arnaud Magloire
Arnaud Magloire est maire de Sainte-Savine, une commune de 10 500 habitants située dans le Grand-Est, commune faisant partie de la Communauté d’Agglomération de Troyes Champagne Métropole, dont Arnaud Magloire est par ailleurs vice-président. Arnaud Magloire a été élu au conseil d'administration du RTES lors de l'assemblée générale du RTES du 16 septembre 2021. Il revient pour nous sur la feuille de route de la commune de Sainte-Savine pour le développement de l'ESS et sur les leviers d'actions à sa disposition pour renforcer l'innovation sociale.
- Pouvez-vous nous présenter votre ambition pour le développement de l'ESS à Sainte-Savine ? Comment l’économie sociale et solidaire (ESS) s'inscrit-elle de manière transversale au sein des différentes politiques locales ?
L’économie sociale et solidaire est un domaine nouveau au sein de la collectivité, une thématique qui n’était pas identifiée précédemment. Il y avait bien sûr des liens avec le secteur associatif, mais pas d’appréhension du champ d’action global de l'ESS. La première chose sur laquelle il a fallu travailler était surtout cette acculturation, à la fois du côté des élu.es qui ne sont pas forcément au fait de ce qu’est l’économie sociale et solidaire (même si beaucoup d’élu.es font de l’ESS, souvent sans le savoir), et du côté des services. Cette acculturation était nécessaire, parce que l’ESS incarne une nouvelle ligne directrice, touchant l’ensemble des services de la collectivité (accompagnement des jeunes, commerce, secteur associatif, commande publique etc.). Nous avons désormais une maire-adjointe en charge de l’ESS, une première, pour participer à sa reconnaissance et à son développement. C’est un marqueur d’engagement fort de la ville pour l'ESS.
Il s’agit aussi de mettre l’ESS au cœur de notre projet, en fil rouge de nos actions. Un sujet transversal à l’instar de la transition écologique. Si la commande publique est notre principal levier d’actions, la vie associative et économique locale n’est pas en reste. Elle représente ainsi une porte d’entrée vers les acteurs de l’ESS. Notre but n’est pas d’être opérateur, de “faire à la place de” mais plutôt d’être facilitateur, faire de la mise en relation, mettre en lien un besoin rencontré et la solution locale proposée par un acteur de l’ESS.
Notre but : être facilitateur, faire de la mise en relation, mettre en lien un besoin rencontré et la solution locale proposée par un acteur de l’ESS.
- Quels sont les principaux leviers d'actions déployés par la ville de Sainte-Savine pour renforcer l'ESS et l'innovation sociale ?
Comme je le disais précédemment, la commande publique représente un de nos principaux leviers d'actions, au même titre que notre travail et notre accompagnement auprès des acteurs de l'ESS. Dans notre organisation interne, nous avons justement un poste exclusivement dédié au suivi de la vie associative. Notre but est d’avoir les ressources nécessaires pour venir en appui et accompagner les acteurs de l’ESS dans leurs projets, les considérer comme partenaires et non comme opérateurs.
Nous avons également mis en place le Labo citoyen, une instance démocratique et 100% citoyenne qui travaille notamment sur certains projets structurants de la ville et anime notre démarche de démocratie participative. Les élu.es peuvent être amené.es à y participer tout en restant dans une position de retrait, d'observation mais en aucun cas dans le pilotage de cette démarche.
Dernièrement, dans le cadre de la requalification d‘une ancienne friche (ancienne piscine municipale) nous avons travaillé à l’échelle de la ville en mode projet, sous forme d’une grande consultation citoyenne et participative. Travail mené avec le Labo citoyen et la Fabrique à projet d’utilité sociale, un pôle territorial d’animation de l’ESS. Nous travaillons régulièrement avec la Fabrique à projets d’utilité sociale. Ils nous accompagnent, nous font bénéficier de leur expertise et nous les mettons en lien avec les acteurs du territoire.
- Suite à la crise sanitaire, quelles ont été les conséquences pour les acteurs de l’ESS ?
Sur notre territoire, ce sont essentiellement les acteurs ESS du monde associatif qui ont été touchés par la crise. Certaines structures ont joué un rôle essentiel dans l’accompagnement, notamment de leur public. Ces structures ont été force de propositions, d’actions. Nous avons également des structures mobilisées surtout sur les réseaux sociaux pour maintenir du lien avec les habitants. Depuis la crise, certaines d'entre elles sont en “stand-by”, notamment dans le domaine sportif, avec une reprise d’activité compliquée.
Pour la plupart des associations de notre territoire, les conséquences ont été minimisées, d'une part grâce aux adhérent.es qui ne demandaient pas le remboursement de leur cotisation, et d'une autre part grâce aux collectivités. Par exemple, nous avons maintenu et renforcé nos subventions aux associations. Le Département a de son côté doublé le montant des subventions accordées aux associations qui bénéficiaient déjà des subventions du Département. La difficulté aujourd'hui reste la reprise de l'activité, qui se fait lentement mais sûrement, dans l’objectif de revenir au niveau d’avant la crise. La reprise de certaines activités est aussi freinée par la peur du regroupement, les protocoles et nouvelles mesures sanitaires, etc. Les effets de cette crise ne sont pas encore totalement visibles et mesurables.
Aujourd’hui, et en tant que collectivité, notre appui continue à travers la mise en relation des acteurs de l’ESS, leur accompagnement sur la mise en place de dispositif ou de projet, et leur orientation si besoin vers le bon interlocuteur.
- En 2021, vous avez été élu au Conseil d'Administration du RTES. Quelles sont vos attentes vis-a-vis du réseau ?
En tant que nouvel élu au Conseil d’Administration du RTES, mon attente principale est de créer du lien avec les adhérent.es. Selon moi, c’est l’un des points forts du RTES, un réseau qui fédère des collectivités territoriales de différents horizons, de différentes tailles. Au-delà des objectifs nationaux qu'il peut y avoir en matière d’ESS, le RTES est aussi un outil d'appui sur mon territoire et sur ses problématiques propres. J’attends du RTES des rencontres, un espace d'échange, de partage dans une démarche bienveillante, de pouvoir appuyer et orienter certaines politiques publiques à destination des acteurs et structures de l’ESS. Plus on sera nombreux, plus on sera présents et plus notre voix pèsera dans la balance politique. C’est un réseau très important selon moi, qui met en place pour ses adhérent.es plusieurs outils de vulgarisation de l’ESS, qui nous donne les clés pour mettre en place des projets ESS sur nos territoires (comme par exemple le kit MunicipalESS qui vient d'être actualisé) et qui nous permet d'appréhender des thématiques plus larges de l'économie sociale et solidaire.
Pour favoriser les espaces d'échanges entre collectivités, la CRESS Grand Est et le RTES coorganisent d'ailleurs le premier Club des collectivités pour l’ESS en région Grand Est le mardi 30 novembre, Ce club s'inscrit aussi dans les rencontres autour des 20 ans du RTES. J'y serai bien entendu, étant à titre professionnel coordinateur territorial de la CRESS Grand Est.