Mise en place effective du dispositif d'affectation sociale des biens confisqués
Publié le 3 novembre 2021, un décret n°2021-1428, en application du neuvième alinéa de l'article 706-160 du code de procédure pénale, autorise et détaille l'affectation des biens immobiliers confisqués par les juridictions pénales à des associations ou fondations de l'économie solidaire.
Dans le cadre de la "Loi égalité et citoyenneté" adoptée le 22 décembre 2016 par l’Assemblée Nationale, un dispositif de réutilisation sociale des biens confisqués proposé par le député d'Ille-et-Vilaine Jean-René Marsac avait été adopté. Le RTES avait soutenu et s'était mobilisé pour l'adoption de ce dispositif, inspiré de l'Italie, et qui pourrait offrir des capacités nouvelles à de nombreuses structures de l’ESS. Le Conseil Constitutionnel avait pourtant censuré cet article considéré comme un "cavalier législatif" (voir notre article dédié).
Début avril 2019, un collectif de femmes des quartiers nord de Marseille lance une pétition dans une tribune de Libération, demandant à l'Assemblée nationale de légiférer pour que les biens confisqués soient affectés à l'économie solidaire locale (voir notre article ). Cette initiative fait écho à l'article IV de la proposition de loi portée par Sarah El Haïry et visant à améliorer la trésorerie des associations adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 27 mars 2019.
Publié le 3 novembre 2021, le décret n°2021-1428 détermine aujourd'hui les modalités d'application de l'affectation sociale des biens immobiliers confisqués par les juridictions pénales :
"L'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués peut, en application du neuvième alinéa de l'article 706-160 du code de procédure pénale, mettre à disposition des associations, fondations et organismes qui y sont mentionnés les biens immobiliers libres d'occupants dont elle a la gestion ayant fait l'objet d'une décision de confiscation définitive."
La mise à disposition d'un bien a lieu après une procédure de publicité organisée par l'Agence de gestion pour mettre en concurrence les candidats potentiels et leur permettre de se manifester. Les critères d'appréciation et de sélection des dossiers de candidature comprennent l'usage qui sera fait du bien immobilier et de sa contribution à l'intérêt général, l'aptitude à gérer et exploiter le bien ainsi que, le cas échéant, le lien entre l'infraction en répression de laquelle la confiscation a été prononcée, l'objet social de la personne morale bénéficiaire et l'usage qu'elle souhaite faire de l'immeuble.
Les dossiers de candidature sont adressés au directeur de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Ils contiennent notamment :
- Une description de l'usage qui sera fait du bien immobilier et de sa contribution à l'intérêt général ;
- Des renseignements permettant d'apprécier l'aptitude à gérer et exploiter le bien immobilier du candidat, de ses capacités financière et techniques ;
- Une attestation de régularité sociale et une attestation de régularité fiscale concernant la personne morale.
Le directeur de l'Agence de gestion instruit et sélectionne les dossiers de candidatures. Dans un délai qui ne peut excéder un an à compter de la réception de la décision de confiscation par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, le directeur général de l'agence soumet au conseil d'administration le projet de contrat de mise à disposition qu'il propose de conclure. La mise à disposition sera finalement autorisée par une délibération du conseil d'administration. Le décret limite la durée de la mise à disposition du bien immobilier à 3 ans renouvelable une fois sur la même durée.
Deux points de vigilance sont soulignés par Marcel Hipzsman, l'un des ardents promoteurs de ce dispositif :
- Les délibérations prises en application du présent article sont soumises à l'approbation expresse conjointe du ministre de la justice et du ministre chargé du budget, une disposition qui pourrait s'avérer très contraignante dans la pratique.
- Le décret ne comporte aucun détail sur les critères d'appréciation et de sélection en amont des biens qui seront choisis pour faire la réaffectation sociale, un point pourtant capital dans la réussite du dispositif.
Au delà de ces points, l'enjeu est sans aucun doute de construire des alliances locales entre acteurs de l’ESS volontaires et collectivités pour avancer dans la mise en oeuvre du principe de restitution.
Dans le Nord, un immeuble confisqué à un marchand de sommeil confié à une association
Pour la première fois, un immeuble confisqué par l'Etat est confié à l'association « Habitat et Humanisme » à Coudekerque-Branche qui lutte contre l'exclusion et l'isolement des personnes en difficulté. Ce bâtiment, insalubre, confisqué à un « marchand de sommeil », accueillera six logements autonomes et un guichet de services pour les habitant.e.s.