Le Galleco, monnaie locale et départementale
Le Galléco a comme particularité d'être une monnaie locale d'ampleur départementale. Utilisée en Ille-et-Vilaine - plus particulièrement sur les territoires de Rennes, Redon et Fougères – elle a aussi l'originalité d'être née, en 2013, sous l'impulsion des élus et services du Département. Le Galléco s'inscrit alors dans un processus d'expérimentations autour des monnaies locales lancé dès 2005 en Ille-et-Vilaine. Si le rôle de la collectivité reste essentiel, le Galléco a su trouver son public et mobilise citoyens et entreprises dans son fonctionnement quotidien comme dans son développement. Entretien avec Anne Bruzac, directrice de l'association.
Quel est le processus qui a abouti au lancement du Galléco en septembre 2013 ?
Dès 2005 le Département s'est impliqué dans les travaux du mouvement Sol et a soutenu financièrement une expérimentation de cette monnaie sur Rennes en 2008. Monnaie uniquement numérique, le Sol n'a pas rencontré son public. Mais cette première expérimentation n'a pas rebuté la collectivité locale qui a continué a suivre les travaux du mouvement et les expériences de monnaies locales, notamment celle du Sol Violette à Toulouse. En 2011, les nouveaux élus départementaux ont souhaité relancer une monnaie locale dans le cadre de leur programme de soutien à l'ESS : pendant 2 ans des études sont menées et plus de 30 rencontres publiques sont organisées sur Rennes, Redon et Fougères. L'objectif était d'informer les citoyens sur les enjeux autour de la monnaie mais aussi de créer des groupes locaux de personnes souhaitant s'impliquer dans la création et l'animation d'une monnaie locale. Ces groupes ont rapidement commencé à travailler sur les principes de fonctionnement de la future monnaie : fondante ou pas, procédure d'agrément des entreprises candidates, modalités d'émission et de change… Le Département, via les élus et techniciens, a été le catalyseur de la création du Galléco avant de passer le relais à une association locale en 2013.
Comment fonctionne l'association Galléco ?
Notre association fonctionne aujourd'hui avec un CA composé de 4 collèges regroupant respectivement les membres de droit que sont les élus départementaux, les citoyens / usagers, les entreprises adhérentes et les partenaires - par exemple le Crédit Coopératif ou la coopérative d'activités l'Elan Créateur. Chaque collège compte des membres originaires des 3 territoires d'implantation du Galléco – Rennes, Fougères et Redon. Un cinquième collège est prévu dans nos statuts pour les futures collectivités locales partenaires, il se mettra en place quand le Galléco pourra être utilisé comme moyen de paiement de certains services publics (transports publics, bibliothèques, piscines, écoles de musiques, théâtres…). Le bureau de l'association compte 4 vice-présidents représentant chacun l'un des collèges. Nous avons également mis en place 3 comités locaux d'animation rassemblant tous les adhérents d'un territoire. Ce sont ces adhérents, appuyés par les 2 salariés du Galléco, qui démarchent les entreprises, organisent ou participent à des événements pour sensibiliser et faire adhérer de nouveaux usagers et décident d'agréer les entreprises qui souhaitent utiliser les Gallécos. Ces rencontres mensuelles rassemblent en moyenne 30 personnes.
Concrètement comment travaillez-vous avec le Département ?
Le Département est un partenaire essentiel. Bien sûr parce qu'il finance très fortement l'association [32]] mais aussi par son implication exemplaire dans le développement du Galléco. Des élus départementaux – de la majorité et de l'opposition – siègent au conseil d'administration comme membres de droit mais sans prérogative supplémentaire par rapport aux autres membres du CA. De plus tous les 3 mois nous rencontrons les services du Département pour des temps de travail où nos interlocuteurs nous font bénéficier de leurs conseils et contacts. En ce moment ils nous apportent un appui précieux sur les aspects réglementaires liés à la possibilité - inscrite dans la loi ESS – de payer des services publics avec une monnaie locale [33].
Le Département est un vrai partenaire et pas un donneur d'ordre !
Dans un contexte de baisse des financements publics, quelles sont les pistes d'évolution du modèle économique du Galléco ?
Nous avons eu la chance de pouvoir démarrer nos activités avec un soutien financier fort du département qui s'est engagé sur un financement de 339 000 € sur 4 ans [34]. C'est aujourd'hui notre seul soutien financier, le reste du budget de l'association provenant des adhésions de nos membres et de quelques petites prestations.
Nous travaillons bien sûr à une diversification de nos sources de financement. La ville de Rennes et Rennes Métropole se sont engagées à nous soutenir financièrement à partir de 2016.
Nous allons commencer à sensibiliser des entreprises pour qu'elles financent certains de nos projets. Par exemple nous participerons prochainement à des « pitch datings » pour présenter notre programme de développement de Gallécos numériques.
Nous réfléchissons par ailleurs à l'augmentation des frais d'adhésion pour les entreprises qui souhaitent utiliser le Galléco. Mais cette idée est difficile à mettre en œuvre compte-tenu de la taille et du chiffre d'affaires de la plupart de ces entreprises : elles ne disposent pas de beaucoup de marges de manœuvre pour augmenter leurs cotisations. Il nous faut donc être innovant et trouver une grille de tarifs qui permette la prise en compte de la situation des adhérents professionnels. Nous envisageons également la mise en place d'une taxe à la conversion payée par les entreprises qui changent leurs Gallécos en Euros [35].
Enfin nous envisageons de proposer des prestations de conseil aux collectivités ou associations qui souhaitent développer une monnaie locale. Cet axe de développement s'inscrit dans un mouvement plus large de mutualisation avec les autres monnaies locales régionales [36].
Après deux ans de fonctionnement quelles sont vos nouvelles pistes de développement ?
Le Galléco compte aujourd'hui 1 000 utilisateurs et 180 entreprises adhérentes. En 2014 ce sont près de 60 000 Gallécos [37] qui ont été émis. Notre priorité est d'amplifier encore cette forte croissance en développant la circulation de notre monnaie. Deux pistes déjà évoquées dans cet entretien semblent prometteuses au vu de certaines expérimentations menées à l'étranger : le développement d'un Galleco numérique et le paiement de certains services publics en monnaie locale.
Le volet numérique permettrait de toucher un nouveau public car il facilite la conversion des euros en Galléco en évitant aux utilisateurs de passer par des comptoirs d'échange. L'usager peut recharger une carte en ligne. La dématérialisation facilite aussi l'usage de la monnaie locale dans les échanges inter-entreprises et limite ainsi le retour en banque des Gallécos.
L'usage d'une monnaie locale dans certains services publics permet de toucher un public beaucoup plus large, c'est un vecteur de communication fort qui pourrait renforcer notre notoriété et bien sûr attirer de nouveaux adhérents. Les usagers des transports publics sont aujourd'hui bien plus nombreux que les consommateurs de produits responsables…
Enfin, nous comptons encore renforcer le rôle des adhérents : ce sont eux les premiers ambassadeurs de la monnaie. L'essentiel des nouveaux utilisateurs nous connaissent grâce à notre présence sur les marchés ou les événements locaux et ce sont très souvent des opérations montées par nos bénévoles...
Comment ça marche ?
Le Galléco est une monnaie papier sécurisée qui peut être utilisée à la place des euros pour régler ses achats (1 Galléco = 1 €). Elle est utilisable au sein d'un réseau de producteurs, artisans et commerçants de proximité investis dans une économie locale durable. Le prix de l'adhésion est symbolique et donc accessible à tous. Les entreprises adhérentes sont sélectionnées par des comités locaux d'utilisateurs du Galléco en fonction de critères allant du respect de l'environnement à la politique salariale en passant par l'implication sur le territoire.
Pour en savoir plus : http://galleco.fr
A noter : le RTES organise avec Nantes métropole et le crédit municipal de Nantes, en partenariat avec le mouvement SOL, une journée territoriale consacrée aux monnaies locales complémentaires. Avec notamment un témoignage du département d'Ille-et-Vilaine. Rendez-vous jeudi 15 octobre 2015 au Solilab à Nantes. Pour en savoir plus : http://rtes.fr/Collectivites-et-Monnaies-Locales