Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Les Gouttes d'Or de la mode et du design
Publié le 8 décembre 2014 - mis à jour le 5 février 2019

Les Gouttes d’or de la Mode et du Design

Quand ils ont été sélectionnés parmi les 23 PTCE lauréats de l'appel à projets interministériel en ce début d'année 2014, « Les Gouttes d'Or de la Mode et du Design » avaient déjà une belle pratique de la coopération acteurs-collectivités. Impulsé par la Ville de Paris, ce projet de coopération économique a pour objectif de soutenir la structuration des activités liées à la mode et à l'habillement dans le quartier de la Goutte-d'or. Ou quand la collectivité joue un rôle au croisement des filières et des territoires.

Rencontre avec Guillaume Huet, chef de projet politique de la ville du quartier des Gouttes d'or (Paris - 18ème arrondissement).
 

Pour quelles raisons la ville a soutenu ce projet de filière textile ?

Avant de présenter le contexte du quartier qui nous a amené à ce projet, quelques éléments sur le cadre de la politique de la ville sont essentiels. Nous avons déjà travaillé à une organisation interne de nos missions, de façon à ce que les équipes « politique de la ville » ne soient pas enfermées dans leur quartier mais aient une vision des 14 quartiers parisiens en politique de la ville. Une chargée de mission « emploi, insertion, développement économique » faisait également les liens entre les équipes, les projets, avec les autres directions... Grâce à cette organisation, nous avons affirmé ce qu'on avait déjà commencé à inscrire dans notre précédent CUCS en 2007 : la volonté de développer une logique par filières territorialisées. Ces politiques d'accompagnement visent au développement d'un réseau d'entreprises d'un même secteur sur un territoire donné. Une approche qui a permis à la politique de la ville de s'emparer du développement économique, souvent peu traité par ses équipes au-delà du financement de structures d'aide à la création d'activités ou d'accès à l'emploi. Par ailleurs, en préfiguration des futurs PTCE, nous avons mené une réflexion sur la territorialisation de l'ESS. En couplant cette réflexion avec la logique par filières, nous avons construit le socle pour asseoir le développement économique de la Politique de la ville. Paris Mix, la Mode, Fontaine Ô livres, Capital Games... De nombreux projets ont ainsi vu le jour. Et parmi eux : « Les gouttes d'or de la mode et du Design ».

Pourquoi le quartier de la goutte d'or ?

Credits photo : Nianghane.jpg Le quartier de la goutte d'or est un quartier dynamique qui compte près de 900 commerces. C'est un quartier attractif, qui compte 37 % d'étrangers, mais dont l'attractivité n'est pas vécue comme positive. L'enjeu de cohésion sociale y est très important : des tensions liées à un sentiment de quartier ghetto ou oublié, se sont développées et continuent à se développer. Les habitants ayant l'impression d'être poussés hors de leur quartier par les politiques de renouvellement urbain, les commerces développant le même sentiment à l'égard des politiques de diversification des activités économiques. Pour répondre à ces enjeux de diversification et de renouvellement (CUCS, ANRU...), en s'appuyant sur les atouts du territoire, nous avons choisi de travailler sur la filière textile. Une filière qui faisait partie de ces activités présentes dans le quartier et à fort potentiel de développement, mais qu'aucun habitant ne semblait voir. Aujourd'hui, en la rendant visible, cela change considérablement les choses, à la fois dans la façon dont les habitants vivent leur quartier, mais aussi pour l'activité économique des professionnels. Avec la difficulté d'avoir affaire à des structures extrêmement fragiles, car essentiellement basées sur de l'activité informelle et portées par des entrepreneurs primo-arrivants. En 2000, la ville de Paris avait déjà fait la tentative d'intervenir sur le développement économique en s'appuyant sur cette filière textile. Cela s'était traduit par l'aménagement d'une rue-couveuse, en partenariat avec l'office HLM et la Région, et la création de 10 locaux d'activités, livrés aménagés, avec un très bon niveau d'équipement et des loyers bien en dessous des prix du marché. Ces locaux étant réservés à des créateurs de mode, qui y accédaient grâce à un partenariat avec les Ateliers de paris et la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin. Mais la greffe n'a pas pris. Il ne suffit pas d'avoir une offre immobilière pour que tout roule. Il manquait l'essentiel : l'animation.

Comment avez-vous (re)lancé le projet ?

Credits photo : Sakina M’sa.jpg Sur cette base, et forts de cette expérience, en 2010, nous avons lancé un diagnostic et établi une cartographie des activités liées au textile et à la mode. Pendant 6 mois, nous sommes allés à la rencontre des 150 entreprises du quartier. Nous avons travaillé avec les organismes consulaires, la direction du développement économique et de l'emploi de la ville (les Ateliers de Paris), la Caisse des dépôts et consignation... Et avons réuni l'ensemble des partenaires financiers, la Ville, l'État et la Région, avec, à chaque fois et pour chaque institution, la présence d'au moins deux directions. Ce qui nous a amené à nous retrouver parfois à 40 pour des comités de financeurs ! Puis, la ville a engagé 30000 € dans une assistance à maîtrise d'ouvrage pour une étude-action confiée à deux cabinets, dont l'objectif était de mobiliser les professionnels. Cette étude a permis de rédiger les statuts d'une association des professionnels, créée en juillet 2011, d'élaborer son programme d'actions et de débloquer des financements début 2012 pour sa structuration. Nous avons ainsi réussi à mobiliser près de 90 000 € pour embaucher une coordinatrice-animatrice et confier une partie du travail de mobilisation à la couveuse de la BGE PaRIF, le GEAI. Cette dernière met ainsi à disposition des consultants pour accompagner individuellement les professionnels du Quartier qui le souhaitent, accompagne les entreprises à aborder la vie associative et collective, et travaille à la recherche de financements complémentaires. L'association des professionnels n'a pas souhaité porter la coordination et l'animation du projet ; non pas qu'ils ne soient pas mobilisés, mais ils ne se voyaient pas employeurs dans le cadre d'une association récemment créée. Mais ils continuent à oeuvrer pour porter et définir ce projet de manière bénévole. Une coopérative d'artisans a également été créée pour accompagner la formalisation des entrepreneurs les plus « informels ».

La collectivité a été à l'impulsion du projet, comment envisage-t-elle son rôle aujourd'hui ?

Aujourd'hui, nous continuons à s'assurer que tout fonctionne bien dans ce montage complexe entre la BGE, le Geai, l'association, la coopérative. Pour qu'il n'y ait pas de couacs et que la dynamique collective continue de prendre. Mais, comme beaucoup de collectivités, nous avons du mal à n'être qu'un soutien au PTCE et à ne pas y être un acteur. C'est notre vraie difficulté actuellement. Nous peinons à « lâcher le bébé », mais nous sommes en bonne voie ! Nous nous éloignons de l'aspect animation pour impulser le volet formation aux compétences clés pour les professionnels (usage de l'informatique, maîtrise de la langue à l'écrit et l'oral, française et anglaise,... ), avec les professionnels eux-mêmes qui participent à la définition du programme de formations annuelles et à leurs bilans.

Téléchargez la fiche « expérience » de la délégation à la politique de la ville de la ville de Paris