« S’inspirer d’autres modes de faire tout en s’appuyant sur les richesses locales »
Agnès Thouvenot vient tout juste d'être élue conseillère municipale, adjointe à l’économie solidaire, l'emploi, l'insertion et la santé à la mairie de Villeurbanne. Cette nouvelle élue, impliquée dans la dynamique associative locale, connait bien les politiques territoriales d'ESS. Une double raison de s'entretenir avec elle sur la manière dont elle appréhende ses premiers pas en politique et sur les chantiers qu'elle compte mener.
Vous avez été élue en mars dernier, pour la première fois et sur une délégation nouvelle. Vos parcours personnel et professionnel vous ont-ils aidée dans ces premiers pas ?
Côté privé, je suis engagée depuis un moment dans la vie associative de Villeurbanne ; j'y ai notamment créé un centre de loisirs à gestion parentale en 2009. En baignant dans ce milieu, j'ai pu à la fois me rendre compte de la créativité et de l'énergie des acteurs sur le terrain et aussi de l'importance des modalités de soutien de la collectivité au monde associatif. Ou comment les politiques publiques peuvent s'appuyer sur les richesses associatives sans les instrumentaliser.
En parallèle, mon activité professionnelle m'a permis de connaître des politiques ESS menées par d'autres collectivités en France. J'ai pu examiner, étudier, décortiquer de nombreux cadres théoriques et leurs modalités de mise en oeuvre. Quand j'ai démarré mon mandat, j'ai donc tout de suite eu le réflexe de dire « Qu'est-ce qui se fait ailleurs ? », dans une logique de recherche de bonnes pratiques. S'il n'y a pas une seule bonne manière de développer l'ESS, parce que c’est bien une économie ancrée localement et qui dépend des spécificités territoriales, il est important d'avoir ces deux idées en tête : s'inspirer d'autres « modes de faire » et s'appuyer sur les richesses locales. Mes parcours associatif et professionnel me permettent de faire la bascule régulière entre ces deux pans.
Comment envisagez-vous la construction d'une politique d'ESS à Villeurbanne ?
À Villeurbanne, il n'existait pas de politique dédiée à l'ESS. Pourtant, la commune faisait déjà de l'économie sociale et solidaire sans le savoir en étant historiquement très attachée au soutien à la vie associative, au lien social, au développement durable, à la démocratie... Des politiques qui sont imprégnées par les valeurs de l'ESS. L'économie sociale et solidaire est un concept qui rassemble et met en cohérence des actions, dispositifs, politiques déjà existants. Mettre en place une politique d'ESS permet de marquer et d'afficher ces valeurs.
Cela fait à peine 5 mois que je suis élue, je suis encore en train d'organiser les choses, mais la première étape a été de réaliser un diagnostic de l'existant. Pas en terme d'emplois (nous avions déjà des chiffres de l'INSEE) mais en termes d'acteurs, de modalités de soutien à ces acteurs et de fonctionnement interne.
Nous avons commencé un travail de recensement les acteurs par secteur (mobilité, formation, alimentation, logement, IAE...) et avons constaté leur très grande richesse sur le terrain : 12 % des structures situées à Villeurbanne relèvent de l'ESS (contre 9 ,8 % dans le Grand Lyon). Une richesse qui est pourtant peu lisible et visible. Ensuite, nous travaillons à l'identification des modalités de soutien de la collectivités à ces acteurs. Subventions, aides au fonctionnement, à l'investissement, mises à disposition de personnel, de locaux... De nombreuses aides existent. Enfin, nous avons repéré certaines directions qui ont déjà, à leur manière, développé une politique ESS, portées par des hommes ou femmes qui sont sensibles à ses enjeux. C'est le cas par exemple de la « restauration collective », qui travaille déjà autour des notions de circuits-courts.
Ces états de lieux de l'existant, qui doivent être affinés, vont nous permettre de passer à la deuxième étape : la co-construction d'une stratégie ESS avec les acteurs. Nous avons notamment notamment prévu une réunion publique en novembre pour démarrer ce gros chantier.
Pour vous, quels sont les enjeux auxquels il faut être particulièrement attentif dans cette co-construction ?
Depuis que je suis élue, j'essaie de garder trois grands principes en ligne de mire.
-La transversalité. La grande difficulté de l'ESS est qu'elle touche de nombreux domaines. Il faut faire attention à ne pas être en concurrence avec les autres politiques : le développement durable ou la vie associative par exemple. L'ESS doit leur être complémentaire, les nourrir, sans interférer leur cadre d'actions.
-L'articulation. Nous ne devons pas travailler seul mais bien en intelligence avec les différents échelons de collectivités notamment le Conseil régional, la future Métropole, mais aussi les autres communes à proximité de Villeurbanne.
-La co-construction. Il faut absolument travailler avec les forces existantes sur le territoire. On ne décide pas tout de l'hôtel de ville ; il faut construire avec les acteurs. Ceux de l'ESS, mais aussi ceux de l'économie classique, pour les amener à mettre en œuvre des formes de coopération et leur insuffler les modes de faire de l'ESS.
Quels sont les autres chantiers sur lesquels vous allez vous pencher ?
S'appuyant sur la phase de diagnostic et en parallèle de la co-contruction de la politique ESS avec les acteurs, nous travaillons sur l'identification de besoins sociaux du territoire, afin de mobiliser les structures ESS pour y répondre. C'est aussi le rôle de la collectivité d'être prescripteur sur des sujets qu'elle a identifiés comme relevant de l'intérêt collectif.
Deux autres gros chantiers auxquels je vais m'atteler sont celui de la transversalité et celui des coûts évités. Deux enjeux forts, pas simples à mettre en œuvre.
Villeurbanne est sur le point d'adhérer au RTES [l'adhésion devrait être effective avant la fin d'année]. Pourquoi cette adhésion ? Qu'attendez-vous du réseau ?
Pour moi, le RTES est un lieu de partage. Le réseau permet d'échanger avec des collectivités qui développent une politique ESS depuis de longues années, de profiter de leurs expériences et de s'y appuyer. Il est également un lieu ressources, sur des aspects règlementaires, d'appels à projets, de financements... Des aspects qu'on ne maîtrise pas forcément lorsque l'on arrive sur un nouveau mandat. Enfin, adhérer au RTES, c'est aussi afficher ses valeurs et reconnaître son appartenance à un réseau qui les partage.