Congés solidaires : l’exemple de la Région Bretagne
La loi ESS prévoit dans son article 67 la rédaction d'un rapport sur « l’évaluation des dispositifs de congés existants pour favoriser le bénévolat associatif et sur la création d’un congé d’engagement pour l’exercice de responsabilités associatives bénévoles ». En Bretagne, le Conseil régional propose à ses agents des autorisations d'absence afin de s'engager dans un projet de solidarité et ce, depuis près de 10 ans. Entretien avec Christine Mercier, ancienne responsable du service en charge du soutien à l'ESS et à l'innovation sociale à la Région Bretagne.
_ Pouvez vous nous présenter le programme régional de congés solidaires?
Depuis 2005 et l'élection d'une nouvelle majorité, le Conseil régional offre à ses agents ayant plus de trois ans d'ancienneté, une autorisation d'absence de trois mois éventuellement renouvelable qui leur permet de s'impliquer bénévolement auprès d'un organisme reconnu, à vocation humanitaire, sociale, environnementale ou culturelle [62]. Ces 3 mois de congés peuvent être mobilisés en une seule fois ou fractionnés en journées d'absence et peuvent se dérouler en France et/ou à l'étranger. L'agent continue à percevoir son salaire pendant cette période avec l'assurance de retrouver sa position d'activités et son poste à son retour. Il peut perdre ses primes d'encadrement et renonce à une partie de ses congés et jours d'ARTT, au prorata de la durée de la mission. En contrepartie, le salarié s'engage à faire un retour d'expérience à ses collègues lors d'un temps d'échange, organisé sur la pause de midi ou via le journal interne ou via un blog qu'il alimentera durant la mission.
Quelle est la procédure pour déposer sa candidature ?
Les démarches sont très simples. Un appel à candidatures a lieu tous les ans et les projets, déposés au fil de l'eau, présentent l'association accueillante, la mission qui sera confiée à l'agent-e, les objectifs, ses motivations, le lieu et le calendrier souhaité. Cette demande est présentée à la commission sociale qui statue. La recherche et le choix de la structure accueillante sont laissés aux salarié-ées. Tous les ans le conseil régional peut accorder des congés solidaires à hauteur de 2 équivalents temps plein soit par exemple 8 congés solidaires de 3 mois. Depuis 2006, 14 projets sur 18 déposés ont bénéficié de ce dispositif pour des projets de natures diverses, dont 5 qui se sont déroulés en France et 9 à l'étranger.
Qu'est ce qui vous a amené à demander un congé de ce type ?
Je travaille dans des collectivités locales depuis 30 ans dont près de 20 ans à la direction économie de la Région Bretagne. J'éprouvais le besoin de faire un break et de renouer avec une expérience associative, bénévole mais à plein temps. Je souhaitais également me confronter aux réalités de la vie associative dans un pays du Sud. Enfin je voulais tester le dispositif régional de congés solidaires qui me semblait offrir un cadre propice à cette expérience. J'ai donc sollicité deux associations partenaires [63] que j'avais rencontrées dans le cadre de ma mission au service ESS de la Région.
Comment s'est déroulée votre mission auprès de ces associations ?
J'ai partagé mon temps entre les 2 associations avec un séjour d'un mois et demi au Burkina Faso et 2 sessions de 15 jours auprès de l'association bretonne. J'ai participé au développement et la pérennisation des activités des 2 associations mais aussi à la formation des animateurs burkinabés [64]. Pendant cette période, l'association bretonne bénéficiait d'un DLA (Dispositif local d'accompagnement) ; ma mission au Burkina Faso a donc également permis d'enrichir ce DLA d'une analyse des activités du partenaire burkinabé.
Quel bilan tirez-vous de cette expérience et plus largement du dispositif proposé par la Région Bretagne ?
Le dispositif fonctionne bien, il est facile à mobiliser et offre un cadre très favorable au salarié. La Région Bretagne est la seule collectivité locale à proposer un dispositif aussi favorable. Il est dommage qu'aussi peu d'agents s'en saisissent alors que nombreux sont ceux qui souhaitent sortir du train-train quotidien. Il me semble que la Région, en plus des temps de restitution, pourrait renforcer sa communication sur ce programme en valorisant davantage les différentes expériences des salariés ayant bénéficié d'un congé solidaire pour donner des idées et montrer tout ce qu'il est possible de faire, les différentes modalités d'organisation par rapport à la Région. Un certain nombre d'agents sont potentiellement intéressés mais ne savent pas comment trouver un projet à rejoindre. Peut-être pourrait-on les aider en leur proposant une liste de projets et d'associations susceptibles de les accueillir ?
Quant à moi, je suis ravie de cette expérience. J'ai pu découvrir d'autres modes de fonctionnement, mesurer l'impact de projets bien ancrés sur leur territoire mobilisant des bénévoles ici et là-bas mais aussi les difficultés rencontrées par les associations burkinabés dans la pérennisation de leurs projets. Ce congé m'a permis de prendre de la distance avec mon travail quotidien et d'enrichir mes réflexions sur mon évolution de carrière. Depuis quelques mois, et avant de reprendre une formation en octobre, je travaille au sein du service en charge de la coopération internationale, un prolongement naturel de ma mission bénévole.