Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Publié le 10 juin 2013

Ungersheim, village post-pétrole

Restauration bio en circuits-courts, centrale photovoltaïque, habitat coopératif, monnaie locale, scic, démocratie participative... Depuis leur première élection en 1989, Jean-Claude Mensch et un groupe d'élus municipaux convaincus, ont engagé leur commune de 2000 habitants dans un processus de transition vers un développement économique et social post-pétrole. Rencontre avec le Maire de la commune.

Qu'est ce qui a motivé l'inscription de votre commune dans cette démarche de territoires en transition ?
C'est l'aboutissement d'une maturation progressive. Pendant 25 ans, nous avons été les Monsieur Jourdain de la transition en lançant de nombreux projets de transformation sociale et écologique. Nous n'avons rejoint le réseau « en transition » qu'en 2011, après l'avoir découvert dans un film présentant Rob Hopkins [120] et l'expérience de la ville de Totnes dans le sud-est de l'Angleterre.

Comment commence l'histoire d'Ungersheim en Transition ?document.jpg
Le point de départ de notre démarche a été la volonté de réduire les coûts liés à la consommation d'énergie de la commune. Par exemple l'école et sa piscine étaient chauffées au tout-électrique. Nous avons donc lancé une campagne de diagnostic énergétique des bâtiments publics et mis en œuvre un certain nombre de préconisations issues de ces études. Nous avons ainsi couvert le toit de la piscine de solaire thermique, construit une chaufferie bois pour alimenter une partie des bâtiments municipaux et initié une centrale photovoltaïque d'une puissance de 5,3 mégawatts. Ce qui répond aux besoins en électricité d'environ 10 000 personnes. En parallèle, nous avons réduit de 40 % la facture liée à l'éclairage public et nous avons mis en place des primes pour inciter nos concitoyens à s'équiper en solaire thermique.

L'impact de votre démarche dépasse le seul cadre de la consommation et de la production d'énergie... 
Ce n'est en effet qu'une des facettes d'un processus de transition. Nous menons des actions transversales qui permettent aussi de renforcer le lien social, de dynamiser l'économie locale, de préserver les écosystèmes, d'agir sur la santé publique...
document.jpgPar exemple, partants du constat que les 1000 hectares de terrains agricoles que compte la commune ne servaient pas à alimenter la population locale, nous avons décidé de confier la culture de 8 hectares de terres à un jardin d'insertion. Cette production maraîchère nous permet de fournir la cantine scolaire en circuits-courts bio. Et pour pousser la démarche jusqu'au bout, c’est également une association d'insertion qui va, via une Scic, gérer notre toute récente cuisine centrale. A la clef, c'est une nourriture de qualité pour nos enfants, un environnement préservé mais aussi des emplois locaux pérennes [121].
Et même pour des projets centrés sur la production d'énergie, comme la centrale photovoltaïque, les impacts positifs sont plus vastes. Pour faciliter le montage financier - 17 millions d'euros d'investissement - ce projet a été élaboré en partenariat avec un producteur privé d'énergie. Les panneaux solaires sont posés sur le toit de 9 bâtiments [122] qui permettent d'accueillir une pépinière d'entreprises employant 70 personnes !

Quels liens faites-vous entre ESS et transition ?
Nous sommes au cœur d'un processus de changement de paradigme et de transformation sociale. ESS comme transition sont les sources d'une nouvelle économie fondée sur des activités économiques ancrées sur leurs territoires, et qui en plus d'être utiles au plus grand nombre, créent du lien et impliquent les citoyens !
document.jpgPour pérenniser notre démarche de transition, au-delà des enjeux politiques et électoraux, nous nous appuyons sur les outils que nous offre l'ESS. Nous créons actuellement une Scic pour gérer la cuisine centrale et la future conserverie qui complètera l'équipement. Cette Scic, prévue pour juillet, prendra aussi en charge la commercialisation des produits du maraîchage [123], la mise en place d'une monnaie locale, et la mise sur pied d'une malterie et d'une micro-brasserie... C'est également une manière d'amplifier la participation citoyenne déjà à l’œuvre depuis de nombreuses années sur le territoire de la commune [124].

Quel regard portez-vous sur les projets gouvernementaux de soutien à l'ESS ?
La bonne nouvelle a été la création d'un ministère dédié à l'ESS et l'annonce de la mise en place de fonds de soutien au secteur. Mais pour le moment, on ne voit pas de débouchés concrets sur lesquels nous pourrions nous appuyer pour démultiplier nos actions. Le type d'innovations que nous portons à Ungersheim ne semble pas être la priorité du gouvernement. Il continue à mettre au centre de sa politique l'idée de croissance. Une idée qui nous est présentée comme un objectif incontournable alors que l'on sait qu'elle ne mesure pas les progrès sociaux, écologiques ou démocratiques d'une société. L'ESS comme les démarches de transition restent donc encore des gisements d'emplois non exploités.

Votre commune vient de rejoindre le RTES, quelles en sont les raisons ?
C'est la démarche de mise en réseau qui nous intéresse. On s'enrichit mutuellement, on améliore nos actions, on apprend des erreurs de ses pairs. Et puis faire réseau c'est aussi créer des rapports de force et devenir collectivement des relais d'opinion pour informer, et, à terme, faire pencher la balance du bon côté

Jean-Claude Mensch, Maire d'Ungersheim, est un ancien électricien mineur de fonds dans les mines de potasse alsacienne. Il est également un militant syndical et associatif de longue date à l'origine de la création d'une MJC, d'un club sportif et d'associations mémorielles sur l'histoire et le patrimoine du bassin minier.

Retrouvez ici le plan d'actions d'Ungersheim

Lire également l’interview de Corinne Coughanowr, membre du réseau Territoires en Transition: 120 initiatives citoyennes pour une société dé-carbonée


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Ungersheim, un défi écologique par Alsace20