« Dans l’ESS, c’est la société civile qui est aux commandes »
Forte de son expérience associative au service du droit des femmes, et de son expérience professionnelle dans le domaine de l’emploi, Marie-Guite Dufay s'occupe, dès 1989, de la politique de la ville puis de l'action sociale au conseil municipal de Besançon. Elle intègre le Conseil régional de Franche-Comté en 2004 pour s'occuper du développement économique, de l'emploi et de l'ESS. A la tête de la Région depuis 2008, elle préside également la Commission ESS à l'Association des Régions de France. Elle nous parle de sa région et de sa vision de l'ESS.
Quelles sont les caractéristiques de l'ESS dans votre région ?
On compte aujourd'hui en Franche-Comté 11 000 structures de l'ESS. 4 000 d'entre elles sont porteuses d'emplois représentant 10 % de l'emploi régional avec 40 000 salariés. Comme partout en France, les associations sont les principaux employeurs avec 87 % des postes. La particularité régionale réside dans une forte présence des acteurs de l'insertion par l'activité économique. Les premières expériences dans ce secteur sont nées il y a 35 ans avec l'entreprise Besançon Tous Travaux. Autre acteur majeur : Juratri, une entreprise d'insertion créée en 1993 par une association et des entreprises. Elle est devenue Scop en 2005 et a été la première entreprise franc-comtoise soutenue dans le cadre du Grand Emprunt pour ses activités de recyclage. Elle compte aujourd'hui 120 salariés dont la moitié en insertion et a multiplié son chiffre d'affaires par 2,5 en cinq ans. Si l'histoire montre une tradition coopérative locale avec les premières fruitières à comté dès le 13è siècle et la figure historique de Pierre-Joseph Proudhon, théoricien de la production et de l'organisation coopérative, nous comptons paradoxalement peu de Scop en Franche-Comté aujourd'hui.
Tout va donc bien pour l'ESS régionale ?
En Franche-Comté comme ailleurs, le secteur doit gagner en visibilité et en synergie. Nous travaillons à sa structuration et les Etats généraux de l'ESS ont permis d'accélérer le processus. Ils ont été l'occasion pour nous d'impulser l'organisation d'un grand chantier régional. La CRESS a assuré la coordination en s'appuyant sur l'expertise et la méthodologie de l'Avise. Des nombreux chantiers lancés au cours des derniers mois émergent déjà des projets à fort potentiel structurant : des formations pour les dirigeants d'entreprises de l'ESS ou l'organisation d'une convention d'affaires sur le modèle de Coventis en Languedoc-Roussillon. Ce type de temps forts doit permettre de développer les activités des acteurs de l'ESS mais aussi de communiquer en direction du grand public, des collectivités locales et des entreprises classiques de plus en plus concernées par les démarches de consommation responsable.
De quelle manière peut-on faire évoluer le regard porté sur l'ESS ?
L'ESS ne doit pas apparaître comme un secteur économique dédié à la réparation des conséquences de l'économie capitaliste brutale. Elle est un secteur économique offrant des services répondant à des besoins sociaux des habitants ou des entreprises. Elle est actrice du développement local et les collectivités ont à accompagner sa montée en puissance. Dans ce cadre, le rôle du RTES favorise les échanges de bonnes pratiques en réseau. Les élus locaux doivent être à l'écoute du secteur, c'est la société civile qui est aux commandes avec sa connaissance des territoires, sa réactivité et sa capacité à innover. La valorisation de l'innovation sociale est d'ailleurs un enjeu majeur. Elle doit pouvoir bénéficier de financements au même titre que l'innovation technologique mais cela passera probablement par une loi cadre sur l'ESS qui sortira des considérations statutaires pour donner la priorité aux projets et aux valeurs telles que le partage des bénéfices, la lucrativité limitée et des échelles de revenus raisonnables.
Pour en savoir plus sur l'ESS franc-comtoise : www.franche-comte.fr