Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

ESS, territoires et transitions à l'échelle européenne - conférence en ligne mai 2020

Le RTES organisait une conférence en ligne sur la thématique ESS, territoires et transitions à l'échelle européenne, le 5 mai 2020 qui a réuni plus de 90 participants. Cette visioconférence était l'occasion de faire le point sur le Green Deal et les politiques européennes qui peuvent être mobilisées pour accompagner les différentes transitions et la façon dont structures de l'ESS et collectivités locales peuvent s'en emparer.

 

Patricia Andriot, élue d’une commune rurale de 350 habitants en Grand-Est et vice-présidente du RTES, rappelle en ouverture que le RTES a choisi d’aborder ce sujet à plusieurs dimensions car il est convaincu que c’est dans l'articulation entre les territoires et l’échelle européenne que les différentes transitions pourront être engagées. La crise Covid-19 invite les territoires à se questionner sur la façon dont ils s’emparent de l’Europe, au-delà de la question financière, car elle nous inscrit de fait dans un contexte européen. Si l’enjeu des transitions économiques, sociales et environnementales était déjà présent, le sujet revient au devant de la scène avec la crise Covid-19.

Patricia Andriot invite les collectivités locales à s’emparer de 4 enjeux :

- l’imaginaire : besoin de se projeter et de penser la construction européenne. Au RTES nous sommes convaincus que l’ouverture sur l'extérieur, les échanges et les coopérations transnationales sont très importants. Beaucoup de collectivités sont d’ailleurs investies sur cette dimension.

- le réglementaire : la vision européenne s’inscrit dans une visée très concurrentielle, ce qui n’est pas sans poser certaines questions et problématiques. Il nous semble important de penser davantage en terme de coopérations que de concurrence. Mais cela suppose de se mobiliser pour que les cadres évoluent. Il y a déjà des possibles dans les outils européens, comme les SIEG qui permettent d’éviter la mise en concurrence : exemple du SIEG Strasbourg pour le réemploi textile.

- le financier : en ce moment se discute la nouvelle programmation européenne 2021/2027, et la façon dont les fonds structurels européens seront priorisés pour les prochaines années. Il y a là aussi un enjeu à se mobiliser sur ce point. Le commissaire européen à l’emploi et aux droits sociaux, Nicolas Schmit, a par ailleurs fait une communication très encourageante sur la nécessité de mettre l’ESS au coeur des plans de relance.

- la co-construction : l’articulation entre les différents niveaux de collectivités locales d’une part (par exemple dans le cadre de l’élaboration des POR) et les relations entre collectivités et acteurs du territoire d’autre part. 

Denis Stokkink est président de Pour la solidarité, structure européenne qui travaille pour une Europe sociale et durable en faisant du lobby auprès des institutions européennes, et membre du GECES, le groupe d’experts ESS auprès de la Commission européenne. La Commission européenne a été renouvelée en novembre 2019 et a adopté en décembre 2019 le Green Deal, qui est une politique, une vision de transition pour les 30 prochaines années. Denis Stokkink appelle à se saisir de ce Green Deal, qui représente une opportunité historique pour faire évoluer les politiques publiques, pour co-construire des réponses aux défis de la transition. Le Green Deal est un plan d’actions ambitieux (réduction de 55 % des GES d’ici 2030) qui entend mobiliser 1000 milliards d’€ d’ici 2030, en fonds publics et privés. Le Green Deal se décline à travers 7 domaines d’action : énergie, industrie durable, construction et rénovation, mobilité durable, biodiversité, chaîne alimentaire et élimination de la pollution et 55 actions. Donc par rapport aux actions des collectivités territoriales, cela concerne l’agriculture urbaine, le développement du vélo, le développement de la biodiversité, etc.

Denis Stokkink rappelle que les financements européens prennent 2 formes. Les fonds structurels (FSE, FEDER, FEADER…) gérés au niveau des autorités de gestion : régionales ou nationales. En France, les cadres sont donc décidés par des français pour des français. C’est actuellement le moment d’influencer les décideurs régionaux, nationaux pour définir les orientations, et faire en sorte que l’ESS soit reconnue. Et les fonds transnationaux, décidés au niveau européen, qui portent sur de nombreuses politiques : l’environnement avec le programme Life ; l’éducation avec Erasmus + ; les grandes innovations avec le programme H2020, etc. Les acteurs français répondent relativement peu par rapport à d’autres, et c’est dommage. 

Patrick Klein, chef de service Economie sociale et entreprises sociales à la DG Grow, Commission européenne, rappelle que contrairement aux craintes que l’on peut entendre, Ursula von der Leyen a affirmé que le Green Deal était tout aussi important qu’avant la crise. Les défis de transition sont toujours d’actualité et le seront encore dans le futur. L’enjeu est bien de transformer la société et les acteurs ESS sont vecteurs de cette transformation, ce qui a été rappelé par le commissaire Nicolas Schmit : l’ESS doit trouver une place forte dans le plan de relance pour une croissance verte.
Les acteurs de l’ESS sont concernés par le Green Deal et peuvent pleinement répondre à ses enjeux, comme par exemple en matière d’énergies renouvelables, de transition alimentaire, les circuits courts, de développement de l’agroécologie, etc. Le Green Deal est une grande ligne directrice qui va nous aider à construire des lignes politiques fortes.

Les dispositifs et programmes de la Commission européenne en matière d'ESS sont nombreux : depuis maintenant près de 10 ans, la Commission européenne a mis en place le GECES, groupe d’experts sur l’ESS. La Commission européenne souhaite partager les expériences et co-construire les politiques publiques, mais aussi les écosystèmes, créer des réseaux et diffuser les bonnes pratiques. Côté financements, la CE a financé des consortiums pour favoriser l'entrepreneuriat social et solidaire avec le financement d’initiatives comme les coopératives de jeunesses. La Commission a développé l’initiative ESER : des villes, régions ont été invitées à organiser des événements très locaux en présence de membres de la CE, leur permettant de découvrir ce qui se passe sur le terrain. Occasions de constater que les besoins sont souvent les mêmes : partage de bonnes pratiques, d'expérimentations, coopération dans les territoires qui porte en elle les germes d’une Europe sociale beaucoup plus forte. Un appel à projets est actuellement en cours : Social Economy Missions, ouvert jusqu’au 9 juin, via lequel les collectivités sont invitées à se réunir et à échanger sur une dizaine de thématiques. L’initiative UIA est également citée. Une conférence européenne de l’ESS est prévue à Mannheim en novembre 2020. Et il est prévu un plan d’action sur l’ESS pour le 2ème semestre 2021 qui va se décliner par une politique, des appels à projets…

Pour terminer, les intervenants étaient invités à formuler un conseil aux collectivités locales :

Denis Stokkink invite chacun à se saisir du Green-Deal pour construire les transitions. 

Patrick Klein invite les participant.e.s à Mannheim à l’occasion du Sommet européen de l’ESS, pour poursuivre les discussions. Il invite également les participant.e.s à venir à Bruxelles : la Commission européenne a besoin de rencontrer les acteurs et les collectivités, d’avoir des retours sur les politiques européennes, pour créer des politiques pertinentes qui se traduiront par des financements pertinents.

Patricia Andriot invite chacun à se former à la culture européenne, à aller à Bruxelles et à sortir du cadre franco-français. S’inscrire dans des projets européens suppose de dédier des moyens spécifiques, de développer de l'ingénierie, car les fonds européens répondent à une logique spécifique. Mais cela apporte aussi beaucoup.

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