« Nous sommes sur une île, par la force des choses ça nous pousse à trouver des solutions innovantes » - Entretien avec Sandrine Aho Nienne
Sandrine Aho Nienne est adjointe au Maire de Saint-Pierre de la Réunion, en charge de la politique de l’emploi et de la formation, ainsi que de l'ESS. Dans cet entretien, elle revient sur l'état de développement de l'ESS encore en émergence sur l'île de la Réunion, et sur les perspectives ouvertes par l'économie circulaire. Elle retrace également pour nous son parcours, les grands axes du soutien de la ville de Saint-Pierre à l'ESS et les apports du RTES.
Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a amené à prendre en charge l’ESS dans le cadre de votre mandat ?
Je travaille depuis plus de 15 ans dans le domaine de l’insertion professionnelle. Logiquement, quand j’ai été élue en 2014 j’ai eu la délégation de l’emploi, alors même qu’un service « emploi » de la Ville de Saint-Pierre venait d’être créé. J’ai rajouté l’ESS à cette délégation. Pour moi l’ESS, comme les nouvelles formes d’économie, collaborative, circulaire, etc, est un vivier d’activités et d’emplois, notamment peu qualifiés, et elle permet de répondre à des besoins non satisfaits jusqu’à présent. A la Réunion, le taux de chômage avoisine les 25 %, avec un public souvent peu qualifié, or l’ESS est une opportunité notamment pour ce type de public qui aura du mal à s’insérer dans le secteur privé classique.
Quels sont les grands axes du soutien de la municipalité de Saint-Pierre de la Réunion à l’ESS ?
Pour le moment, notre priorité est de dresser un état des lieux de ce qui existe sur le territoire en matière d’ESS. Des projets sont en cours, des structures existent mais on ne les connaît pas toutes forcément car nous n’avons pas encore de service « ESS » à la Ville de Saint-Pierre. A terme, l’objectif de ce service sera d’être un lieu ressource centralisé pour l’accompagnement des porteurs de projets dans l’ESS. On n’a pas encore pu embaucher un chargé de mission dédié à l’ESS, mais son rôle sera de répertorier les acteurs du territoire et de les mettre en cohérence afin qu’il n’y ait pas de concurrence entre les structures. Un autre objectif sera de faciliter l’installation des acteurs de l’ESS sur la Ville de Saint-Pierre.
Actuellement, notre service « emploi » travaille de manière transversale avec tous les autres services de la collectivité, mais surtout avec celui de la politique de la ville et celui de l’aménagement, qui porte le nouveau projet de redynamisation urbaine signé par la Ville dans le cadre du NPNRU sur le quartier Bois d’Olives. Nous sommes également lauréat de l’appel à projets du Programme d’Investissement d’Avenir (PIA) et notre programme contient des actions en lien avec l’ESS (nouvelle gouvernance alimentaire, politique de recyclage et de valorisation des déchets, mode de mobilité alternatif, maîtrise de la demande en énergie…).
Nous travaillons aussi à la création d’un PTCE qui sera cofinancé par la Ville et le contrat de ville, qui apporte des moyens supplémentaires bienvenus dans le contexte actuel de restriction budgétaire pour les collectivités. Avant la création d’un service « ESS » sur toute la ville, nous souhaitons déléguer à ce PTCE la gestion de l’accompagnement des structures de l’ESS présentes sur le quartier Bois d’Olives. Ce PTCE va d’ailleurs répondre à l’appel à projets expérimental sur l’ESS du Ministère des Outre-Mer. L’idée est que le quartier Bois d’Olives devienne une vitrine de l’ESS pour toute la ville, un lieu d’expérimentation avant de généraliser à toute la ville.
Quels sont les principaux acteurs de l’ESS et domaines d’activités, sur votre territoire et sur l’île de la Réunion ?
A la Réunion, jusqu’à présent l’ESS n’était pas vraiment reconnue, elle commence seulement à émerger en tant que telle. Nous restons en décalage avec la métropole, on doit encore faire connaître l’ESS, il y a un gros travail pédagogique et de communication à mener auprès des élus, des citoyens, mais cela commence à prendre. On souhaite y aller progressivement, en montrant par l’exemple, par des actions concrètes que c’est réalisable. Au niveau de la région et du département, ils se mettent aussi à l’ESS, il y a une bonne dynamique. Selon les chiffres de la CRESS de l’île de la Réunion, le champ de l’ESS a marqué une progression de plus de 38 % en terme d’emplois entre 2005 et 2013. Un changement de mentalité est en train de s’opérer dans le milieu associatif. Les associations savent qu’elles ne peuvent plus compter uniquement sur les subventions pour se financer. La ville de Saint-Pierre les accompagne dans ce virage, par le biais du DLA, nous aidons les associations porteuses d’emplois à se professionnaliser, à répondre aux appels à projets et à gérer différemment leurs structures.
Une entrée pour le développement de l’ESS sur l’île de la Réunion passe par l’économie circulaire, par une gestion attentionnée des déchets pour éviter les gaspillages. Nous faisons le tri sélectif mais on ne génère pas assez de tonnage, d’économies d’échelle dans le processus industriel sur l’île pour pouvoir recycler sur place. On compacte puis on exporte nos déchets, car le faire ici ne serait pas assez rentable. Nous sommes sur une île, par la force des choses ça nous pousse à trouver des solutions innovantes. Plus largement, sur l’île, EcoPAL, qui organise une filière de recyclage de palettes, est actuellement le seul PTCE. Par ailleurs, je suis en lien avec la technopole de la Réunion, avec les créateurs d’une application pour smartphone sur la gestion des déchets alimentaires dans les restaurants notamment.
Saint-Pierre de la Réunion est la première collectivité de l’île de la Réunion à avoir adhéré au RTES, en février 2016. Qu’est-ce-que vous apporte notre réseau et qu’avez-vous envie d’y apporter ?
Depuis notre adhésion en février, l’intercommunalité de Saint-Pierre, la CIVIS, a également adhéré au RTES. Il y a une dynamique, un engouement qui se crée.
Lors de ma prise de fonction, j’ai consulté beaucoup de sites internet, et j’ai notamment découvert le site internet du RTES que j’ai trouvé très complet. A présent, l’adhésion au RTES m’ouvre l’accès à un réseau d’élus, cela me permet de rentrer en contact directement avec des collectivités, de bénéficier de leur expérience et ainsi de gagner du temps.
A terme, nous allons mettre en place des projets créateurs d’emplois pour des profils peu qualifiés, notamment en matière de lutte contre le gaspillage et l'utilisation de nos ressources naturelles, tant dans le domaine alimentaire qu'énergétique.