Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

François Dechy, maire, ville de Romainville
Publié le 20 mai 2021 - mis à jour le 20 juillet 2022

"Pour favoriser la souveraineté alimentaire de nos villes, il faut recréer de véritables filières de proximité" - Entretien avec François Dechy

François Dechy est maire de Romainville, et par ailleurs co-fondateur du groupe solidaire Baluchon. Il revient pour nous sur les grands axes du développement de l'ESS à Romainville et sur les actions de la Ville pour favoriser l'accessibilité à une alimentation durable locale.

Quels sont les grands axes de votre action pour le développement de l’ESS à Romainville ? Comment l’ESS s'inscrit-elle de manière transversale au sein des différentes politiques locales ?


Nous sommes face à une multiplication exponentielle des crises. Crises sanitaires, sociales, économiques, écologiques nous montrent que nous arrivons clairement à la fin d’un cycle. La tâche est immense et il nous faut  amortir les effets sociaux de ces multiples crises tout en modélisant de nouvelles méthodes d’actions.

Dans ce contexte je suis persuadé de la force de l’ESS comme vecteur de structuration de nouveaux écosystèmes locaux, denses en emploi et au creuset des nombreuses transitions qu’il nous faut opérer. Mon rôle en tant que Maire c’est d’accompagner les acteurs du territoire et de favoriser leur développement.

En lien étroit avec l’établissement public Est Ensemble qui porte la compétence, nous travaillons dans un contexte de forte pression foncière au maintien d’activités économiques sur notre territoire. Cela nécessite une volonté politique forte face à un marché de l’immobilier de plus en plus incontrôlable. Mais nous avons la chance d’avoir un écosystème d’acteurs de l’économie sociale et solidaire important qui s’est installé sur notre territoire, souvent d’ailleurs sur du foncier mutable. Il nous faut désormais sédentariser ces activités de manière pérenne.


Mais au-delà de l’accompagnement, nous avons un travail majeur à mener sur l’éviction de richesses du territoire que produit le mode de fonctionnement des marchés publics actuel. Ainsi nous entamons un travail fin sur notre programmation pluriannuelle des marchés publics afin qu’ils deviennent de véritables leviers de structuration des acteurs de l’ESS sur notre territoire.


Par ailleurs, la ville a décidé de porter elle-même un chantier d’insertion dans le cadre de notre Agence Communale de la Transition Ecologique et Solidaire (ACTES), qui vise à positionner les personnes les plus éloignées de l’emploi sur des métiers liés à la transition écologique.


Enfin c’est une culture administrative de co-construction de l’action publique avec les acteurs engagés du territoire que nous tentons d’insuffler. Le service public n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il s’inscrit dans des dynamiques territoriales fortes.



Le RTES organise cette année un cycle de conférences autour de l’alimentation durable. Romainville est un territoire pionnier de l’agriculture urbaine et de l’alimentation durable. Quelles sont les dernières actualités de vos actions dans ce domaine ?


En la matière, je suis persuadé que pour favoriser la souveraineté alimentaire de nos villes, il faut recréer de véritables filières de proximité à des échelles raisonnables. Des liens forts entre productions maraichères vertueuses en zones périurbaines / rurales et consommation en zone dense métropolitaines doivent être recréés. Si des équipements comme la cité maraichère [voir notre fiche Déniché pour vous] peuvent constituer les démonstrateurs d’une alimentation durable, ils ne peuvent, loin s’en faut, permettre l’accès à l’autosuffisance alimentaire.


C’est pour répondre à cette idée force qu’ACTES a pour projet de vendre à prix raisonnés dans nos différents quartiers populaires de la ville des légumes bio et de saison. C’est un projet majeur d’éducation populaire au goût et au bien manger que nous tentons de développer.
Dans la même philosophie, nous menons une expérimentation sur la réimplantation de cuisines au sein des écoles, alimentées en produits issus de circuit court, bio et de saison. Au-delà de fournir aux enfants une nourriture équilibrée et de qualité, nous voulons construire un projet pédagogique fort au sein de ces écoles.
 

Suite à la crise de Covid-19, quelles ont été les conséquences pour les acteurs de l’ESS sur votre territoire ? 


Il est difficile alors que nous sommes toujours plongés dans cette crise sanitaire de tirer des constats définitifs. Mais mon sentiment c’est que globalement le secteur de l’ESS de par sa lucrativité limitée, son mode d’organisation plus horizontal et l’impact social et environnemental qu’elle produit, a mieux résisté à la crise que d’autres secteurs. Pour autant il reste plongé dans un environnement économique pour le moins incertain et est donc forcément impacté.
Ma certitude en la matière c’est que plus que jamais nous avons besoin de l’Economie Sociale et Solidaire. Non pas pour gérer les externalités négatives du modèle productiviste et à flux tendu dominant, mais pour définir un contre modèle puissant, qui allie développement économique, respect du vivant et égalité sociale.
Et les collectivités locales ont un rôle majeur d’entrainement à jouer en la matière et notamment en repensant nos marchés publics pour qu’ils s’inscrivent dans un mode de développement endogène de nos territoires. C’est un chantier énorme qu’il va nous falloir tous ouvrir.


Vous êtes un nouvel administrateur du RTES. Quelles sont vos attentes vis-a-vis du réseau ?


C’est tout d’abord un vrai plaisir de participer à ce beau réseau. Vous l’avez compris je suis fermement convaincu de la nécessité de renforcer plus fortement encore le lien entre ESS et collectivités locales pour construire des territoires plus résilients, sobres, denses en emploi local et accessibles à nos habitants. Je crois fermement que les réponses durables aux enjeux de notre temps se construiront en permettant la rencontre entre une société civile engagée et des pouvoirs publics en accompagnement et en soutien.