Réemploi textile et alimentaire, quand les collectivités travaillent avec les structures de l'ESS - conférence en ligne 2019
A partir de retours d’expériences d’acteurs et de collectivités territoriales qui portent des initiatives innovantes en matière de réemploi textile et alimentaire, cette conférence présente les différents leviers d’action des collectivités territoriales pour favoriser des filières de réemploi locales et solidaires et préciser les conditions pour que ces partenariats soient structurants sur les plans économiques, sociaux et environnementaux.
La gestion des déchets représente un enjeu majeur au regard des impacts environnementaux et du développement local et solidaire. S’il s’agit bien d’une responsabilité de tous, la mobilisation des collectivités est une condition essentielle pour progresser vers une économie circulaire. De leur côté, les structures d’économie sociale et solidaire ont depuis longtemps su concilier collecte, valorisation des déchets et réinsertion de publics en difficulté, et proposent aujourd’hui des réponses innovantes pour répondre aux enjeux de transition énergétique des territoires.
A partir de retours d’expériences d’acteurs et de collectivités territoriales qui portent des initiatives innovantes en matière de réemploi textile et alimentaire, cette conférence présente les différents leviers d’action des collectivités territoriales pour favoriser des filières de réemploi locales et solidaires et préciser les conditions pour que ces partenariats soient structurants sur les plans économiques, sociaux et environnementaux.
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Différents textes de lois et réglementations encouragent les collectivités à mobiliser les acteurs de leur écosystème territorial pour expérimenter des solutions en vue de la réduction des déchets, de leur réemploi et de leur valorisation. La loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte d’aout 2015 fixe ainsi des objectifs chiffrés en matière de réduction et de valorisation des déchets à horizon 2020 ou 2025 (elle impose par exemple que l'ensemble des territoires aient mis en place d’ici 2025 une politique de collecte et de tri des biodéchets). Il en est de même de la Feuille de route économie circulaire de 2018 qui doit se traduire par une loi « économie circulaire » au printemps 2019.
Si la gestion déchets des ménages et assimilés est une compétence des intercommunalités, l’ensemble des niveaux de collectivités territoriales sont concernées par les enjeux de développement durable : au-delà de la responsabilité de la collecte et du traitement des déchets des ménages, les collectivités ont un rôle majeur à jouer en matière de prévention, de recyclage, de valorisation organique et énergétique, mais aussi pour fédérer les acteurs locaux ou intégrer la politique « déchets » dans d’autres politiques du territoire (développement économique, transports, énergie et climat, urbanisme, ...).
Les collectivités territoriales disposent donc de plusieurs leviers pour soutenir des structures de l’ESS qui agissent en matière de réemploi et valorisation alimentaire et textile :
- Connaitre/faire connaitre
Diagnostic territorial partagé, valorisation des porteurs de projets ESS auprès des élu.e.s et agents « Déchets », etc. L’enjeu est de favoriser l’interconnaissance et la transversalité.
- Les aides directes et le conventionnement
Peuvent porter sur tout ou partie du projet. Exemple d’un conventionnement portant sur la facilitation d’accès à la ressource mis en place par l’Eurométropole de Strasbourg dans le cadre d’un SIEG sur les prestations de collecte, réemploi et recyclage des TLC.
- La mise à disposition de foncier
La ville de Romainville met par exemple à disposition ses anciennes cuisines centrales à Baluchon pour des espaces de laboratoire et recherche.
- La commande publique responsable
-Par l’objet du marché lui-même et par des clauses environnementales dans les spécifications techniques et conditions d’exécution
-Par une entrée économique et notamment via une approche en coût global : le coût cycle de vie
-Par le développement de partenariats d’innovation qui permettent notamment de développer la dimension recherche et développement
- La structuration des acteurs
Exemple des missions des référents secteurs, animées et coordonnées par les Ecossolies ; en lien étroit avec Nantes Métropole.
- L’investissement direct de la collectivité
Dans la gouvernance et au capital d’une SCIC : Exemple CC Pays de Colombey et Sud Toulois actionnaire de la SCIC Le Relais Lorraine.
Au sein d’un PTCE : Exemple du PTCE Rennais Les EcoNautes.
Dans le développement de laboratoires dédiés : Exemple Est Ensemble et le Lab3S « Sols Savoirs Saveurs ».
Sophie Lebert, Responsable du Pôle Contrôles Prestations Gestion déchets Orléans Métropole et Corinne Mathiassos, directrice de l’association Le Tremplin ont ensuite présenté la filière locale et solidaire textile mise en place sur Orléans Métropole. Le Tremplin est un Atelier Chantier d’Insertion (ACI) créé en 1985, avec 36,5 ETP en insertion et 9 permanents.
Dès 2008, l’agglomération se donne pour objectifs, dans le cadre de sa politique Déchets, de diminuer les quantités de déchets textiles incinérées en favorisant le réemploi ou la valorisation de matières et l’insertion des publics éloignés de l’emploi. L’agglomération lance en 2012 une étude pour définir les conditions de mise en place d’une filière dédiée aux textiles usagés sur le territoire. Un premier appel d’offre avec clauses d’insertion lancé en 2013 est remporté par un groupement auquel participe le Tremplin : collecte et maintenance par des entreprises d’insertion, création d’un centre de tri et d’une boutique solidaire. Suite au désengagement et à la liquidation judiciaire de structures du groupement, une convention de partenariat est signée en 2016 avec le Tremplin. Ce conventionnement d’une durée de 3 ans +1, +1 reprend le cadre du marché : il est mis en place sans contrepartie financière pour Orléans Métropole et il poursuit le partenariat avec les associations caritatives. Le Tremplin devient propriétaire du parc des contenants. Au-delà de ce conventionnement, Orléans Métropole aide Le Tremplin pour le financement des bornes textiles et subventionne d’autres investissements liés à son activité. La Métropole intervient également sur les actions de communication et de sensibilisation de la population (financement création visuels, organisation de défis, vide-grenier…), le suivi des anomalies terrain (débordements, dépôts sauvages), le développement d’une cartographie interactive des sites d’implantation, la prise en charge des refus textiles et la formalisation des relations avec ECOTLC. Grâce à la mise en place de cette filière textile l’association le Tremplin s’est structurée (+4ETP, +60% du chiffre d’affaire, développement d’activités, professionnalisation sur la filière textile et développement de nouveaux métiers).
Si la présence de porteurs de projets motivés et d’élus engagés apparait indispensable à la mise en place de filières locales et solidaires, Sophie Lebert et Corinne Mathiassos insistent également sur le diagnostic de territoire comme étape fondamentale pour identifier les acteurs du territoire, identifier leurs compétences et définir les interactions entre ceux-ci. Elles attirent par ailleurs l’attention sur la fluctuation du marché du textile, qui peut fragiliser des structures déjà fragiles.
Michel Millares, président de Gecco, a ensuite présenté Gecco, entreprise agréée ESUS qui collecte et valorise les déchets de la restauration (huiles de fritures en biodiesel et lubrifiant, marc de café en combustibles et bioplastiques, biodéchets en compost et biogaz). Au-delà de cette activité collecte et valorisation, Gecco développe des activités de recherche et développement en écoproduits, des activités de conseils et formations et un pôle de développement des territoires (accompagnement). Gecco a également co-créé le réseau Gecovalim qui réunit 7 entreprises et vise le transfert de savoir-faire, la mutualisation d’outils et le changement d’échelle du procédé (recherche-développement).
Gecco a contractualisé, dans le cadre de partenariats d’innovation, avec la ville de Lille, la ville de Charleville-Mézières et la CA de Béthune-Bruay pour l’alimentation de véhicules publics en biodiesel issus d’huiles de friture usagés. Ce projet, cofinancé par l’Union Européenne (programme Life) et la région Hauts-de-France, permet actuellement à 21 véhicules de rouler avec le carburant B30 de Gecco.
Ces partenariats d’économie circulaire sur les territoires permettent de réduire les émissions de Gaz à effet de Serre et les pollutions, de rendre le territoire plus résilient énergétiquement avec un mix d’énergies renouvelables, de maîtriser les budgets en limitant les investissements (le biodiesel créé ne nécessite pas de changer la flotte des véhicules), d’accroître la création de valeurs sur le territoire en relocalisant les filières de valorisation et d’améliorer la qualité de vie en créant de l’emploi local et en pérennisant le service public.
La mise en place de ces filières locales suppose au préalable : une volonté politique en faveur d’un engagement dans la transition écologique et solidaire et du cofinancement du projet. Elles supposent également une analyse des besoins du territoire en termes de service de collecte de déchets de l’agro-alimentaire et de besoins en énergies et matières renouvelables.
Les leviers d’action des collectivités locales :
- Identifier la/les structures porteuses : en s’appuyant sur les réseaux (CCI, CMA, CRESS)
- Réaliser une étude de faisabilité (besoins, gisements, exutoires, acceptabilité) : par le(s) porteurs du projet et en matière de financements, dispositifs publics existants (FDI, BPI, ADEME…)
- Développer l’offre en co-construction : partenariat d’innovation ; Réponse à des AAP en partenariat entre la/les collectivité(s) et le(s) porteur(s) de projet
- Contractualisation
Le partenariat d’innovation développé avec la ville de Lille s’est structuré en 3 phases : une première phase de test sur 3 véhicules (autocar, laveuse, aspiratrice) pour valider la faisabilité et le fonctionnement technique. La deuxième phase d’extension a porté sur une série de véhicules plus large (utilitaires et camions) puis une troisième phase s’élargissant à une autre typologie de véhicules avec moteurs plus récents. Ce partenariat d’innovation a permis de valider le carburant, valider la capacité de Gecco à fournir du B30 de manière régulière et qualitative et d’obtenir les autorisations pour commercialiser le carburant. La ville de Lille finance des analyses sur les lubrifiants moteurs, l’entretien et achète le carburant.
Ressources :
- Le diaporama de Sophie Lebert et Corinne Mathiassos
- Le diaporama de Michel Millares
- Le diaporama de Chloé Sécher
- La publication d'AMORCE, l’élu et les déchets, 2017.
- Un article de Michel Abhervé sur la place de l'ESS dans la loi lutte contre le gaspillage et économie circulaire
A noter, l’ADEME propose un programme d’accompagnement et de reconnaissance des politiques territoriales en faveur d’une économie circulaire, menant à terme à une labellisation.