Terre de Liens, une boîte à outils citoyenne pour l’agriculture de proximité
Entre l'urbanisation qui grignote les meilleures terres et la déprise agricole qui menace les territoires plus difficiles, la question foncière agricole préoccupe les collectivités locales. Agissant pour l’accès collectif et solidaire au foncier agricole et pour le développement de l’agriculture biologique de proximité, l'association Terre de Liens propose une boîte à outils pour la sauvegarde et la valorisation des terres avec à la clé l'installation de jeunes agriculteurs. Rencontre avec Bernard Giraudy [148] , ancien maire et membre de la commission nationale de Terre de Liens en charge des relations avec les collectivités locales.
Quel est le mot d'ordre de Terre de Liens ?
Terre de Liens est née d'une prise de conscience du recul de l'agriculture de proximité et des terres agricoles au sein des mouvements d'éducation populaire, de l'agriculture bio-dynamique, et d'établissements financiers tels que La Nef. Son projet est de repenser le rapport à la terre, de retrouver le sens de ce bien commun, de le protéger et de le valoriser par une agriculture paysanne respectueuse de l'homme et de l'environnement. Nous avons commencé en 2003 à accompagner l'installation de jeunes exploitants dans des reprises ou des créations de fermes en agriculture biologique. L'accès au foncier se révélant une difficulté majeure pour des personnes à faibles moyens et impliquant un endettement à vie, nous avons, dès 2006, créé la société Foncière Terre de Liens en capacité d'acquérir les terrains et de les louer aux agriculteurs. Pour augmenter ses moyens d'actions et d'investissements, la Foncière a lancé en 2008 un appel à l'épargne publique après avoir reçu les agréments de l'Autorité des Marchés Financiers (visa de l’AMF n°11 - 593 ) et de Finansol.
Votre développement est rapide. Quels sont vos moyens aujourd'hui ?
Aujourd'hui, Terre de Liens emploie 37 salariés dans 17 associations régionales et compte 1400 adhérents. La Foncière rassemble 6500 actionnaires pour un capital de 24 millions d'euros. Cela nous a permis d'installer près de 160 producteurs sur une centaine de fermes rachetées ou en cours de rachat. Cependant pour nous permettre de recevoir les dons de propriétés et de fonds que l'on nous propose régulièrement, nous avons créé un troisième outil : le Fonds de dotation Terre de Liens. Nous avons collecté près d'un million d'euros de dons monétaires et reçu sept fermes en donation, une vingtaine sont en cours de procédure. Ce statut ne permet pas encore aux collectivités avec lesquelles on travaille de transmettre des biens ou de financer des acquisitions. Cet obstacle devrait être levé avec la transformation du Fonds de dotation en Fondation reconnue d'utilité publique. Elle devrait voir le jour courant 2012.
Comment travaillez-vous avec les collectivités locales ?
Les collectivités sont des partenaires clés. Nous déployons nos outils aux services de projets de territoire. Nous intervenons sur demande pour de la sensibilisation, de la formation, des études de faisabilité, et de l'accompagnement... . De plus en plus souvent, ces interventions se font en coopération avec des chambres d’agricultures, des Safer ou d’autres structures ou associations. De la réflexion sur les plans d'aménagement PLU et Scot, à la pré-étude sur la création d'un pôle de maraîchage biologique en passant par la formation des élus et techniciens, nous appuyons les collectivités dans le maintien et la relance d'une vie agricole de proximité. Dans le Pas-de-Calais, par exemple, nous travaillons avec la Communauté de communes de Fruges sur une couveuse d'activités autour du maraîchage bio : le Germoir. Pour permettre l'installation des porteurs de projets, la collectivité a acheté une exploitation agricole qu'elle a rénovée avant d'en revendre une partie à la Foncière Terre de Lien.
Le logement des agriculteurs est également problématique...
En effet ! Et le partenariat avec les collectivités peut là encore être innovant. Par exemple, nous sommes en train de finaliser une installation en élaborant une coacquisition avec la ville de Bourgoin-Jallieu (38). Terre de Liens se charge de l'achat des terres et des bâtiments agricoles, et la ville de l'acquisition des logements qu'elle louera à Terre de Liens sous un bail emphytéotique. Un tel montage, réalisé avec la commune de Bourgoin-Jallieu, la Communauté de communes, le Conseil régional et la Safer, nous permettra de limiter ponctuellement nos investissements et de les réserver pour d'autres situations. De leur côté, les collectivités s'assurent du maintien à long terme d'activités agricoles sur leurs territoires en favorisant le développement d'une agriculture paysanne en lien direct avec les consommateurs.
Pour en savoir plus sur les ZAP : Consultez la fiche consacrée au ZAP, celle consacrée à l'exemple de Vernouillet et l'arrêté pris par la commune.