Le Solilab à Nantes, au croisement d’une dynamique d’acteurs et d’une volonté du territoire
Le Solilab, lieu multi-activité dédié à l'ESS et l'innovation sociale, a ouvert ses portes en 2014 sur l'Ile de Nantes. Ce Pôle Territorial de Coopération Économique (PTCE) abrite des bureaux, des salles de réunion, un espace événementiel, un magasin collectif de vente de produits d’occasion, une cantine, des espaces de stockage et un incubateur de projets - le Labo des Ecossolies. Rencontre avec Mélanie Boghos, responsable du Solilab, porté par la SCIC Ecossimo en charge de l'exploitation et de l’animation du site.
Qui croise-t-on au Solilab ?
Il y a une vraie diversité d'activités et donc de publics sur le site : des associations et entreprises locataires d’espaces de travail, des créateurs en herbe qui participent aux ateliers du Labo, des entreprises extérieures intéressées par la location de salles de réunion, le grand public attiré par le magasin ressourcerie, les étudiants du labo CARE de l'école de design que nous accueillons depuis quelque temps, des personnes issues de quartiers défavorisés pour l'auto-école sociale… Cette mixité est la grande richesse du Solilab. Si le lieu est dédié aux activités relevant de l'ESS, nous l'entendons de façon très large : une structure peut relever de l'ESS de par son statut, mais également par l’objet ou les valeurs portés par son projet, ou encore la façon dont elle travaille avec son équipe… Il y a au sein du Solilab des projets d'entreprises privées très classiques, mais qui amènent beaucoup de choses dans le projet global, par leur regard et leurs façons de faire. En réalité, nous n'avons jamais vraiment refusé d'accueillir quelqu'un parce qu'il sortait du cadre. Comme les « candidats » viennent visiter le lieu avant de déposer un dossier, ils estiment assez vite par eux-même s'ils sont à l'aise avec nos valeurs et notre fonctionnement ou non.
Comment le lieu est-il identifié sur le territoire ?
Il l'est de plus en plus. Pas par tout le monde évidemment, mais c'est une référence dans le milieu de l'ESS et de plus en plus auprès des entreprises locales qui s'intéressent à la question « comment entreprendre autrement ? ». Du côté des habitants, c'est encore restreint mais on constate que ça se développe, le lieu est de plus en plus ouvert. Étant là depuis le début du projet, je connais à peu près toutes les têtes des locataires, et je vois de plus en plus souvent des gens que je ne connais pas ! Beaucoup de personnes passent à la boutique, sans forcément connaître l'ensemble du lieu lorsqu'ils arrivent. Avec les beaux jours, la grande halle accueille aussi de manière très informelle des rencontres, des rendez-vous improvisés…
D'après-vous, quelles étaient les conditions nécessaires à l'émergence de ce projet ?
C'est d'abord une réelle volonté de l'agglomération Nantes Métropole, qui a mis les moyens sur la table et a permis de faire émerger le Solilab, avec les acteurs ESS du territoire portés par Les Ecossolies. L'association Les Ecossolies a d'ailleurs été créée à l’initiative de Nantes Métropole, il y a 10 ans pour fédérer les acteurs de l'ESS, favoriser leur inter-connaissance, et plus généralement développer et promouvoir l'ESS sur le territoire. Depuis, le soutien de Nantes Métropole en direction de l'ESS est toujours resté fort. Cela sécurise le projet en lui permettant de s'inscrire dans la durée : de l'idée à l'émergence du Solilab, il a fallu 5 années de maturation et de construction collectives. De l'autre côté, il y avait un important vivier d'acteurs et de dynamiques sociales et solidaires sur le territoire.
Concrètement, comment travaillez-vous avec Nantes Métropole ?
Les liens avec Nantes Métropole sont réguliers et assez naturels. Avec les services, que nous rencontrons tous les mois dans le cadre de réunions de travail opérationnelles, autant qu'avec les élus : Nantes Métropole est membre du Conseil d'Administration des Ecossolies. Elle y est souvent représentée par sa vice-présidente à l'ESS et à l'économie circulaire, Mahel Coppey. Nous sommes au croisement de plusieurs thématiques portées par la collectivité: l’Économie Sociale et Solidaire, bien sûr, qui est au cœur de notre projet, mais aussi la création d'activités, l'une des actions phare du Solilab via le Labo des Ecossolies : nous travaillons en permanence avec les acteurs de l'accompagnement à la création d'activité sur le territoire, dont Nantes Métropole est un acteur dynamique. De façon plus indirecte, nous sommes également en lien avec les questions d'aménagement du territoire via la Samoa, propriétaire de la friche industrielle sur laquelle nous sommes implantés, et qui a réhabilité le lieu en intégrant la contrainte du temporaire : cet espace est pour l'instant attribué au Solilab pour une durée de 12 ans, la collectivité souhaitant garder la maîtrise de la cohérence urbaine d'ensemble sur l'Ile de Nantes.
Aujourd'hui, quel bilan tirez-vous du projet ?
Cela fait un peu plus d'un an que l'activité a démarré et le bilan est déjà très positif. Tous nos espaces sont complets : nous avons ouvert une liste d'attente et nous continuons de recevoir des demandes ! 88 structures louent un espace (bureau, poste de travail, espace de vente ou espace de stockage) - cela représente 180 personnes au quotidien. Nous avons accueilli plusieurs événements extérieurs d'envergure (les 30 ans d'une entreprise locale d'insertion, le congrès national de la fédération des scop de la com, un congrès national de la Nef…) et en avons organisé nous-mêmes, comme les portes-ouvertes en juin dernier, qui ont rassemblé 3000 personnes, ou La Braderie des Ecossolies en octobre, qui a vu passer 17 000 personnes dans la journée. Cela nous montre l'intérêt que suscite le lieu. Par ailleurs, nous avons reçu plus de 100 visites sur l'année 2014, des prospects pour la location d'espaces, mais aussi des partenaires locaux ou des délégations d'autres régions qui cherchent à mettre en place des équipements similaires chez eux et viennent s'inspirer du Solilab. Mais la principale réussite pour nous, se trouve dans les coopérations que l'on voit se développer entre acteurs sur le lieu. Des locataires contractualisent avec d’autres des prestations de graphisme, de développement de site internet ou de comptabilité, ou encore de la sous-traitance d'études thermiques ou de location de toilettes sèches...
Quel est le modèle économique du Solilab ?
Il faut ici différencier les 2 structures : la SCIC « Ecossimo », et l'association « Les Ecossolies ». La SCIC est totalement autonome financièrement. Elle se rémunère avec les loyers des différents espaces qu'elle propose et les droits dont s’acquittent les restaurateurs qui proposent à manger le midi. Son budget s'élève à 300 000 euros pour l’année 2014. L'association Les Ecossolies est quant à elle majoritairement financée par des subventions (Nantes Métropole, Département Loire Atlantique, Région Pays de la Loire, Europe), ainsi que des fonds privés, même si l'organisation d’événements commerciaux lui permet de s'autofinancer à hauteur d'environ 20 %. Le budget 2014 s'élève à 600 000 euros et est financé à hauteur de 50 % par Nantes Métropole. Les 2 budgets sont en légère croissance (8%) sur l'année 2015.
Quelles sont vos pistes de développement pour la suite ?
Maintenant que tout est en place, on souhaite vraiment axer l’année 2015 sur le développement de l'animation du lieu et du réseau des adhérents et partenaires qui gravitent autour des Ecossolies et du Solilab. C'est une période charnière : il y a désormais beaucoup de monde sur le site, il nous faut amplifier le travail de croisements entre les acteurs que nous menons d'ores et déjà : animation de groupes de travail thématiques, de temps conviviaux (petits déjeuners, apéros...), pour favoriser les coopérations économiques et les mutualisations de moyens et compétences. C'est l’ADN du projet !
Pour en savoir plus:
Le compte Facebook des Ecossolies
Retrouvez aussi notre entretien du mois avec Mahel Coppey, vice-présidente, déléguée à l’Economie Sociale et Solidaire et à l’économie circulaire de Nantes Métropole.