Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire

Publié le 18 mai 2014

Retour sur la journée de formation RTES du 5 mai : "Le nouveau paysage de la commande publique responsable"

Le 5 mai, le RTES organisait avec Idéal Connaissances une journée de formation sur la commande publique responsable, dans ses dimensions sociales et environnementales. Rythmée par des interventions d'experts, de collectivités et d'acteurs de l'ESS, cette journée a réuni une cinquantaine de personnes, la moitié en présentiel et la moitié en webconférence.

Cette journée était d'actualité, avec l'adoption par le Parlement européen en début d'année de la directive sur les marchés publics et sur les concessions, et l'introduction de deux articles concernant la commande publique dans le projet de loi ESS.

Alessa Centioni, assistante parlementaire du député européen Marc Tarabella, rapporteur de la directive sur les marchés publics adoptée le 15 janvier dernier, est intervenue de Bruxelles afin d'exposer les avancées permises par les nouvelles directives en matière de simplification des règles d'attribution, d'amélioration de l'accès aux marchés publics pour les PME via une procédure de candidature dématérialisée, de plus grande transparence en cas de sous-traitance d'un marché ainsi que de meilleure prise en compte des critères sociaux et environnementaux.

Patrick Loquet, maître de conférences en droit et consultant spécialisé clauses sociales dans les marchés publics, a dressé un panorama des clauses sociales en France rappelant que celles-ci sont présentes dans seulement 4.3% des marchés publics, alors même qu'elles sont inscrites dans le code des Marchés Publics depuis plusieurs années (article 14 sur les conditions d'exécution, article 53 sur les critères de choix, article 30 sur l'achat de prestations d'insertion et article 15 sur les marchés réservés). Patrick Loquet souligne qu'au niveau européen, l'approche sociale renvoie au respect des conventions collectives et du droit du travail (et notamment pour les sous-traitants), alors qu'en France les pratiques de clauses sociales sont très liées à l'insertion. Deux articles des nouvelles directives européennes, une fois transposées, concernent en particulier les acteurs de l'ESS, tout en soulevant de nombreuses questions: la possibilité d'organiser des marchés réservés aux structures embauchant plus de 30% de personnes défavorisées (article 20), et la possibilité (article 77), pour certains marchés définis en annexe 14 (services sociaux....), de réserver ces marchés à certaines entreprises (qui n'auraient pas eu de marchés publics depuis 3 ans).

Les témoignages du Conseil Général du Pas-de-Calais (Isabelle Ghoris, responsable de la mission ESS, Frédéric Delobelle, chargé de projet et Corinne Ducrocq, directrice des achats et de la logistique) ont permis aux participants de découvrir quelques actions concrètes menées par le département en matière d'achats responsables: actions de sensibilisation des agents, des fédérations du bâtiment, des acteurs de l'insertion et de l'emploi,... permettent au Conseil général du Pas-de-Calais de présenter fin 2013 un taux de 30% de marchés publics de plus de 50 000 euros présentant des clauses sociales. Le Pas-de-Calais a également utilisé les marchés publics afin de développer les circuits courts alimentaires sur son territoire en utilisant l'article 53 et l'allotissement des produits, la formation du personnel à la saisonnalité des produits, la sensibilisation de la démarche aux convives et l'essaimage de la démarche auprès d'autres établissements publics. Ces actions permettent aujourd'hui au restaurant de la collectivité de proposer 22.3% de produits bio et 36 % de produits issus de produits locaux. Les conditions de réussite d'une telle démarche sont une volonté politique forte, avec une mission ESS rattachée au DGS, l'appropriation des enjeux par le personnel de la collectivité, une mise en œuvre partagée avec les acteurs locaux (au travers notamment du Conseil départemental de l'ESS), la collectivité et le personnel, la mise en place d'une démarche d'amélioration continue et enfin l'essaimage auprès d'autres EPCI..

Claire François, directrice de l'association ELIPS a présenté ensuite, en visio-conférence, la mise en place du réseau lorrain des facilitateurs qui regroupe 24 relais locaux sur toute la région Lorraine (maisons de l'emploi, conseil général de Meurthe et Moselle, mairies, pôle emploi et 2 associations dont Elips). La Région Lorraine anime ce réseau, avec notamment un chef de projet, à temps plein, qui a permis de faire émerger les relais territoriaux pour couvrir l'ensemble du territoire, et animer ce réseau d'échanges de bonnes pratiques, de concertation et de construction d'outils communs.

L'après-midi était consacrée plus particulièrement aux clauses environnementales et fut introduite par Guillaume Cantillon, juriste spécialisé dans cette thématique, qui a proposé un rappel lexical fort utile des différentes terminologies: agrément, référentiel, certification, label, norme technique, éco-label et label écologique. Les directives européennes présentent 2 points d'avancée importants, avec la référence aux labels et à la notion de cycle de vie, ce qui élargit les exigences en matières sociales et environnementales sur les conditions de production notamment. Pour être utilisés dans un marché, les labels doivent être établis de manière transparente, accessibles à toutes les parties intéressées et délivrées par un tiers. Mais attention, si le lien avec l'objet du marché peut être considérablement élargi, la collectivité ne peut avoir d’exigence au-delà du périmètre du contrat (par exemple, en matière de RSE dans l’entreprise, conditions de travail,...)

Suite à cette présentation des enjeux environnementaux dans les marchés publics, Sylvie Gaudemard, responsable du service Programmation des Achats et gestion de la Performance de la ville de Clermont-Ferrand a présenté la pratique responsable de cette collectivité, avec une implication de longue date mais des points d'amélioration possibles. L'intervention a permis de nombreux échanges, sur l'importance de faire de l'article 53 qualitatif et non quantitatif, sur le respect ou non respect des conventions collectives par des structures d'insertion, sur l'intérêt ou non de clauses sociales dans des marchés très précarisés (nettoyage par exemple) et sur la structuration de l'offre. Le développement des sous-traitances en cascade a également été soulignée, rendant difficile la transparence pendant l'exécution des marchés publics (la directive européenne prévoyant le paiement direct des sous-traitants).

Une des illustrations possibles de la structuration de l'offre a été présentée par Laetitia Charrier, animatrice de la Centrale des Marchés Solidaires de Saint-Étienne Métropole. Ce réseau, dont la création est accompagnée par SEM et la région Rhône Alpes, développe des missions de veille, d'accompagnement, de mise en réseau et de formation afin de faciliter les réponses de structures de l'ESS aux marchés publics.

En conclusion, l'importance de renforcer une meilleure connaissance des marchés "clausés" et de diffuser les bonnes pratiques a été soulignée. Devra être suivie avec attention la transposition dans le droit français des directives européennes (avec par exemple la question du cycle de vie).

Pour aller plus loin :
-Retrouvez articles, études et ressources documentaires sur la commande publique responsable

Pour les adhérents au RTES :
-Retrouvez l'ensemble des powerpoints présentés lors de la journée, dans vos espace adhérent !