Retours sur la formation « S.I.E.G. et mandatement : quel rôle des collectivités ? »
On ne vous fera plus l’injure de décliner ce sigle. La formation du 21 octobre fut dense pour la quarantaine de participants, présents ou à distance. Cadrage de la Commission européenne, par la voix d’Emmanuel VALLENS de la DG marché intérieur et services, expertise de Laurent Ghekière, représentant de l’Union Sociale pour l’Habitat, et témoignages de terrain : une journée riche en échanges de savoirs et de pratiques dans une actualité fournie.
Ce contexte est marqué au plan national par un travail lancé par la Ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative autour des relations Etat, associations et collectivités.
Ce travail comporte notamment :
-la rédaction d’une charte d’engagements entre associations et Etat et associant les collectivités territoriales, qui devrait être signée avant la fin de l’année
-La réécriture de la circulaire du 18 janvier 2010 en lien avec les réseaux de collectivités et la CPCA
-L’étude en cours confiée au CRIDA sur « la subvention à l’épreuve de la diversité des régulations locales de la vie associative »
-les évolutions constatées dans la quatrième édition de l’enquête « paysage associatif » conduite par le centre d’économie de la Sorbonne.
-La définition légale de la subvention dans le projet de loi ESS
Emmanuel Vallens, coordonateur des politiques à la DG Marché Intérieur et Services, a complété ce panneau avec le plan d’action européen inscrit dans son Initiative pour l’entrepreneuriat social adoptée en 2011. Un plan d'action qui se décompose en 3 grands axes :
-Améliorer l’accès au financement, notamment par la diversification des sources de financement. Cela consiste notamment à développer les financements privés hors bancaires et le financement public hors les subventions (plus considérées comme des coûts que comme des investissements). Dans ce cadre, les mesures d’impact et les évaluations sont à développer afin de prouver aux collectivités et aux financeurs que le soutien aux entreprises sociales est un investissement et non un coût.
-Améliorer la visibilité de ce secteur, notamment en développant la formation. Ce travail doit s’effectuer à l’extérieur (notamment en direction des collectivités pour faire connaitre et reconnaitre le monde de l’entrepreneuriat social) mais aussi auprès des entrepreneurs sociaux eux-mêmes (pour leur professionnalisation, leur faire par exemple acquérir le langage de l’économie classique,...).
-Améliorer le cadre réglementaire, notamment par le travail autour des marchés publics et des aides d’Etat, avec la possibilité d’un nouveau cas de recours aux marchés réservés pour les entreprises sociales accueillant plus de 30% de personnes défavorisées.
Ce plan d’action tient compte des nouveautés en matière d’aides d’Etat et de SIEG introduites par les décisions de décembre 2011 en coordination avec les règles des marchés publics.
Emmanuel Vallens renvoie à plusieurs reprises au « Guide relatif à l’application aux SIEG général, et en particulier aux services sociaux d’intérêt général, des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, de «marchés publics» et de «marché intérieur» » d’avril 2013 publié par la Commission Européenne. Ce guide est réalisé sous forme de 237 questions/réponses. Afin de l’actualiser et le compléter, les collectivités sont appelées à faire remonter leurs questions à la commission, via le système interactif du site de la Commission.
Ce cadrage européen a été complété en début d’après-midi par un point d’actualité de Laurent Ghekiere, représentant auprès de l'UE au sein de l’Union Sociale pour l’Habitat.
Il a souligné notamment que chaque Etat devra remettre un rapport, en juin 2014, à la Commission Européenne sur l’application de la réglementation SIEG (article 9 de la décision SIEG et point 62 de l’encadrement SIEG).
A noter que le projet d'Acte 3 de la décentralisation prévoit de conférer au service régional chargé de la formation continue la qualité de SIEG.
La réforme des fonds structurels pour 2014-2020 aura des conséquences importantes: aucun projet ne pourra être financé par le FEDER ou le FSE si n'est pas fait référence au régime approprié d’aide d’Etat, aux modalités et dispositifs de contrôle de l’application de cette réglementation européenne, notamment en matière de calcul de la compensation et d’absence de surcompensation. Toutes les autorités en charge de ces programmes opérationnels ont deux ans pour s’y conformer, et notamment prévoir des dispositifs de formation des agents en interne. La Commission Européenne se réserve le droit de contrôle.
Les expériences et initiatives de collectivités ont permis d’illustrer et rendre concrets ces précisions et cadrages théoriques.
Bruno Dubois, directeur général des services de la ville de Roncq (Nord) expose le parcours de Roncq vers un mandatement SIEG en matière de petite enfance. « Oser prendre sa liberté », c’est ainsi qu’il résume ce parcours.
Au départ, une subvention renouvelée à une association à hauteur de 750 000€ est remise en compte par la Cour régionale des Comptes, compte tenu des liens étroits entre l’association et la collectivité. Les deux solutions préconisées sont classiques : le recours à un marché public, ou à une délégation de service public, et aucune référence n’est faite au droit européen.
Cependant, la ville souhaitait maintenir une relation de type « subvention » avec cette association, qui se trouve par ailleurs être la seule sur le territoire. En lien avec le travail engagé par Lille Métropole, la réflexion va alors donner lieu à une délibération pour qualifier la petite enfance de SIEG (« service public indispensable ») qui débouchera sur un mandatement de l’association; puis sur un conventionnement avec l’association, avec attribution de droits spéciaux (non exclusifs).
C’est désormais sur 10 ans une compensation de 750 000€ pour des obligations de service public, avec contrôle de la surcompensation. Pour la ville de Roncq, il s’agit d’une troisième voie qui sort de la dichotomie imposée par la cour régionale des comptes.
Dernièrement, l’association s’est transformée en Scic, dont le capital sera à terme composé de 50% de parts publiques et 50% de parts privées. Retrouvez une présentation de cettte Scic, Kaléide.
Sandra Rives, responsable du service juridique de Lille métropole, expose pour Lille Métropole les objectifs de la mission confiée par la présidente de la communauté urbaine à Christiane Bouchart, élue communautaire en charge de l’ESS :
-capitaliser le droit européen dans tous les services et directions de la collectivité mais aussi en lien avec les communes volontaires (comme Roncq)
-tester les actes de mandatement
-faire du plaidoyer au niveau national et européen pour la défense du service public
Plusieurs outils ont été élaborés par la mission transversale composée de représentants du pôle développement économique, du pôle partenariat européen, du service juridique et du service contrôle de gestion. Ces outils, utilisés par les directions opérationnelles de LMCU, ont permis de traiter une première série d’organisations de tout statut juridique (SPL, associations, GIE, SEM, Etablissement Public de Coopération Culturelle,... ) qui posaient une question en matière d’application du droit européen. Une première délibération cadre a été votée en avril 2013 pour partager la connaissance et les avancées avec l’ensemble des élus.
La mission a lancé désormais des invitations au conseil général et au conseil régional à rejoindre le groupe de travail. Les délibérations de mandatement, pour être opérationnelles, doivent en effet être travaillées avec l’ensemble des collectivités locales concernées.
Enfin, des actions de formation doivent être programmées et un groupement de commande est en cours de constitution entre la communauté urbaine et les communes volontaires sur la notion de juste compensation.
Sylvie Goudeau, du service insertion professionnelle par l’économie du conseil général des Deux-Sèvres, explique la position du département, dès 2008, pour la construction d’un SIEG de l’accompagnement socio-professionnel dans les entreprises d’insertion du département.
Ce SIEG est d’un montant relativement faible (160 K€) mais la méthode est duplicable. Il concerne un champ d’action bien spécifique qui est l’accompagnement des personnes en insertion au sein des entreprises d’insertion. Il cible donc les postes d’encadrement et d’accompagnement socio-professionnel.
Après une recherche sur les règlements européens qui pouvaient satisfaire les objectifs du département, il s’est avéré que ni le règlement d’exemption par catégorie, ni le règlement de minimis n’étaient satisfaisants.
Le service s’est alors tourné vers le SIEG dont on parlait peu à l’époque. Le conventionnement direct avec les entreprises d’insertion a été favorisé car il correspondait à la volonté des élus mais aussi reconnaissait le choix de gestion des entreprises d’insertion dans leur fonction d’accompagnement socio-professionnel.
En effet , si le conseil général avait recours au marché public, il y a fort à parier que les entreprises d’insertion auraient été obligées d’externaliser leur fonction d’accompagnement socio-professionnel, ne respectant pas ainsi leur objet social. La compensation est le paiement du salaire d’un accompagnateur socio-professionnel pour un nombre précis de bénéficiaires du RSA accompagnés. La compensation et la surcompensation font l’objet de deux contrôles : a priori (agrément de la structure, compétences attendues,...) et a posteriori (nombre de bénéficiaires accueillis, contrats de travail, sorties, ...).
Réservé aux adhérents au RTES
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