L’économie collaborative et notamment les plateformes numériques se sont fortement développées depuis une douzaine d’années, bousculant nos façons de consommer, voyager, se déplacer, habiter et apportant avec elles leur lot d’impacts négatifs. Depuis quelques temps, des structures de l’ESS et des territoires s’emparent de cette problématique et proposent des modèles alternatifs, des plateformes collaboratives coopératives, solidaires, qui abordent les biens ou les services qu’elles proposent d’échanger comme des biens communs.
Comment les collectivités peuvent-elles favoriser les alternatives aux plateformes collaboratives lucratives ? Quels rôles peuvent-elles jouer dans le développement et la pérennisation de plateformes numériques solidaires ? Quels impacts ou externalités positives de ces plateformes collaboratives solidaires sur les territoires ?
Bastien Sibille, président de Mobicoop, plateforme sur les enjeux du partage de la mobilité.
Les plateformes collaboratives sont des plateformes numériques dont l’objet est de mettre en relation des individus pour des transactions ou des communications (facebook, twitter). Ces plateformes : Airbnb, Uber, Deliveroo, Blablacar, etc. se sont développées dans les années 90. Dès les années 2010, plusieurs voix, dont Bastien Sibille, ont attiré l’attention sur le fait que ces plateformes collaboratives, aussi innovantes soient-elles, ne sont pas coopératives (Google par exemple, représente 2 milliards utilisateurs et 30 milliards de dollars de bénéfice en 2018 ; Facebook fait 20 milliards de bénéfices en 2019). Avec une puissance de feu importante, elles impactent les territoires sur 3 dimensions principales :
- Ces plateformes entrainent une perte de souveraineté des territoires sur un ensemble d’enjeux essentiels : Airbnb modifie les politiques de logement des collectivités, Amazon a un impact important sur le commerce de proximité, Uber a eu des effets très profonds sur le droit du travail... Par ailleurs ces plateformes ne sont pas soumises à la régulation des territoires sur lesquels elles opèrent.
- Ces plateformes procèdent à une marchandisation d’un nombre de phénomènes qui étaient jusque là de l’ordre de la solidarité. Ces plateformes produisent un certain nombre de changements culturels : Blablacar a augmenté le covoiturage mais diminué l’autostop.
- Problème de l’accès aux données : les données d’aujourd’hui sont les politiques publiques de demain. Pour construire sa représentation du problème et des réponses adaptées, la puissance publique a besoin de données qui aujourd’hui sont aux mains des plateformes collaboratives précitées.
Des 2000 des plateformes se sont créées autour d’un autre modèle (wikipédia, Open street map, mobicoop, etc.). Ces plateformes alternatives, sous forme coopérative ou associative, permettent aux utilisateurs de reprendre le contrôle sur l’outil qui les met en relations : en termes de gouvernance, mais aussi de valeur produite, cette dernière n’étant pas captée par des actionnaires en dehors des territoires.
La forme SCIC, Société Coopérative d'Intérêt Collectif apparait particulièrement adaptée aux plateformes coopératives car elle permet aux territoires de rentrer au capital, de conserver la main sur l’outil et donc l’accès aux données. Selon Bastien Sibille, seuls les territoires, s’ils s’unissent, auront la force d’action de mettre en place des alternatives aux grandes plateformes collaboratives. Les plateformes coopératives sont un des outils de mise en œuvre de nouvelles formes de services publics, mais ne peuvent à elles seules contrer les plateformes collaboratives lucratives.
Angélique Moutenet, ambassadrice mobilité durable du Pays du Lunevillois (4 communautés de communes, 159 communes et 80 000 habitants) présente la démarche engagée avec Mobicoop autour de la mobilité. En 2011, le pays est labélisé pôle d’excellence rurale grâce à son service de bus à la demande, son garage solidaire et des aires de covoiturage, quelques années plus tard le Pays du Lunevillois devient Autorité Organisatrice de Mobilité (2018), est labellisé France Mobilité (2019) et comprend une agence mobilité qui centralise toute l’offre de mobilité, des lignes de bus à la demande, des gares aménagées pour en faire des espaces multimodaux, un service de location de vélos électriques et des bornes de recharge pour voitures électriques. Le Pays du Lunévillois souhaite réduire l’autosolisme et la mobilité subie. Pour ce faire, une expérimentation est lancée avec Klaxit sur la mobilité domicile-travail, un partenariat est monté avec Mobicoop sur le covoiturage, avec Clem' sur l’autopartage de véhicules électriques et une réflexion est en cours sur l’auto-stop organisé.
Un travail a d’abord été réalisé avec les habitants de la communauté de communes de Vezouze en Piémont, sur laquelle il a été identifié que 14% des personnes interrogées n'ont pas de solution de déplacement individuel motorisé et 90% des déplacements domicile-travail se font en voiture. L’objectif de ce travail était d'identifier les pratiques, les besoins et les attentes en terme de mobilité et d’amorcer une réflexion sur les nouvelles formes de déplacements. Le Pays du Lunévillois entend maintenant améliorer les alternatives à l’autosolisme en mettant en avant les solutions qui existent sur le territoire et en co-construisant un outil avec Mobicoop par le biais d’une plateforme numérique et téléphonique.
La SCIC Mobicoop vit de la prestation de services aux collectivités territoriales sur des services de covoiturage, auto-partage et mobilités solidaires, avec pour finalité de réduire le nombre de véhicules sur les territoires et de le faire de façon solidaire. Mobicoop déploie ses services pour plus de 80 Collectivités territoriales clientes, représente 1000 sociétaires et une équipe de 20 salariés.
Mobicoop accompagne les collectivités dans la création de plateformes de mobilité sur leur territoire et mutualise l’ensemble sur une plateforme nationale. Cette organisation permet la mutualisation de données entre collectivités ainsi que la mutualisation des développements numériques, l’argent public dépensé sur un territoire doit pouvoir bénéficier à un autre territoire sans surcoûts.
Eric Petrotto, Directeur général d’1DLab. 1D Lab, est 1 SCIC née en 2013 à St Etienne qui accompagne les lieux culturels et les territoires dans leurs politiques de transition numérique. 1D Lab met en place des plateformes avec des données culturelles dans des lieux comme les médiathèques, propose des solutions pour les cartes culture, les CE, etc.
1D Lab entend, au travers de services et de ressources numériques, renforcer la diffusion et la rémunération des créations indépendantes, dans une mutation numérique où la valeur est déportée et où le contenu est fortement dévalorisé (valeur mise dans le téléphone, la connexion internet, mais plus difficile que l’utilisateur apporte de la valeur au contenu musical).
1DLab aujourd’hui c’est un kiosque culturel de ressources numériques : diMusic (musique) / diGame (jeux vidéo) / diBook (le livre prochainement) / munki (Contes et musiques pour enfants de 0 à 8 ans) / Tënk (Documentaires) / OpsisTV (Théâtre) et Divercities MAP pour découvrir autour de soi des parcours et des sélections culturels. 1DLab compte 100 000 utilisateurs, 3000 lieux connectés et 150 clients dont les Instituts français.
1DLab lance aussi une réflexion autour de l’éditorialisation des territoires : balade.saint-etienne.fr (lancement le 15/07/2020) afin de faire découvrir de manière ludique le territoire avec du contenu culturel sérieux. Il s’agit d’être au plus prêt des usages des citoyens qui se baladent toujours avec leur téléphone pour avoir accès à des infos, des découvertes...
Relation avec Saint-Etienne Métropole :
- Impulsion de départ sur la création d’1DLab (Cité du design, aide à l’expérimentation d’un prototype et facilitation du dialogue avec les collectivités).
- Regard bienveillant pour être dans les radars des solutions innovantes, quand il s’agit de contenu culturel.
- Echange avec des chargés d’innovation / hacker des politiques publiques.
- Réponse à des appels d’offre.
Les limites : 1D Lab a choisi la forme SCIC car cela semblait être l’outil juridique le plus adapté à la thématique d’intérêt général traitée, cependant les collectivités territoriales ne s’en sont pas emparé, et aucune collectivité n’est entrée dans la SCIC 1D Lab.
Ressources :
Résumé
L’économie collaborative et notamment les plateformes numériques se sont fortement développées depuis une douzaine d’années, bousculant nos façons de consommer, voyager, se déplacer, habiter et apportant avec elles leur lot d’impacts négatifs. Depuis quelques temps, des structures de l’ESS et des territoires s’emparent de cette problématique et proposent des modèles alternatifs, des plateformes collaboratives coopératives, solidaires, qui abordent les biens ou les services qu’elles proposent d’échanger comme des biens communs.
Comment les collectivités peuvent-elles favoriser les alternatives aux plateformes collaboratives lucratives ? Quels rôles peuvent-elles jouer dans le développement et la pérennisation de plateformes numériques solidaires ? Quels impacts ou externalités positives de ces plateformes collaboratives solidaires sur les territoires ?
Bastien Sibille, président de Mobicoop, plateforme sur les enjeux du partage de la mobilité.
Les plateformes collaboratives sont des plateformes numériques dont l’objet est de mettre en relation des individus pour des transactions ou des communications (facebook, twitter). Ces plateformes : Airbnb, Uber, Deliveroo, Blablacar, etc. se sont développées dans les années 90. Dès les années 2010, plusieurs voix, dont Bastien Sibille, ont attiré l’attention sur le fait que ces plateformes collaboratives, aussi innovantes soient-elles, ne sont pas coopératives (Google par exemple, représente 2 milliards utilisateurs et 30 milliards de dollars de bénéfice en 2018 ; Facebook fait 20 milliards de bénéfices en 2019). Avec une puissance de feu importante, elles impactent les territoires sur 3 dimensions principales :
- Ces plateformes entrainent une perte de souveraineté des territoires sur un ensemble d’enjeux essentiels : Airbnb modifie les politiques de logement des collectivités, Amazon a un impact important sur le commerce de proximité, Uber a eu des effets très profonds sur le droit du travail... Par ailleurs ces plateformes ne sont pas soumises à la régulation des territoires sur lesquels elles opèrent.
- Ces plateformes procèdent à une marchandisation d’un nombre de phénomènes qui étaient jusque là de l’ordre de la solidarité. Ces plateformes produisent un certain nombre de changements culturels : Blablacar a augmenté le covoiturage mais diminué l’autostop.
- Problème de l’accès aux données : les données d’aujourd’hui sont les politiques publiques de demain. Pour construire sa représentation du problème et des réponses adaptées, la puissance publique a besoin de données qui aujourd’hui sont aux mains des plateformes collaboratives précitées.
Des 2000 des plateformes se sont créées autour d’un autre modèle (wikipédia, Open street map, mobicoop, etc.). Ces plateformes alternatives, sous forme coopérative ou associative, permettent aux utilisateurs de reprendre le contrôle sur l’outil qui les met en relations : en termes de gouvernance, mais aussi de valeur produite, cette dernière n’étant pas captée par des actionnaires en dehors des territoires.
La forme SCIC, Société Coopérative d'Intérêt Collectif apparait particulièrement adaptée aux plateformes coopératives car elle permet aux territoires de rentrer au capital, de conserver la main sur l’outil et donc l’accès aux données. Selon Bastien Sibille, seuls les territoires, s’ils s’unissent, auront la force d’action de mettre en place des alternatives aux grandes plateformes collaboratives. Les plateformes coopératives sont un des outils de mise en œuvre de nouvelles formes de services publics, mais ne peuvent à elles seules contrer les plateformes collaboratives lucratives.
Angélique Moutenet, ambassadrice mobilité durable du Pays du Lunevillois (4 communautés de communes, 159 communes et 80 000 habitants) présente la démarche engagée avec Mobicoop autour de la mobilité. En 2011, le pays est labélisé pôle d’excellence rurale grâce à son service de bus à la demande, son garage solidaire et des aires de covoiturage, quelques années plus tard le Pays du Lunevillois devient Autorité Organisatrice de Mobilité (2018), est labellisé France Mobilité (2019) et comprend une agence mobilité qui centralise toute l’offre de mobilité, des lignes de bus à la demande, des gares aménagées pour en faire des espaces multimodaux, un service de location de vélos électriques et des bornes de recharge pour voitures électriques. Le Pays du Lunévillois souhaite réduire l’autosolisme et la mobilité subie. Pour ce faire, une expérimentation est lancée avec Klaxit sur la mobilité domicile-travail, un partenariat est monté avec Mobicoop sur le covoiturage, avec Clem' sur l’autopartage de véhicules électriques et une réflexion est en cours sur l’auto-stop organisé.
Un travail a d’abord été réalisé avec les habitants de la communauté de communes de Vezouze en Piémont, sur laquelle il a été identifié que 14% des personnes interrogées n'ont pas de solution de déplacement individuel motorisé et 90% des déplacements domicile-travail se font en voiture. L’objectif de ce travail était d'identifier les pratiques, les besoins et les attentes en terme de mobilité et d’amorcer une réflexion sur les nouvelles formes de déplacements. Le Pays du Lunévillois entend maintenant améliorer les alternatives à l’autosolisme en mettant en avant les solutions qui existent sur le territoire et en co-construisant un outil avec Mobicoop par le biais d’une plateforme numérique et téléphonique.
La SCIC Mobiccop vit de la prestation de services aux collectivités territoriales sur des services de covoiturage, auto-partage et mobilités solidaires, avec pour finalité de réduire le nombre de véhicules sur les territoires et de le faire de façon solidaire. Mobicoop déploie ses services pour plus de 80 Collectivités territoriales clientes, représente 1000 sociétaires et une équipe de 20 salariés.
Mobicoop accompagne les collectivités dans la création de plateformes de mobilité sur leur territoire et mutualise l’ensemble sur une plateforme nationale. Cette organisation permet la mutualisation de données entre collectivités ainsi que la mutualisation des développements numériques, l’argent public dépensé sur un territoire doit pouvoir bénéficier à un autre territoire sans surcoûts.
Eric Petrotto, Directeur général d’1DLab. 1D Lab, est 1 SCIC née en 2013 à St Etienne qui accompagne les lieux culturels et les territoires dans leurs politiques de transition numérique. 1D Lab met en place des plateformes avec des données culturelles dans des lieux comme les médiathèques, propose des solutions pour les cartes culture, les CE, etc.
1D Lab entend, au travers de services et de ressources numériques, renforcer la diffusion et la rémunération des créations indépendantes, dans une mutation numérique où la valeur est déportée et où le contenu est fortement dévalorisé (valeur mise dans le téléphone, la connexion internet, mais plus difficile que l’utilisateur apporte de la valeur au contenu musical).
1DLab aujourd’hui c’est un kiosque culturel de ressources numériques : diMusic (musique) / diGame (jeux vidéo) / diBook (le livre prochainement) / munki (Contes et musiques pour enfants de 0 à 8 ans) / Tënk (Documentaires) / OpsisTV (Théâtre) et Divercities MAP pour découvrir autour de soi des parcours et des sélections culturels. 1DLab compte 100 000 utilisateurs, 3000 lieux connectés et 150 clients dont les Instituts français.
1DLab lance aussi une réflexion autour de l’éditorialisation des territoires : balade.saint-etienne.fr (lancement le 15/07/2020) afin de faire découvrir de manière ludique le territoire avec du contenu culturel sérieux. Il s’agit d’être au plus prêt des usages des citoyens qui se baladent toujours avec leur téléphone pour avoir accès à des infos, des découvertes...
Relation avec Saint-Etienne Métropole :
- Impulsion de départ sur la création d’1DLab (Cité du design, aide à l’expérimentation d’un prototype et facilitation du dialogue avec les collectivités).
- Regard bienveillant pour être dans les radars des solutions innovantes, quand il s’agit de contenu culturel.
- Echange avec des chargés d’innovation / hacker des politiques publiques.
- Réponse à des appels d’offre.
Les limites : 1D Lab a choisit la forme SCIC car cela semblait être l’outil juridique le plus adapté à la thématique d’intérêt général traitée, cependant les collectivités territoriales ne s’en sont pas accaparé et aucune collectivité n’est entré dans la SCIC 1D Lab.
Ressources :