Cette session animée par Carlos de Freitas, conseiller spécial du Fonds Mondial de Développement des Villes avait pour objectifs de
- Poser la question de l’émergence de l’ESS sur la scène de la coopération internationale.
- S’interroger sur sa place actuelle et son potentiel : croiser les regards Afrique-France entre collectivités et acteurs organisés en réseau.
- œuvrer à consolider la tendance, chacun à son niveau d’action et de coopération, mais également de manière mieux articulée pour l’effet de levier transformateur réclamé par l’Agenda 2030 et les 17 ODD.
Sont intervenus :
- Henri Arévalo, élu à l’économie sociale et solidaire et aux coopérations internationales du Sicoval, vice-président du RTES
- Marlyse Douala Bell, députée et présidente du Réseau des Parlementaires pour l'ESS Camerounais
- Christophe Itier, Haut Commissaire français à l’ESS et à l’Innovation sociale
- Tobias Ndije Mveng, maire de Ngomedzap et président du Réseau des Maires Camerounais pour l’ESS (REMCESS)
- Marie-Hélène Nedelec, vice-présidente à la Coopération décentralisée, Nantes Métropole
- Roland Ries, maire de Strasbourg, président de Cités Unies France
- Rose-Marie Saint Germès, élue à l’économie sociale et solidaire et à la coopération internationale Cergy-Pontoise, administratrice de Cités Unies France et du RTES
(Re)écoutez l'enregistrement audio de la rencontre sur le site de Cités Unies France.
Roland Ries a ouvert la conférence en rappelant les liens historiques entre Strasbourg et l’économie sociale et solidaire, la capitale de l’Alsace étant cette année capitale européenne de l’ESS. Rappelant les liens entre ESS et Objectifs de Développement Durable, il a pointé la nécessité de promouvoir cette façon de concevoir l’économie, au service des gens, et la nécessité de l’intégrer dans les partenariats entre collectivités.
Henri Arévalo a ensuite présenté la démarche engagée par le RTES en 2018 après une première réflexion sur les liens entre ESS et coopération décentralisée menée en 2006. Associé à de nombreux réseaux de la coopération et solidarité internationale, le RTES a entrepris un travail de repérage des initiatives de coopération internationale de collectivités à dimension ESS et l’organisation de cette conférence et de la rencontre nationale des collectivités autour de l’ESS du 4 juillet, qui pourraient être une première étape vers un temps dédié dans le cadre du Sommet Afrique-France 2020. Henri Arévalo a également pointé le rôle des collectivités territoriales comme animatrices des territoires et les méthodes de développement local intégré. En pointant la dimension transversale de l’ESS et sa capacité de mobilisation citoyenne, il a appelé au rapprochement entre politiques d’ESS et de coopérations internationales.
Rose-Marie Saint Germès Akar, a soulevé les points communs entre l’ESS et la solidarité internationale en s’appuyant sur l’exemple de la coopération entre Cergy-Pontoise et Porto-Novo au Bénin (cf. Fiche Déniché pour Vous). Elle a notamment insisté sur l’importance d’associer des élu.e.s de différentes délégations afin de favoriser la transversalité des projets, de même que l’importance de mobiliser des acteurs locaux des deux territoires pour accompagner les projets.
Marie-Hélène Nedelec, a ensuite présenté la façon dont Nantes Métropole a eu l’occasion d’associer des structures de l’ESS du territoire nantais pour répondre à certaines problématiques de partenaires à l’international : création de mutuelles, transfert de méthodologie de compostage, etc. De même, certaines structures nantaises s'investissent dans des actions de coopération internationale à dimension ESS : comme le lycée agricole qui travaille avec des coopératives locales de producteurs, par exemple. Cela permet à la fois de valoriser le savoir-faire local, mais c’est aussi un levier pour la mobilisation des citoyens et cela créé de l’emploi au plus près des habitants. Un appel à projet citoyen commun a été développé entre Dschang et Nantes, seules des structures de l’ESS ont été soutenues. Les changements qu’implique la dimension ESS au sein des coopérations : une vision plus inclusive, travail sur l’ensemble du système local, avec des projets multi-partenariats et cela favorise l’essaimage via l’organisation de séminaires par exemple (sur le compostage, l’agroécologie...). Marie-Hélène Nédélec pointe aussi la nécessité de travailler en transversalités entre élus, d’impliquer les différents services, et la nécessité de bénéficier de ressources humaines et de temps pour ces projets de coopérations internationales.
Tobias Ndije Mveng. Aujourd’hui l’économie informelle est une importante composante de l’économie camerounaise qui nécessite d’être structurée. Compte-tenu de l’évolution de l’ESS, le gouvernement porte le sujet avec la volonté de structurer l’ESS avec la loi du 2 avril 2019. Mais la grande majorité des structures de l’ESS ont un ancrage local, aussi les élus locaux sont des partenaires naturels de ces organisations. Il est donc difficile d’envisager le développement de l’ESS en excluant les collectivités locales, mais cela pose la question de la décentralisation, avec un certain nombre de ressources qui doivent être rétrocédées. On assiste aussi à un développement des réseaux locaux de l’ESS, qui a été appuyé avec l’aide de l’AIMF. A ce jour plus de 235 réseaux locaux sont créés au Cameroun avec un accent sur les marchés créatifs, le REMCESS veut valoriser le développement de ces réseaux.
A l’horizon 2050 on estime que la population va tripler avec de nombreux problèmes et défis liés. Il est donc important de mener un brainstorming qui justifie le sommet Afrique-France pour parler de développement. Mais de quel développement parlera-t-on ? Le développement a été pensé à l’envers et nous envisageons l’ESS comme une solution. L’ESS jouera son rôle de dynamisation pour l’attractivité des territoires. Cette économie doit être au cœur de toutes les réformes et les collectivités doivent mettre en œuvre toutes les mesures pour son développement.
Marlyse Douala Bell, l’Assemblée nationale du Cameroun est une chambre qui compte 31% de femmes. Et la présence des femmes n’est pas pour rien dans le développement de l’ESS au Cameroun. Le combat pour la loi ESS était là mais les choses ne bougeaient pas depuis 10 ans. Depuis, la loi a été promulguée par le président de la république, les députés travaillent actuellement sur le décret d’application et sur la création d’un conseil national de l’ESS comme véritable moteur qui va encadrer l’ensemble des décisions qui seront prises. Mais la question des moyens pour les collectivités au niveau des territoires pour porter des actions durables se pose. Concernant la coopération internationale, il est indispensable que nos partenaires prennent conscience que l’ESS est au centre, car sinon, on ne pourra jamais atteindre les ODD. Nous avons besoin de solidarité. Nous sommes face à des migrations massives pourtant vous n’avez pas les solutions, les solutions sont sur nos territoires. Vous devez avoir dans vos valises l’ESS à chaque rencontre.
Lors d’un deuxième tour de parole, les intervenants étaient invités à formuler des recommandation(s) pour une intégration et appropriation réelles de l’ESS comme axe dédié de politique de coopération internationale.
Tobias Ndije Mveng : favoriser la conscience de l’ESS au niveau des autorités locales ; doter les localités d’un écosystème de l’ESS ; adapter les modèles à nos réalités ; favoriser les partenariats entre les collectivités et les structures de l’ESS à tous les niveaux ; un cadre juridique propice ; développer des outils financiers ; une cartographie des acteurs ; inclure les organisations de l’ESS dans les plans de développement.
Marlyse Douala Bell : Il faut poursuivre le plaidoyer pour que les agendas nationaux et les plans stratégiques de développement intègrent l’ESS comme véritable solution stratégique et développer la mise en réseau. Il est également nécessaire que l’occident alloue des moyens, l’Afrique doit financer mais nous comptons aussi sur l’appui des partenaires internationaux
Marie-Hélène Nédelec : quand on développe des coopérations à l’international, on doit vraiment se poser la question de mettre dans notre valise l’ESS. Et inscrire cette dimension internationale dans le plan d’action de l’ESS de notre collectivité, on le fait sur le plan de développement climat, il faut faire de même avec le plan de développement de l’ESS. Et pourquoi ne pas avoir un appel à projets spécifique sur les coopérations internationales à dimension ESS.
Henri Arévalo : il faut passer de faire pour à faire avec. Et se pose aussi la question de l’apprentissage : apprendre à coopérer de même qu’on doit apprendre à lire ou écrire et s’inscrire dans des démarches d’éducation populaire.
Rose-Marie Saint Germès : les décideurs doivent regarder ce qui se fait sur le terrain et le valoriser. Il faut également favoriser l’innovation : les gouvernements doivent s’emparer de ces questions là.
Augustin Nkamleun-Fosso, SG du RIAFCO, Réseau des Institutions Africaines de Financement des COllectivités locales : actuellement en réflexion sur les moyens de renforcer le financement de l’ESS.
Laurence Kwark, DG du GSEF : salue cette conférence qui aborde cette question de la coopération internationale et de l’ESS. Il faut mutualiser les informations, les données et les bonnes pratiques. Il y a beaucoup de capitalisation par exemple en France mais ça n’est pas forcément le cas ailleurs.
Christophe Itier était ensuite invité à préciser les stratégies en cours conduites ou appuyées par la France pour mieux intégrer l’ESS dans la mise en œuvre des politiques internationales.
Christophe Itier : il est nécessaire d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux d’actualité sinon des défis politiques et démocratiques se poseront à nous. Il est maintenant temps de la coalition entre entreprises, ONG, collectivités publiques... Dans les accords bilatéraux entre la France et d’autres Etats sur l’ESS, il y a souvent beaucoup de déclarations d’intentions, il est nécessaire de passer des déclarations aux actes et de se concentrer sur des objectifs atteignables. Et à ce niveau, tous les pays ont à apprendre des uns des autres. Dans un certain nombre de pays, des initiatives fonctionnent, il faut raconter pour attirer le regard et essaimer, il est important d’organiser des voyages apprenants. Essayer d’être très pragmatique dans les accords de coopération. Et s’appuyer sur l’AFD, le Social and Inclusive Business et Proparco (NdlR: filiale de l'Agence Française de Développement pour les entreprises privées) pour investir dans les entreprises plus matures.
Au-delà des conventions bilatérales : développer l’ESS et faire bouger les modèles de développement, car il n’y a pas de plan B. Demain les migrations climatiques seront 10 000 fois pire qu’aujourd’hui.
La France a pris la présidence pour l’impulsion du comité de suivi de la déclaration du Luxembourg. Là aussi il y a un enjeu pour renforcer l’ESS dans la politique européenne. Créer des points d’alliance entre l’économie sociale et inclusive et leur donner plus d’efficacité dans leur développement.
A Pact for Impact, sommet international de l’économie sociale et inclusive, il y aura 50 délégations présentes. Nous ambitionnons d’écrire un plaidoyer pour que cette économie soit reconnue au plus haut niveau. Il s’agit d’associer les pouvoirs publics dans toutes leurs dimensions et de travailler tous ensemble sur une feuille de route commune avec des objectifs : sur la question des ODD, sur comment nous travaillons sur un cadre normatif, sur le sourcing, l’essaimage et la question de la finance avec la volonté d’orienter vers les financements à impact social, c’est l’heure, les partenaires privés sont prêts. L’objectif étant qu’il y ait un rebond ensuite à l’AG de l’ONU en septembre et la volonté qu’à chaque événement ou accord international (Mercosur, sommet des 2 rives…), l’ESS soit toujours associée. C'est dans la répétition et la coalition que nous y arriverons. Nous devons nous allier avec des réseaux comme le RTES, le GSEF pour les collectivités, les réseaux de coopératives… Ce n’est que le début, si on ne veut pas de déconvenues sociales, sociétales, démocratiques,.... nous avons besoin de changer de cap.
En conclusion, Christiane Bouchart a souligné que cette rencontre marque une étape importante, qui a vocation à alimenter le sommet Afrique France 2020. Parmi les conditions de développement de l’ESS, a été soulignée l'importance d'un cadre législatif ou normatif national, et la nécessaire co-construction et reconnaissance de la capacité à agir des acteurs et structures de l’ESS. L’ESS est en effet bien une économie de la transformation et apporte aujourd’hui de vraies réponses face aux défis auxquels nous sommes confrontés.