Dans le cadre de son cycle alimentation durable, le RTES propose chaque mois d’aborder une clé d’entrée spécifique sur le sujet de l’alimentation durable et des leviers dont disposent les collectivités pour agir et transformer notre modèle alimentaire vers plus de soutenabilité, de solidarité et d’ancrage territorial, en lien avec les acteurs de l’ESS. Retour sur les échanges du 20 novembre 2020 autour des circuits courts et plateformes de distribution solidaires, qui a rassemblé 70 participant.e.s.
Stéphanie Dartigue, directrice et fondatrice Le Bocal Local
Le Bocal Local est un atelier chantier d’insertion (ACI) qui travaille avec des personnes très éloignées de l’emploi sur la capacité alimentaire du territoire, avec l’objectif de favoriser une alimentation durable accessible à tous. Le Bocal Local mène des activités de glanage, potaginage®, etc., dans une dynamique de sensibilisation du plus grand nombre et à travers les principes de l’agroécologie et la permaculture. L’association porte également une action d’accompagnement auprès des collectivités sur l’approvisionnement maraîcher de restauration collective, à travers le dispositif TRACE (tremplin vers une régie agricole communale évolutive).
Lors de la première phase de confinement, le Bocal Local a réalisé qu’il existait de nombreuses initiatives en Gironde autour de l’alimentation qui vont “de la graine à l’assiette”. Le Bocal Local a contacté une partie de ces acteurs girondins (une vingtaine) et ce collectif d’acteurs a souhaité interpeller les élu.e.s de leur territoire afin de leur démontrer qu’il existe déjà de nombreux acteurs, aux statuts variés et complémentaires, qui interviennent sur l’alimentation durable : des structures d'éducation populaire, des structures d’accompagnement (comme Terres de lien), des structures d’approvisionnement local (Supercoop, ZeDrive…), de logistique (distribution, mobilité…). Ces structures ont donc interpellé les futurs élu.e.s via un plaidoyer adressé en mai 2020 (suite aux élections ou entre 2 tours des municipales) afin de mettre en visibilité l’existant, de montrer pourquoi il est important que les territoires se positionnent et pour interroger ces futurs élu.e.s sur leurs ambitions en matière d’alimentation durable. Ce collectif girondin attire l’attention sur la nécessité de se poser la question de la revalorisation de l’existant et de son orchestration, avant de se poser celle de la re-territorialisation.
Henri Rouillé d'Orfeuil, pilote alimentation durable chez RESOLIS et membre de l'Académie d'Agriculture de France
Henri Rouillé d’Orfeuil présente ensuite l’étude de France Urbaine menée en partenariat avec RESOLIS et Terres en ville. Cette collaboration a été déclenchée par la crise sanitaire, le premier confinement et les mesures prises pour y faire face avec notamment de grandes inquiétudes sur la pérennité de l’approvisionnement alimentaire (la ville de Paris a par exemple 3 jours d’alimentation en réserve). Il y avait urgence à agir car le confinement, du fait de la fermeture des frontières, des marchés, des restaurants, des difficultés de mobilité personnelles, etc. a fait craindre des ruptures dans la chaîne d'approvisionnement. Si veiller aux stocks et à l’approvisionnement est une des premières fonctions régaliennes, les villes ont réagi vite face aux problématiques locales : les producteurs ne pouvant plus écouler leurs productions périssables, il a fallu réparer les circuits de distribution, recréer parfois un maillon de ces circuits, soit en s’appuyant sur des acteurs existants ou en créant de nouvelles alternatives. En parallèle, le hors-marché et l’aide alimentaire se sont étendus : de nombreuses personnes se sont ajoutées aux populations précaires initiales, avec une montée de 30% à 50% du nombre de personnes ayant besoin de l’aide alimentaire. Ces menaces économiques et sociales sont inquiétantes, de telles menaces en 1929 ont donné lieu à des menaces politiques (régimes autoritaires et guerre mondiale), il est donc nécessaire de garder une boussole : la transition, un surcroît de résilience des acteurs et des villes et un surcroît de solidarité.
Cette crise est venue porter un coup d'arrêt dans l’histoire très longue du système alimentaire, traversé par un mouvement de mondialisation depuis le 14è siècle et une agro-industrialisation depuis le 19è siècle qui a intégré dans un système productif ancien toute une série d’intrants et de technologies. Ces résultats ont été plébiscités car ils ont permis d’augmenter considérablement la productivité jusqu’à ce qu’un certain nombre d’interpellations portant sur la santé, l’environnement, la culture émergent il y a une quarantaine d’années et avec elles la conviction de nécessaires transitions. Avec la crise deux évidences apparaissent : la vulnérabilité et la dépendance de notre système alimentaire et la volonté de développer la résilience des territoires et de ne pas dépendre du monde entier.
Pour cette étude, France Urbaine, Resolis et Terres en ville ont mené une enquête auprès de 30 villes et en parallèle, France Urbaine a interpellé l’Etat sur la décision de fermer les marchés de plein vent : le gouvernement est un peu revenu en arrière et 25% des marchés ont pu réouvrir. Cette enquête fait ressortir un ensemble de constats :
- une montée en puissance de l’organisation collective : l’alliance des territoires et les synergies entre les acteurs de la chaîne ;
- des évolutions dans le système alimentaire : prise de conscience des enjeux agroécologiques, présence du numérique qui va s’installer, évolution des pratiques alimentaires : local, bio… (pas directement liée au confinement mais confirmé par celui-ci) ;
- une forte mobilisation citoyenne notamment auprès des publics vulnérables et la conviction que l’évolution des modèles ne passera que par la mobilisation des citoyens ;
- des villes à la manœuvre sur l’ensemble de ces points.
Quels sont les leviers d’action des collectivités ?
- Déclarations politiques
- Plaidoyer vers l’Europe : les villes et grandes villes ont des moyens politiques très importants en lien avec les régions chargées du 2ème pilier de la PAC.
- Agir sur la restauration collective : via son dispositif d’accompagnement TRACE, le Bocal Local observe une demande grandissante de la part des collectivités locales à être accompagnées sur la restauration collective aussi car la loi Egalim impose aux collectivités de s'approvisionner en produits durables de qualité, et à 20% en bio très prochainement. Ceci pose également la question du code de la commande publique qui ne reconnaît pas la proximité comme critère d’achat.
- Agir sur l’aide alimentaire afin qu’elle se rapproche des productions locales.
- Agir en co-construction, coopération, …en ce sens les PAT (Projet alimentaires territoriaux) ont le mérite de mettre toutes les parties prenantes en mouvement.
Julien Ravello, conseiller à l’ESS et aux circuits courts à la ville de Villeurbanne, témoigne du fait que le sujet de l’agriculture et de l’alimentation est un sujet fort de la nouvelle équipe avec la volonté de faire émerger des politiques publiques sur l’alimentation. Sur l’agriculture, la ville de Villeurbanne n’a pas de foncier agricole a proprement parlé et ne peut donc pas beaucoup intervenir sur l’amont, hormis à travers le PAT métropolitain. Il y a cependant une ambition forte pour développer de l’agriculture urbaine et du maraîchage urbain sur quelques parcelles afin d’alimenter la cuisine centrale. Un fort levier d’action de la ville de Villeurbanne est la commande publique et la cuisine centrale qui est en régie, ce qui leur permet une maîtrise des approvisionnements (9000 repas jour). La ville de Villeurbanne travaille également sur l’enjeu de l’accès à une alimentation de qualité pour les personnes les plus pauvres en développant par exemple des programmes de lutte contre la précarité alimentaire en lien avec les CCAS. Sur ce point, Julien Ravello considère que la politique actuelle de don alimentaire est très contestable. Une initiative, née à Villeurbanne, VRAC travaille justement sur l’accessibilité des habitants des quartiers politique de la ville à de la nourriture de qualité. Julien Ravello présente également une initiative de la métropole du Grand Lyon de réflexion pour des MIT (Marchés d’Intérêt Territoriaux), qui constitue selon lui une piste à creuser et qui pourrait prendre la forme de SCIC, avec une approche globale : production, achats, distribution, logistique dernier kilomètre, etc.
Aude Simmermann, chargée de mission économie circulaire alimentaire, au conseil départemental de Meurthe et Moselle, présente les actions du département, animateur d’un PAT qui regroupe 6 pays du sud du département depuis 2017. Dans ce cadre des groupes de travail sont organisés sur les questions environnementales, communication pour rapprocher offre et demande, les questions foncières, de logistique, de distribution. Suite à une première phase de diagnostics, ils devraient entrer dans une phase opérationnelle en 2021. Le département travaille notamment avec la Métropole du Grand Nancy sur un Rungis local : plateforme d’approvisionnement des métiers de bouche et restauration collective de la métropole. Le département porte également le dispositif Paniers Collèges qui s’adresse aux collèges ayant une cuisine de production : le département propose chaque mois aux collèges de commander des produits bio et/ou locaux auprès de 2 plateformes de distribution. A partir de 500€ d’achats mensuels, le département reverse en subvention 20% du bon de commande, prenant ainsi en charge le surcoût que l’achat en bio et local de qualité représente. En parallèle, un travail de lutte contre le gaspillage alimentaire est mené.
Ressources
Résumé
Dans le cadre de son cycle alimentation durable, le RTES propose chaque mois d’aborder une clé d’entrée spécifique sur le sujet de l’alimentation durable et des leviers dont disposent les collectivités pour agir et transformer notre modèle alimentaire vers plus de soutenabilité, de solidarité et d’ancrage territorial, en lien avec les acteurs de l’ESS. Retour sur les échanges du 20 novembre 2020 autour des circuits courts et plateformes de distribution solidaires, qui a rassemblé 70 participant.e.s.
Stéphanie Dartigue, directrice et fondatrice Le Bocal Local
Le Bocal Local est un atelier chantier d’insertion (ACI) qui travaille avec des personnes très éloignées de l’emploi sur la capacité alimentaire du territoire, avec l’objectif de favoriser une alimentation durable accessible à tous. Le Bocal Local mène des activités de glanage, potaginage®, etc., dans une dynamique de sensibilisation du plus grand nombre et à travers les principes de l’agroécologie et la permaculture. L’association porte également une action d’accompagnement auprès des collectivités sur l’approvisionnement maraîcher de restauration collective, à travers le dispositif TRACE (tremplin vers une régie agricole communale évolutive).
Lors de la première phase de confinement, le Bocal Local a réalisé qu’il existait de nombreuses initiatives en Gironde autour de l’alimentation qui vont “de la graine à l’assiette”. Le Bocal Local a contacté une partie de ces acteurs girondins (une vingtaine) et ce collectif d’acteurs a souhaité interpeller les élu.e.s de leur territoire afin de leur démontrer qu’il existe déjà de nombreux acteurs, aux statuts variés et complémentaires, qui interviennent sur l’alimentation durable : des structures d'éducation populaire, des structures d’accompagnement (comme Terres de lien), des structures d’approvisionnement local (Supercoop, ZeDrive…), de logistique (distribution, mobilité…). Ces structures ont donc interpellé les futurs élu.e.s via un plaidoyer adressé en mai 2020 (suite aux élections ou entre 2 tours des municipales) afin de mettre en visibilité l’existant, de montrer pourquoi il est important que les territoires se positionnent et pour interroger ces futurs élu.e.s sur leurs ambitions en matière d’alimentation durable. Ce collectif girondin attire l’attention sur la nécessité de se poser la question de la revalorisation de l’existant et de son orchestration, avant de se poser celle de la re-territorialisation.
Henri Rouillé d'Orfeuil, pilote alimentation durable chez RESOLIS et membre de l'Académie d'Agriculture de France
Henri Rouillé d’Orfeuil présente ensuite l’étude de France Urbaine menée en partenariat avec RESOLIS et Terres en ville. Cette collaboration a été déclenchée par la crise sanitaire, le premier confinement et les mesures prises pour y faire face avec notamment de grandes inquiétudes sur la pérennité de l’approvisionnement alimentaire (la ville de Paris a par exemple 3 jours d’alimentation en réserve). Il y avait urgence à agir car le confinement, du fait de la fermeture des frontières, des marchés, des restaurants, des difficultés de mobilité personnelles, etc. a fait craindre des ruptures dans la chaîne d'approvisionnement. Si veiller aux stocks et à l’approvisionnement est une des premières fonctions régaliennes, les villes ont réagi vite face aux problématiques locales : les producteurs ne pouvant plus écouler leurs productions périssables, il a fallu réparer les circuits de distribution, recréer parfois un maillon de ces circuits, soit en s’appuyant sur des acteurs existants ou en créant de nouvelles alternatives. En parallèle, le hors-marché et l’aide alimentaire se sont étendus : de nombreuses personnes se sont ajoutées aux populations précaires initiales, avec une montée de 30% à 50% du nombre de personnes ayant besoin de l’aide alimentaire. Ces menaces économiques et sociales sont inquiétantes, de telles menaces en 1929 ont donné lieu à des menaces politiques (régimes autoritaires et guerre mondiale), il est donc nécessaire de garder une boussole : la transition, un surcroît de résilience des acteurs et des villes et un surcroît de solidarité.
Cette crise est venue porter un coup d'arrêt dans l’histoire très longue du système alimentaire, traversé par un mouvement de mondialisation depuis le 14è siècle et une agro-industrialisation depuis le 19è siècle qui a intégré dans un système productif ancien toute une série d’intrants et de technologies. Ces résultats ont été plébiscités car ils ont permis d’augmenter considérablement la productivité jusqu’à ce qu’un certain nombre d’interpellations portant sur la santé, l’environnement, la culture émergent il y a une quarantaine d’années et avec elles la conviction de nécessaires transitions. Avec la crise deux évidences apparaissent : la vulnérabilité et la dépendance de notre système alimentaire et la volonté de développer la résilience des territoires et de ne pas dépendre du monde entier.
Pour cette étude, France Urbaine, Resolis et Terres en ville ont mené une enquête auprès de 30 villes et en parallèle, France Urbaine a interpellé l’Etat sur la décision de fermer les marchés de plein vent : le gouvernement est un peu revenu en arrière et 25% des marchés ont pu réouvrir. Cette enquête fait ressortir un ensemble de constats :
- une montée en puissance de l’organisation collective : l’alliance des territoires et les synergies entre les acteurs de la chaîne ;
- des évolutions dans le système alimentaire : prise de conscience des enjeux agroécologiques, présence du numérique qui va s’installer, évolution des pratiques alimentaires : local, bio… (pas directement liée au confinement mais confirmé par celui-ci) ;
- une forte mobilisation citoyenne notamment auprès des publics vulnérables et la conviction que l’évolution des modèles ne passera que par la mobilisation des citoyens ;
- des villes à la manœuvre sur l’ensemble de ces points.
Quels sont les leviers d’action des collectivités ?
- Déclarations politiques
- Plaidoyer vers l’Europe : les villes et grandes villes ont des moyens politiques très importants en lien avec les régions chargées du 2ème pilier de la PAC.
- Agir sur la restauration collective : via son dispositif d’accompagnement TRACE, le Bocal Local observe une demande grandissante de la part des collectivités locales à être accompagnées sur la restauration collective aussi car la loi Egalim impose aux collectivités de s'approvisionner en produits durables de qualité, et à 20% en bio très prochainement. Ceci pose également la question du code de la commande publique qui ne reconnaît pas la proximité comme critère d’achat.
- Agir sur l’aide alimentaire afin qu’elle se rapproche des productions locales.
- Agir en co-construction, coopération, …en ce sens les PAT (Projet alimentaires territoriaux) ont le mérite de mettre toutes les parties prenantes en mouvement.
Julien Ravello, conseiller à l’ESS et aux circuits courts à la ville de Villeurbanne, témoigne du fait que le sujet de l’agriculture et de l’alimentation est un sujet fort de la nouvelle équipe avec la volonté de faire émerger des politiques publiques sur l’alimentation. Sur l’agriculture, la ville de Villeurbanne n’a pas de foncier agricole a proprement parlé et ne peut donc pas beaucoup intervenir sur l’amont, hormis à travers le PAT métropolitain. Il y a cependant une ambition forte pour développer de l’agriculture urbaine et du maraîchage urbain sur quelques parcelles afin d’alimenter la cuisine centrale. Un fort levier d’action de la ville de Villeurbanne est la commande publique et la cuisine centrale qui est en régie, ce qui leur permet une maîtrise des approvisionnements (9000 repas jour). La ville de Villeurbanne travaille également sur l’enjeu de l’accès à une alimentation de qualité pour les personnes les plus pauvres en développant par exemple des programmes de lutte contre la précarité alimentaire en lien avec les CCAS. Sur ce point, Julien Ravello considère que la politique actuelle de don alimentaire est très contestable. Une initiative, née à Villeurbanne, VRAC travaille justement sur l’accessibilité des habitants des quartiers politique de la ville à de la nourriture de qualité. Julien Ravello présente également une initiative de la métropole du Grand Lyon de réflexion pour des MIT (Marchés d’Intérêt Territoriaux), qui constitue selon lui une piste à creuser et qui pourrait prendre la forme de SCIC, avec une approche globale : production, achats, distribution, logistique dernier kilomètre, etc.
Aude Simmermann, chargée de mission économie circulaire alimentaire, au conseil départemental de Meurthe et Moselle, présente les actions du département, animateur d’un PAT qui regroupe 6 pays du sud du département depuis 2017. Dans ce cadre des groupes de travail sont organisés sur les questions environnementales, communication pour rapprocher offre et demande, les questions foncières, de logistique, de distribution. Suite à une première phase de diagnostics, ils devraient entrer dans une phase opérationnelle en 2021. Le département travaille notamment avec la Métropole du Grand Nancy sur un Rungis local : plateforme d’approvisionnement des métiers de bouche et restauration collective de la métropole. Le département porte également le dispositif Paniers Collèges qui s’adresse aux collèges ayant une cuisine de production : le département propose chaque mois aux collèges de commander des produits bio et/ou locaux auprès de 2 plateformes de distribution. A partir de 500€ d’achats mensuels, le département reverse en subvention 20% du bon de commande, prenant ainsi en charge le surcoût que l’achat en bio et local de qualité représente. En parallèle, un travail de lutte contre le gaspillage alimentaire est mené.
Ressources