Le 17 novembre 2021, le RTES organisait un échange autour de l'approche québécoise de la revitalisation urbaine intégrée, démarche inspirante pour envisager différemment la politique de la ville en France.
Marie-Hélène Gélinas directrice générale du Comité de vie de quartier du Vieux-Gatineau et coleader du chantier Développement social et culturel, et Lyne Bouchard coleader du chantier de Développement local, économique et commercial, présidente de l’Association des gens d’affaires et professionnels du Vieux-Gatineau présentaient la démarche de Revitalisation Urbaine Intégrée.
Dans les années 80, l'État québécois commence à développer des politiques publiques qui reconnaissent les contextes endogènes des communautés. Dans ce contexte, de nouvelles formes d’actions publiques apparaissent telle l’approche de la concertation intersectorielle abordée comme stratégie incontournable pour résoudre des problèmes complexes aux causes multifactorielles. La concertation intersectorielle englobe des approches comme l’approche territoriale intégrée (ATI) et la revitalisation urbaine intégrée (RUI).
La RUI est définie ainsi : «Les démarches de revitalisation intégrée sont inclusives, territorialisées, globales, intersectorielles, participatives, pérennes et professionnelles. Elles se concrétisent dans des projets globaux de développement sur un territoire déterminé. L’objectif est l’amélioration de la qualité de vie des citoyens et citoyennes à partir de la dynamique locale, en travaillant de manière concertée entre partenaires intersectoriels et multi-réseaux et en s’appuyant sur la participation des citoyens à toutes les étapes du processus.». En 2017 il existait une quinzaine de démarches RUI au Québec.
Le Vieux-Gatineau est l’un des quartiers les plus pauvres de Gatineau. Au Vieux-Gatineau, la démarche de RUI est officiellement lancée en février 2014. La démarche RUI s’appuie sur le travail concerté de nombreux acteurs territoriaux, c’est une démarche pour et par la communauté. Le comité d'orientation de la démarche de RUI, l'instance pivot qui favorise une gestion collective de la démarche, est constitué du Comité vie de quartier du Vieux-Gatineau (CVQ-VG), de l’Association des gens d’affaires et professionnels du Vieux-Gatineau (AGAP-VG), du Centre intégré de santé et des services sociaux de l’Outaouais (CISSSO), de la Ville de Gatineau et de la Maison de quartier Notre-Dame. Il s'assure de la cohérence entre les projets et la vision développée par la communauté.
La RUI du Vieux-Gatineau s’organise autour de 3 chantiers, chaque chantier, porté par des citoyens, commerçants, structures est interdépendant des autres. Un inter-chantier permet la mise en commun des travaux, la consultation large de citoyens, etc. :
- Chantier développement social et culturel : habitat social, mode de vie, information et communication, emploi, vie communautaire et sociale.
- Chantier développement local, économique et commercial : économie sociale, pôle agroalimentaire, culture et récréotourisme.
- Chantier environnement et aménagement du territoire : lieux et places publiques, rues d'ambiances, mobilité et attractivité, infrastructures communautaires, embellissement et fonctionnalité du quartier.
La mobilisation citoyenne est un axe très important de la RUI, des consultations publiques sont organisées très régulièrement et tout est fait pour faciliter la participation des citoyens (service de baby-sitting gratuit, navettes gratuites, buffet convivial). La RUI développe des méthodes de mobilisation citoyenne : un dictionnaire des acronymes pour faciliter la compréhension de tous, une infolettre mensuelle, une page facebook, une chaine youtube avec interviews des acteurs du quartier et le journal la Voix citoyenne édité à 2500 exemplaires pour donner la parole aux citoyens en libre expression.
Un plan d’action sur 10 ans a été élaboré en 2016. Ses enjeux prioritaires déclinés en 113 actions sont :
- La santé de la population et les actions sur ses déterminants (services de santé, sécurité alimentaire, logement, entraide communautaire, éducation, formation, aide à l’emploi);
- La mise en commun des forces économiques pour la revitalisation du secteur et la création d’emplois à travers des projets structurants;
- L’appropriation de la rue Notre-Dame et de ses abords par les citoyens du secteur.
Parmi les 113 actions, de nombreux projets intègrent des structures de l ‘économie sociale : la restauration du marché Notre-Dame, le développement de marchés de plein vent, l’aménagement éphémère de l’espace public et l’aménagement de lots vacants (jardins partagés, aire de détentes de plein air...), le développement de circuits artistiques et touristiques, les Serres urbaines Notre-Dame (jardin urbain, serres et complexe aquaponique, café/boutique), la réfection de la rue Notre-Dame…
Suite à cette présentation, Emmanuelle Rousset, vice-présidente du conseil départemental de l'Ille-et-Vilaine et Frédéric Frenard, chargé de missions à Résovilles partageaient leur rapport d'étonnement.
Emmanuelle Rousset, vice-présidente du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine a également été élue de quartier à Rennes. Depuis une dizaine d’années, une coopération entre l’Ille-et-Vilaine et le Québec est active, financée entre autres par le Fonds franco-québécois pour la coopération décentralisée. Ce fonds permet d’organiser des voyages apprenants dans les deux sens, rassemblant élus, chargés de mission et acteurs de l’ESS. Voici son rapport d'étonnement :
- Ce qui est intéressant au Québec, c’est que l’on fait d’abord de l’humain puis ensuite de l’urbanisme, tandis qu’en France on fait l’inverse.
- Au Québec, peu importe la casquette avec laquelle on intervient, les gens n’interviennent pas pour leur institution mais d’abord pour le développement local du quartier. En France, on a tendance à oublier l'aspect local car on fait la dichotomie entre l’urbain, le social, l’économique, etc.
- Il est également intéressant de noter l’approche pragmatique de la RUI québécoise : des actions sont menées, même à micro-échelle, occasions de favoriser l’interconnaissance entre les différentes parties prenantes. La démarche alterne des micros projets qui font sens au quotidien dans la vie des gens et des projets de long terme.
- Autre point d’intérêt, les “gens d’affaires”, les entreprises, sont présentes au cœur de la démarche. L’économie est partie intégrante du développement local. Au Vieux-Gatineau l’association des gens d’affaires a un contrat avec la ville pour développer le territoire par l’économie.
Selon Emmanuelle Rousset, une des pistes pour faire évoluer la politique de la ville française vers une approche intégrée serait de faire une vraie place à l’ESS dans les contrats de ville. La question de l’économie est au cœur de la vie des quartiers : emplois, formations, reconnaissance… l’ESS, économie qui ne peut être délocalisée, qui agit avec les citoyens et l’ensemble des parties prenantes, qui peut faire lien avec d’autres entreprises, apparaît comme la clé de la revitalisation urbaine intégrée.
Frédéric Frenard, chargé de mission développement économique au Centre ressources politique de la ville - RésO Villes, partage le rapport d’étonnement d’Emmanuelle Rousset.
L’approche québécoise de la RUI interpelle le fonctionnement français de la politique de la ville. Au Québec, les dimensions partenariale et collective sont frappantes.
En France, la politique de la ville est marquée par un cadre contractuel dans lequel les partenaires (collectivité et Etat) définissent les orientations, les axes prioritaires. Les projets sont soutenus via des dispositifs et des appels à projet. Ce mode de fonctionnement présente quelques limites : certes il flèche des financements et permettent un soutien aux projets. Toutefois il a tendance à mettre en concurrence les acteurs locaux là où il serait attendu davantage de projets de coopération. La politique de la ville pourrait se réapproprier des approches fondées sur le Développement Local, le Développement Social Urbain (historiquement apparu dans les années 70 / 80) permettant d’activer les ressources du quartier et assurer la prise en charge du développent par les organisations du « milieu de vie du quartier » (collaboration active des collectivités et associations).
Pour Frédéric Frenard, la principale piste pour faire évoluer la politique de la ville serait de développer la dimension fédératrice et la culture de coopération, car nos modes de faire très sectorisés ne permettent pas de soutenir un développement endogène dans nos territoires.
Selon lui les points d’intérêts qu’il aimerait diffuser dans les prochains contrats de ville sont :
- Une dimension « intégrée » ; un projet qui émane du quartier pour le quartier, une logique inter sectorielle.
- Un pilotage à l’échelle du quartier qui traduit cette dimension intersectorielle avec l’ensemble des partenaires et pas uniquement l’Etat et la collectivité
- Un leadership des chantiers qui est confié à un acteur ou une cohorte de partenaires du terrain
- S’appuyer sur les habitants comme des partenaires à part entière en développant leur mobilisation à l’image des tables de quartiers (pas seulement sur l’expertise d’usage mais comme porteur d’actions)
- Pas d’appel à projet, les projets sont construits collectivement avec les acteurs du quartier (dimension collective) puis vient la recherche de financements. Pourquoi pas un fonds de développement à l’échelle du quartier ?
Ressources :
Retours sur des voyages d'étude :
Des ouvrages pour aller plus loin :
Résumé
Le 17 novembre 2021, le RTES organisait un échange autour de l'approche québécoise de la revitalisation urbaine intégrée, démarche inspirante pour envisager différemment la politique de la ville en France.
Marie-Hélène Gélinas directrice générale du Comité de vie de quartier du Vieux-Gatineau et coleader du chantier Développement social et culturel et Lyne Bouchard coleader du chantier de Développement local, économique et commercial, présidente de l’Association des gens d’affaires et professionnels du Vieux-Gatineau présentaient la démarche de Revitalisation Urbaine Intégrée.
Dans les années 80, l'État québécois commence à développer des politiques publiques qui reconnaissent les contextes endogènes des communautés. Dans ce contexte, de nouvelles formes d’actions publiques apparaissent telle l’approche de la concertation intersectorielle abordée comme stratégie incontournable pour résoudre des problèmes complexes aux causes multifactorielles. La concertation intersectorielle englobe des approches comme l’approche territoriale intégrée (ATI) et la revitalisation urbaine intégrée (RUI).
La RUI est définie ainsi : «Les démarches de revitalisation intégrée sont inclusives, territorialisées, globales, intersectorielles, participatives, pérennes et professionnelles. Elles se concrétisent dans des projets globaux de développement sur un territoire déterminé. L’objectif est l’amélioration de la qualité de vie des citoyens et citoyennes à partir de la dynamique locale, en travaillant de manière concertée entre partenaires intersectoriels et multi-réseaux et en s’appuyant sur la participation des citoyens à toutes les étapes du processus.». En 2017 il existait une quinzaine de démarches RUI au Québec.
Le Vieux-Gatineau, est l’un des quartiers les plus pauvres de Gatineau. Au Vieux-Gatineau, la démarche de RUI est officiellement lancée en février 2014. La démarche RUI s’appuie sur le travail concerté de nombreux acteurs territoriaux, c’est une démarche pour et par la communauté. Le comité d'orientation de la démarche de RUI, l'instance pivot qui favorise une gestion collective de la démarche, est constitué du Comité vie de quartier du Vieux-Gatineau (CVQ-VG), de l’Association des gens d’affaires et professionnels du Vieux-Gatineau (AGAP-VG), du Centre intégré de santé et des services sociaux de l’Outaouais (CISSSO), de la Ville de Gatineau et de la Maison de quartier Notre-Dame. Il s'assure de la cohérence entre les projets et la vision développée par la communauté.
La RUI du Vieux-Gatineau s’organise autour de 3 chantiers, chaque chantier, porté par des citoyens, commerçants, structures est interdépendant des autres. Un inter-chantier permet la mise en commun des travaux, la consultation large de citoyens, etc. :
- Chantier développement social et culturel : habitat social, mode de vie, information et communication, emploi, vie communautaire et sociale.
- Chantier développement local, économique et commercial : économie sociale, pôle agroalimentaire, culture et récréotourisme.
- Chantier environnement et aménagement du territoire : lieux et places publiques, rues d'ambiances, mobilité et attractivité, infrastructures communautaires, embellissement et fonctionnalité du quartier.
La mobilisation citoyenne est un axe très important de la RUI, des consultations publiques sont organisées très régulièrement et tout est fait pour faciliter la participation des citoyens (service de baby-sitting gratuit, navettes gratuites, buffet convivial). La RUI développe des méthodes de mobilisation citoyenne : un dictionnaire des acronymes pour faciliter la compréhension de tous, une infolettre mensuelle, une page facebook, une chaine youtube avec interviews des acteurs du quartier et le journal la Voix citoyenne édité à 2500 exemplaires pour donner la parole aux citoyens en libre expression.
Un plan d’action sur 10 ans a été élaboré en 2016. Ses enjeux prioritaires déclinés en 113 actions sont :
- La santé de la population et les actions sur ses déterminants (services de santé, sécurité alimentaire, logement, entraide communautaire, éducation, formation, aide à l’emploi);
- La mise en commun des forces économiques pour la revitalisation du secteur et la création d’emplois à travers des projets structurants;
- L’appropriation de la rue Notre-Dame et de ses abords par les citoyens du secteur.
Parmi les 113 actions, de nombreux projets intègrent des structures de l ‘économie sociale : la restauration du marché Notre-Dame, le développement de marchés de plein vent, l’aménagement éphémère de l’espace public et l’aménagement de lots vacants (jardins partagés, aire de détentes de plein air...), le développement de circuits artistiques et touristiques, les Serres urbaines Notre-Dame (jardin urbain, serres et complexe aquaponique, café/boutique), la réfection de la rue Notre-Dame…
Suite à cette présentation, Emmanuelle Rousset, vice-présidente du conseil départemental de l'Ille-et-Vilaine et Frédéric Frenard, chargé de missions à Résovilles partageaient leur rapport d'étonnement.
Emmanuelle Rousset, vice-présidente du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine a également été élue de quartier à Rennes. Depuis une dizaine d’années, une coopération entre l’Ille-et-Vilaine et le Québec est active, financée entre autres par le Fonds franco-québécois pour la coopération décentralisée. Ce fonds permet d’organiser des voyages apprenants dans les deux sens, rassemblant élus, chargés de mission et acteurs de l’ESS. Voici son rapport d'étonnement :
- Ce qui est intéressant au Québec, c’est que l’on fait d’abord de l’humain puis ensuite de l’urbanisme, tandis qu’en France on fait l’inverse.
- Au Québec, peu importe la casquette avec laquelle on intervient, les gens n’interviennent pas pour leur institution mais d’abord pour le développement local du quartier. En France, on a tendance à oublier l'aspect local car on fait la dichotomie entre l’urbain, le social, l’économique, etc.
- Il est également intéressant de noter l’approche pragmatique de la RUI québécoise : des actions sont menées, même à micro-échelle, occasions de favoriser l’interconnaissance entre les différentes parties prenantes. La démarche alterne des micros projets qui font sens au quotidien dans la vie des gens et des projets de long terme.
- Autre point d’intérêt, les “gens d’affaires”, les entreprises, sont présentes au cœur de la démarche. L’économie est partie intégrante du développement local. Au Vieux-Gatineau l’association des gens d’affaires a un contrat avec la ville pour développer le territoire par l’économie.
Selon Emmanuelle Rousset, une des pistes pour faire évoluer la politique de la ville française vers une approche intégrée serait de faire une vraie place à l’ESS dans les contrats de ville. La question de l’économie est au cœur de la vie des quartiers : emplois, formations, reconnaissance… l’ESS, économie qui ne peut être délocalisée, qui agit avec les citoyens et l’ensemble des parties prenantes, qui peut faire lien avec d’autres entreprises, apparaît comme la clé de la revitalisation urbaine intégrée.
Frédéric Frenard, chargé de mission développement économique au Centre ressources politique de la ville - RésO Villes, partage le rapport d’étonnement d’Emmanuelle Rousset.
L’approche québécoise de la RUI interpelle le fonctionnement français de la politique de la ville. Au Québec, les dimensions partenariale et collective sont frappantes.
En France, la politique de la ville est marquée par un cadre contractuel dans lequel les partenaires (collectivité et Etat) définissent les orientations, les axes prioritaires. Les projets sont soutenus via des dispositifs et des appels à projet. Ce mode de fonctionnement présente quelques limites : certes il flèche des financements et permettent un soutien aux projets. Toutefois il a tendance à mettre en concurrence les acteurs locaux là où il serait attendu davantage de projets de coopération. La politique de la ville pourrait se réapproprier des approches fondées sur le Développement Local, le Développement Social Urbain (historiquement apparu dans les années 70 / 80) permettant d’activer les ressources du quartier et assurer la prise en charge du développent par les organisations du « milieu de vie du quartier » (collaboration active des collectivités et associations).
Pour Frédéric Frenard, la principale piste pour faire évoluer la politique de la ville serait de développer la dimension fédératrice et la culture de coopération, car nos modes de faire très sectorisés ne permettent pas de soutenir un développement endogène dans nos territoires.
Selon lui les points d’intérêts qu’il aimerait diffuser dans les prochains contrats de ville sont :
- Une dimension « intégrée » ; un projet qui émane du quartier pour le quartier, une logique inter sectorielle.
- Un pilotage à l’échelle du quartier qui traduit cette dimension intersectorielle avec l’ensemble des partenaires et pas uniquement l’Etat et la collectivité
- Un leadership des chantiers qui est confié à un acteur ou une cohorte de partenaires du terrain
- S’appuyer sur les habitants comme des partenaires à part entière en développant leur mobilisation à l’image des tables de quartiers (pas seulement sur l’expertise d’usage mais comme porteur d’actions)
- Pas d’appel à projet, les projets sont construits collectivement avec les acteurs du quartier (dimension collective) puis vient la recherche de financements. Pourquoi pas un fonds de développement à l’échelle du quartier ?
Ressources :
Retours sur des voyages d'étude :
Des ouvrages pour aller plus loin :